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  Que faisiez-vous pendant ce temps ?

Chapitre VIII
CHAPITRE VIII



A tout âge, ou à chaque époque correspond un nouveau savoir, qui, bien que découlant de l’ancien conditionne différemment les nouvelles générations.
  

Dans ces années d’amusements subtils, la vie d’une communauté marginale écolo était alors basée sur une forme de mouvement perpétuel qui aurait sans cesse été à la recherche d’un certain point d'équilibre. Cette approche acrobatique était elle-même sans arrêt contestée par les allées et venues incessantes des nouveaux membres qui intégraient spontanément le groupe communautaire et qui le forçaient à une ingestion et à une digestion continuelle de nouveaux horizons culturels.

Dans ce contexte, une fois atteint ce point d’équilibre, le plus difficile était de le maintenir car il était relativement dépendant de l'attitude même des individus qui composaient ce groupe. Chacun luttant de son coté, pour repousser les frontières de la folie qui l’habitait alors. Cette écolo-attitude consistait entre autres, à trouver continuellement de nouvelles formules et fonctions à l’être, des formules et des fonctions toutes les unes plus fantasques que les autres. Dans ce domaine, les exemples générés autour de cette forme d’anarchie dynamique, ont abondé. Cette formule magico-marginalo-écolo sous-tendait, que plutôt que de rationaliser à l’extrême une situation donnée à des fins structurales, on devait y intégrer de préférence, tout ce qui pouvait paraître le plus irrationnel dans les comportements humains. Ce qui, dans le fond, revenait à essayer de mettre en place un Système de pensée interactif et instantané.

Il faut avouer que c’était intellectuellement très fatigant à suivre et que l’image extérieure donnée par un de ces groupe était alors généralement à la hauteur de la confusion qui régnait en son sein. Les exemples latents de l’application des points de vue les plus irrationnels dans le domaine de la vie courante ont été innombrables et parfois inénarrables. Ils sont allés de la tentative de vivre à plus de deux mille mètres d’altitude sous un tipi en plein hiver et sans chauffage, à la culture des mauvaises herbes dans son jardin afin d’arrêter la prolifération des pucerons dans ce dernier.

Ce livre se veut aussi le reflet indirect de quelques unes des plus belles expérimentations dans l’application d'un grand nombre de thèses utopiques à un système environnemental donné. La base commune de la réflexion étant la plupart du temps relative à la mise en place d’un moyen infaillible de faire fortune sur place ou tout au moins d’arriver à y survivre. Pourtant, dans beaucoup de cas et certainement par malice de leur part, la plupart des membres qui tentèrent l’aventure, espérèrent secrètement que leur tentative de survie programmée avorta, ceci tout simplement, pour ne pas avoir à mener un combat trop rude ou trop long, un combat qui aurait pu les conduire à revivre leur état antérieur, cet état qu’ils avaient si vaillamment laissé tomber un jour, sur un autre coup de folie.

Pour se mettre en condition, chacun, faute de mieux, essayait donc momentanément de se servir du cadre naturel qui les entourait, car ce cadre permettait en général aux individus les plus sensibles d’atteindre assez rapidement un état mental qui les rapprochait au plus près de leurs plus secrètes aspirations. A partir de là se réalisait, au jour le jour, une forme de sélection naturelle. Dès lors, cette sélection permettait entre autres, de repérer au sein d’un groupe, celui qui exprimait la meilleure potentialité à générer un nombre donné de nouvelles options. Le personnage le plus intéressant restant, pour son entourage, celui qui aurait spontanément le plus grand nombre d’idées à mettre en application. De cette manière, on arrivait au bout d'un certain temps à déduire des comportements de chacun, un petit, je dis bien un petit, cloisonnement des genres par rapports aux pôles d’intérêts exprimés.

Dans l’ordre nous avons le tableau suivant à proposer:

Les musiciens ou autres artistes (structuration des utopies) 52%
Les ferrailleurs ou autres brocanteurs (recyclage du matérialisme) 18%
les maçons ou autres adeptes de la rénovation (rénovation de l’Histoire) 11%
Les agriculteurs ou autres défenseurs de l'environnement (la bio, l’écologie) 7%
Les autres artisanats métaphysiques 5%
Autres 3%
Les dealers 2%
Combiné 2%

Toutefois, avant d’entrer dans le détail des déterminismes locaux, il nous faut parler tout d’abord, de la vision extérieure que donnait cette communauté, à tout observateur imprévu. Avec ses membres la plupart du temps hirsutes et crasseux, dépenaillés ou habillés de loques, s’activant dans un va-et-vient incessant, désordonné et anarchique à essayer de donner un sens à leur existence individuelle ou de groupe.

C’était la vision la plus commune et la plus rassurante pour le Système dominant, car la seule image fugitive que renvoyait cette communauté rassurait tout esprit conventionnel sur le bien-fondé immédiat de son propre engagement historique et social. Ceci, il faut le dire, que cet engagement soit le fait du prolétaire de service, de l’académicien d’Or Messoné, du politique courroucé, du littéraire féru d’art ou du simple commerçant vertueux.

A cette représentation peu ragoûtante qu'avait chacun des individus composant la société conventionnelle, du groupe communautaire, pouvaient s'ajouter, au moins deux autres types de frayeurs. La première correspondait à une forme de peur panique intériorisée, de ce que leurs propres enfants, attirés comme dans le conte du joueur de flûte, ne fassent un jour partie d’un de ces groupes d'hurluberlus. La seconde, plus palpable, était faite d'une défiance constante quant aux réactions imprévisibles qu’auraient pu avoir, à leur égard, certains membres de l’un de ces mêmes groupes. Dans ce cadre, l’intérêt de la situation correspondait alors à l’intensité de paranoïa ainsi libérée par ce genre de possibilités diffuses.

