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  Que faisiez-vous pendant ce temps ?

Chapitre IX CHAPITRE IX



 
C’est un dialogue en faveur des perspectives de raisonnement social et ceci, à l’encontre des normalisations de toutes sortes.
  

Toutefois, avant de pouvoir mettre en place un autre type de dialogue social qui serve au mieux ces nouvelles valeurs, nous avons aussi à décrire ici, le difficile travail d'intégration à laquelle était alors continuellement soumise une communauté. Pour mettre en avant ce type de démarche nous prendrons comme exemple, l'arrivée imprévue d'un nouvel adepte qui, sortant d’une « quatre-chevaux » grenat, fait son apparition au milieu de la cour. Le crâne rasé et la boucle d’oreille d’un seul coté, c’est un amoureux de Krishna qui débarque. Il revient d’un voyage de plus de six mois en Inde et porte en lui toutes les aspirations mystiques de ce pays. Ce qui comparativement, n’est pas peu dire ! Son voyage, on le voit tout de suite, l'a mis dans un état de grâce permanent et ses visions intérieures ont fait de lui un être à la sensibilité exacerbée. Il rayonne et les histoires qu’il raconte nous amènent déjà tout droit au paradis des voyageurs (le seul paradis que l’on veuille bien reconnaître ici-bas).

D’emblée, ce nouveau venu, fait participer tout le monde à son univers poétique, un univers fait de musique, car il est musicien et joue de la guitare et de la flûte, un univers fait aussi de mille jeux de mots. Il extériorise sans arrêt une bonne humeur à toute épreuve ainsi qu’une activité cérébrale débordante. Mais attention, ce partisan de l'amour libre est dangereux pour l’équilibre de la communauté, car tout d’abord il n’est pas seul, il a aussi un enfant et une femme (une femme avec qui et comme par hasard, il est en instance de divorce), mais surtout il a des idées, beaucoup d’idées, beaucoup trop d’idées !

Dès cet instant, commence pour la communauté une nouvelle ère et à partir de là, il ne va plus se passer un seul jour, jusqu'à l’implosion de cette dernière, sans que ce nouveau résident ne veuille lui apporter les améliorations de son choix. La nuit lui portant certainement conseil, cet infatigable boute-en-train se lève tous les matins avec quelque chose de nouveau à réaliser. Cela peut aller de la restructuration complète de la maison à la nouvelle méthode pour pouvoir faire manger son fils (un futur adepte des grévistes de la faim), tout en passant par la création d’une nouvelle mode et ceci, dans n’importe quel domaine de définition. Ses facultés d’invention et d’imagination sont incroyables et le reste de la troupe a beau essayer de temporiser sur quelques réalisations concrètes, elle est quand même toujours à la remorque d’une nouvelle idée géniale du petit dernier.

Ca peut durer comme cela une année entière et au bout du compte, on s’aperçoit que chaque jour, il y a eu une idée nouvelle à mettre en pratique, ce qui en soi est déjà admirable. Mais il ne faut pas oublier que la communauté compte plusieurs membres actifs et que si l’on doit multiplier au bout d’un an, trois cent soixante cinq idées neuves par autant de membres que comporte le groupe, ça commence à faire pas mal de pagaille derrière les guichets. Car dans le fond, on ne discute jamais du bien-fondé d’une idée communautaire, ce serait aller contre toute bonne entente. Ce faisant, on décide de l’appliquer tout de suite, pour s’apercevoir qu’il faudrait prendre le temps de l’adapter, mais comme entre temps, on a eu une autre idée géniale, on essaie aussitôt de la mettre en pratique, et ainsi de suite... C’est un peu fatigant à suivre, surtout pour la tête, mais de cette manière, si quelqu’un arrive à s’ennuyer ne serait-ce qu’une seule seconde de son existence, c’est qu’il est irrécupérable.

C’est ainsi, que la communauté va, une année durant, essayer de mettre en application les principes et les aspirations de son nouveau gourou. Et quand, au terme de sa longue visite, celui-ci va partir ailleurs pour vivre de nouvelles aventures, il va laisser le groupe avec tout un tas d’idées à moitié réalisées et en proie aux affres de ses nouvelles responsabilités. Malgré tout, pendant ce temps, il n’y aura jamais eu une seule tension, un seul geste brutal ou une seule forme d’animosité envers quiconque et la raison du départ du gourou restera une ténébreuse histoire de sanglier épuisé et récupéré dans un taillis, un sanglier dont la moitié de la communauté cannibale voulait la mort et dont l’autre moitié végétarienne voulait la liberté. La discussion portait ce jour-là, sur la manière d’abattre l’animal, soit à coups de pierre, soit à coups de marteau. Je vous rassure, pour une fois, le sanglier eut la vie sauve, mais la communauté en explosa et dû chercher dans d’autres délires et d’autres affections une nouvelle envie de vivre.

Des centaines de personnes qui passèrent au sein du groupe, il en est qui l’ont marqué d’une manière plus ou moins forte, leur empreinte pouvant même dans certains cas, se révéler indélébile. C’est ainsi que notre gourou nous avait fait acheter une quinzaine de chèvres, car une communauté sans chèvres, c’est comme un avion sans ailes, ça n’a pas de sens ! Mais avant de vous parler un peu plus loin et en détail, vers la fin de ce livre, des plus admirables animaux que porte la création, nous allons tout d’abord définir ici, l’idéal communautaire.

Le modèle idéal, pour une communauté, est avant tout, de tout partager. C’est à dire que si quelqu’un, par bonheur, arrive avec vingt balles en poche, c’est lui qui le premier devra aller acheter la bouffe si les autres ont une petite faim qui les tenaille.

La deuxième notion par ordre d’importance est la participation spontanée de chacun aux idées des autres, participation par exemple, à la mise en place d'un système d'autarcie le plus intègre qui soit. Pour cela, il faut qu'il y ait une production de denrées alimentaires la plus large possible, le surplus restant une possibilité de réaliser des échanges car et pour ne pas trop se salir la bouche, on évite la plupart du temps de parler de fric entre nous. Suivant l’intégrité de son modèle, le groupe acceptera ou non un véhicule motorisé; L’idéal restant la traction animale, la bicyclette ou la marche à pied. Quelques uns pouvant même refuser l’électricité par pure conviction antinucléaire. Ainsi, le partage et la participation sont les bases sacrées de l’idéal communautaire…

Un marginal ayant ce type d’aspirations, doit donc être à même de tout partager, sans jamais avoir l’ombre d’une arrière-pensée. Il doit être à même de partager: sa maison si elle lui appartient, sa voiture s’il en a une, son jardin, sa chambre, son lit, sa cuisine, sa cheminée, sa chemise, ses chimères, ses chaussures, ses gants, son rasoir s’il se rase, son dentifrice s’il se lave les dents, sa brosse à dents, son verre à pied..., ses cigarettes et son tabac, ses coups à boire, ses mauvais coups et ses bons coups (il y en a peu), son travail, ses loisirs, son argent (s’il en a), ses voyages, ses rôts, ses pets, parfois l’odeur de ses pieds, ses malheurs, ses joies, ses pannes de voiture, ses angoisses, son kif, surtout son herbe, sa mauvaise humeur, ses bons et ses mauvais cotés, sa violence et sa douceur...

Mais par dessus tout, le marginal, cet original, partage avec les autres ses crampes d’estomac. Car s’il est à même de discourir pendant des heures entières sur les bienfaits supposés, pour le développement harmonieux du corps et de l’esprit, de tel ou tel produit dit «biologique», il est premièrement et bien souvent, incapable de le cuisiner d’une manière convenable et deuxièmement, il est rarement capable de se l’offrir. Ce qui fait que bien des fois, cet individu idéaliste va se rabattre sur la seule chose qu’il ait en stock au fond de son garde-manger: je veux parler des pâtes.

Oui, mais des Panzani ! me direz vous. Qu'importe la marque pourvu qu’on ait la dose et c’est armé d'une casserole géante que le néophyte communautaire va cuisiner et nous faire partager le seul plat dont son imagination, pourtant délirante en temps normal, ait pu trouver la recette: des nouilles au beurre, et encore, s’il y a du beurre. En général, ça tient bien au corps. Parfois, dans un accès de bonne humeur et par un jour de grand soleil, peut être trouvera-t-il dans le tréfonds de sa mémoire, le moyen de nous faire partager un plat de lentilles, sans petit salé... Mais cela est si rare, que nous en marquerons la date sur notre agenda, des pierres blanches trouvées au fond du plat.

En dehors de ses crampes d'estomac et d’un partage minutieux de tout ce qui l’entoure, le marginal pensera aussi à faire des échanges (plus pour passer le temps que pour faire des affaires). Il essaiera donc de baser son économie le plus souvent possible sur un système de troc, bien sûr par manque d’argent, mais il faut le répéter, surtout par idéal propre. Le système de troc s’accommodant d’une estimation concrète, il faudra tout d’abord décider de la valeur de telle ou telle chose par rapport à une autre. Vu de l’extérieur et sur une échelle de valeurs conventionnelles, certains échanges pourraient dès lors paraître très déséquilibrés. Mais dans ce contexte précis, un tas de paramètres rentrent en jeu et il est bien difficile d’établir, si finalement l’échange est ou non équitable.

On a vu ainsi s’échanger des chaussures contre un vélo, une montre à quartz contre du temps libre, une caravane contre une voiture, un pneu contre une pompe, un peigne contre une perruque, un pagne contre un kilt, une journée à la mer contre une journée à la campagne, un béret contre un ceinturon, une maison contre un bateau, deux pneus neige contre des skis, mais surtout, quelques journées de travail contre une barrique de vin rouge. Comme on le voit, les échanges peuvent être aussi variés qu’importants ou insignifiants. Ce faisant, ils jouent le rôle d’un système économique parallèle et indépendant du système monétaire en vigueur et ce n’est pas peu dire. Ces échanges ont débouché sur les SEL (Systèmes d’Echange Locaux), des SEL qui eux-mêmes, ont été reconceptualisés autour de la notion globale d’économie solidaire.

Mis à part le partage, la participation et l’échange, le quatrième credo de l’aspirant communautaire est son besoin d’autarcie vis-à-vis d'un monde dont la plupart du temps, il ne veut plus entendre parler. Dans ce sens, une communauté, si elle veut dignement porter ce nom, se doit d’être un maximum autarcique, une autarcie dont le degré d’intégrité est déterminé au fur et à mesure par chacun de ses membres. Ce Système, selon sa réussite, sera alors ou non montré en exemple. Toutefois pour que tout cela fonctionne comme sur des roulettes, il faut disposer aussi d’un modèle philosophique.Quel est donc ce modèle ?

Si c’est une communauté de type religieux, il lui faut à tout prix un gourou.
Si c’est une communauté de type anarchisant, il lui faut de l’action.
Si c’est une communauté de type gauchisant, il lui faut un modèle social.
Si c’est une communauté branchée sur la fumette, il lui faut beaucoup de temps libre.

Mais en général, on fixera son choix sur une communauté de type mixte dont la nécessité à l’autarcie sera le point de rencontre. De quoi a donc besoin, en dehors de son modèle philosophique, cette communauté pour vivre en autarcie ? La disposition d’un lieu de vie est comme nous l’avons vu plus haut, de première importance. Ensuite par ordre d’intérêt décroissant elle a besoin, d'un jardin, d'un troupeau de chèvres (c’est pour le fromage), de quelques moutons si c’est un groupe cannibale, si possible d'un champ de céréales, d'un moulin pour moudre son grain et pour pouvoir y entrer et en sortir à sa guise, d'un four pour faire le pain, d'un rucher pour avoir le miel et faire du levain, d'un tour s’il y a des potiers, d'un véhicule motorisé si personne n’y voit d’objection, d'un cheval ou de bicyclettes s’il y a eu des objections, de bougies si c’est un groupe antinucléaire, d'un métier à tisser s’il y a des adeptes, d'une vigne si c’est une communauté alcoolo, d'une palissade si c’est un groupe nudiste, etc. Mais en aucun cas, il ne faut une télévision au milieu de tout cela ! Chacun étant à même de faire instantanément et inlassablement assez de cinéma et de musique pour les uns et pour les autres afin que l’on puisse se passer momentanément des informations nationales, des films à la mode, de leurs banales critiques, des clips débiles, etc., en un mot, de tout ce qui fait en général, la banalité de la vie de tous les jours....

Comme on le voit, un véritable système autarcique a donc besoin de très peu de choses afin de survivre. Premièrement, il refuse en grande partie les biens de consommation courants et deuxièmement, il se suffit à lui même de par ses différents types de productions. Considérant aussi en dernier lieu, que le fait d’arriver à faire pousser les légumes dans son jardin et de les déguster à table, est tout aussi nécessaire à l’équilibre général des populations, que la production hyper rationnelle de ces mêmes légumes par un circuit de producteurs conventionnels.

Il faut dire que de notre coté, nous avions depuis longtemps compris qu’ailleurs les hommes vivaient trop seuls dans leurs cités fantômes et qu’ils passaient en fait, le plus clair de leur vie, à acheter le vide qui meublait leurs salons. S’en allant simplement, de temps à autres, ça et là aux quatre coins des tombes avec des chrysanthèmes, vérifier de visu s’ils étaient toujours vivants. Nous les regardions faire du haut de nos pétards, à écumer leur rage, à dépasser leur âge, au volant de leurs meufs. Narguant les équinoxes, ils végétaient dans l’ombre de leurs tours de béton, laissant le soir venu, la rue aux plus dépendants d’entre eux. Ils n’avaient en fait qu’une seule frayeur : celle que la nuit tombe. Et pendant ce temps-là, au fond de leurs salons, ils couvaient la rancune...

Aussitôt que le jour pointait à l’horizon, on les voyait courir aux arrêts d’autobus pour aller prendre leur tour de garde auprès de la grande machine qui tricotait des linceuls. Incroyable Système où l’on voyait les gens s’attacher aux métiers afin de tisser continuellement leur propre suaire. Mon aïeule faisait déjà pareil, mais elle tricotait au grand air, elle avait plus de chance. Ces hommes-là, du temps que je vous dis, ne vivaient plus qu’en jouant au tiercé (ou à d'autres jeux de « hasard », peu importe !). C’était dès lors, des sarabandes interminables de tickets qui étonnaient leurs yeux. Ils s'accoudaient ainsi des heures durant sur le bord du comptoir, à calculer sans fin la malchance qui leur ferait perdre, en quelques instants, le peu d’argent qu’ils gagnaient dans les arrières boutiques du bonheur sur mesure. A tabasser le sort, en pensant connement qu’ils étaient des élus : les élus du marché et du fric. Combien de temps se perd entre le bistrot et l’enclume, entre le chariot et les courses, à se persuader qu'ailleurs est certainement bien trop dangereux pour y vivre vraiment. Astiquant leurs pantoufles, ils se mettaient le plus souvent ensemble autour d’un aquarium, à regarder gagner les autres. Ils s’époumonaient quand même, de temps à autres lors de quelques pauvres manifestations, pour voler au secours des perdants.

Quand ils s’apercevaient que le sang coulait trop, qu’ils allaient y laisser leurs dernières ressources, ils se mettaient dès lors à voter pour des drôles de types, qui s’en prenaient toujours au reste de leurs billes. Se faisant racoler par d’étranges idées ils étaient en fait toujours en train de se refaire, examinant d’un ½il hagard le jour où par malheur, ils se feraient plumer définitivement. Ces lourds chevaux de trait ne brisaient pas leurs chaînes, ils étaient là, confiants comme des enfants à qui l'on a promis la lune. Et justement la lune, ils l’avaient tous sur leurs rétroviseurs. Ahanant à comprendre le sens de l’infini, ils se contentaient d’attendre que quelqu’un de meilleur leur explique le monde. Le monde de demain, celui de l’impossible : là où les sauveteurs auront des casques d’astronautes vissés à leurs bérets.

Dans cet éther immense aux confins de leur gloire, ils hésitaient à croire, que derrière le masque se trouvait un visage. C’est pourquoi tous les jours ils repartaient vaincus, le long des rayonnages, à rechercher au fond de quelque ignoble bocal, le message des autres. Acharnés à comprendre comment ce putain de bocal arrivait sans arrêt en renfort sur chacune des étagères de chacun des rayonnages, repassant chaque jour pour mieux saisir le sens de cette mascarade, s’aidant de béquilles pour mieux emmagasiner les débris sauveteurs.

Il est vrai que souvent on leur faisait le coup du canon qui avance, l’article de la mort leur servait de caution, contre les turpitudes qui condamnent le monde à n’être plus qu’un leurre, au sein de nulle part. Poursuivant leurs angoisses, les faisant cavaler, ils dévalaient sans fin le long de boutiques sordides en contemplant le bien que leur ferait le mal, en calmant leur stupeur le long de magasins qui ressemblent à demain comme deux gouttes d’eau.

Quand ces jumeaux errants devant leurs devantures dévalisaient l’espoir, nous étions autre part à contempler l’idole de notre religion, pantelante de rage, vous racolant sans cesse au détour de chaque courant d’air, fuyant la servitude.

Certitudes de fous. Monde de lendemains qui sombrent dans l’eau noire du temps. Pas perdus en enfer. Pourtant vous aviez mille fées pour vous aider à forcer le destin, ce passeport étrange aux visas incertains, mais vous avez reculé. Le mur de l’impossible s’est voué en enceinte. On vous a ménagé des vitraux, installé des échelles trop courtes qui butaient sur ce mur, pour que vous ayez peur de monter sur les créneaux de marbre sertis de sang humain. Rubis de tous les âges, complaintes d’autrefois, paillettes d’assassins, j’envahirai d’espoir vos trottoirs désertés.
Ecrire, rectifier, donner son avis