Pour faire court et échapper ainsi à la mise en place d'une enquête exhaustive auprès de chacun des représentants cités ci-dessus ou pour échapper plutôt à la définition trop rigoureuse d’un corpus représentatif, nous allons voir ici, dans deux cas de figure précis, la différence de qualité paranoïaque ainsi libérée sur le terrain, auprès des principaux acteurs.

Tout d'abord, nous commencerons par étudier dans ce chapitre et de manière approfondie la vision que la classe politique avait en son temps, des marginaux communautaires. Puis, nous tenterons dans les deux chapitres qui suivront, de décrire l’interaction intercommunautaire, ce qui à mes yeux, semble bien correspondre ici aux deux pôles les plus représentatifs de cette mise en scène. C'est pourquoi, cher adepte, pour tenter de dénouer ce n½ud gordien qui chaque jour nous étrangle un peu plus, je t'envoie tout d'abord, cette lettre que j’ai écrite au front.

Res’Cousses le 1er Mai des années 70-80.

Salut les zouzous,

La marginalité, de par ses pratiques très hachichines, a été perçue par la classe politique comme la négation des valeurs conceptuelles du type de société qu’elle défendait (qu'elle prônait) elle-même. En ces temps maléfiques, le pouvoir politique qui se targuait d’être auprès de tous, la représentation immédiate des aspirations d’une époque ou d’une partie majoritaire de la société, a rejeté et puni (donc marginalisé), parfois d’une manière impitoyable, tout ce qui ressemblait à une contestation possible de son modèle de survie historique. Il a ainsi rejeté sans ambages ce reflet de la liberté d’expression, un reflet chaotique projeté de manière difforme sur les écrans de l’ennui, par les lentilles déformantes des mass média glapissantes.

L’image d’Épinal la plus terrible de ce conditionnement sociétal ayant été traitée à l’époque, dans un film d'art et d'essai, «La coupe à dix francs», et, la plus divertissante véhiculée par un journaliste de Radio Mon Cul, un journaliste qui passait son temps à radoter sur le retour à « l’enfant sauvage ». Aidée de ses zélotes et fonctionnaires dévoués, la classe politique n’eut donc aucun mal à faire passer les mouvements alternatifs pour de sérieux fumistes (évidemment), ainsi qu’à les opprimer régulièrement à l'aide de son bras armé, je veux parler ici plus particulièrement de la gendarmerie.

Cependant la répression locale ne fut jamais à la hauteur des aspirations profondes des agents les plus dévoués et, tels des hydres sans cesse renaissantes, les mouvances parallèles, les mouvements associatifs et alternatifs, créèrent de manière incessante de nouveaux foyers d’infection, sollicitant continuellement par là même, de nouvelles formes de répression et de guérison. D'ailleurs, à cette époque-là, du point de vue borné des politiques, l’idéal communautaire ne pouvait être généré que par des thèses Marxistes ou Marxisantes (et ceci pensait-on, à un degré de solution différente suivant les modèles en cours), alors qu'émergeaient pourtant çà et là, les horizons écologistes.

Utilisant un manichéisme dépassé, les politiques n’eurent aucune difficulté à faire passer le souffle communautaire, d’une part, comme un des foyers de subversion des plus dangereux qui soit et d’autre part, comme les prémices d’une société décadente basée sur les plaisirs de la drogue. A partir de là, les coups les plus bas furent autorisés et l'on peut même dire que dans ce domaine, l’Etat de sûreté, par la bassesse des moyens mis en ½uvre, est resté le maître incontesté de la confusion sociale. De l’infiltration policière des mouvances citadines, à l’affaire du bateau de « Greenpeace » qui plus tard fera mondialement la une, la liste est longue et dans ce sens, les différents sinistres de l'Intérieur resteront bien, à nos yeux, les archétypes les plus représentatifs de cette époque épique.

Nous nous autoriserons simplement ici et là, à condamner leurs principales bavures et à sourire de l’étroitesse de leurs perspectives. Toutefois, l’affaire du « Rainbow Warrior » par exemple (affaire qui donnera aux écologistes leur premier vrai « martyr »), la barbare intervention des forces de l’ordre à la grotte d'Ouvéa, les manoeuvres militaro financieres autour de l'accaparation des matières premières, ainsi que les transgressions successives de la loi « informatique et liberté », demandent une étude plus approfondie et plus fine de l’approche subjective du pouvoir quant à la mise en ½uvre de ses aspirations les plus secrètes. Car pour bien gouverner en effet (en un mot, pour détourner correctement l’attention), il faut que le pouvoir ait quelques ennemis et s'il n'en a pas momentanément, il les crée derechef à sa mesure. Nous émettrons donc ici, à l'encontre de cette vision bornée de l'Histoire, une théorie de la fixation politique et policière autour de quelques axes de contestation conventionnels (pendant ce temps, pendant que les chefs détournent de l’argent, on peut rêver ailleurs à autre chose).

Mais, avant d'expérimenter dans le secret de nos laboratoires clandestins ces nouvelles utopies, on prendra le soin de préciser que l’acharnement mis en ½uvre par certains groupes sociaux minoritaires, à remettre en cause les structures les plus fondamentales de l'Etat, ne trouve son explication que dans le même acharnement que mettent en ½uvre d’autres groupes sociaux minoritaires, à préserver les mécanismes et les structures de ce dernier en l'état. C'est pourquoi, cher ami, il ne saurait être question de faire le procès des uns en oubliant la responsabilité pénale des autres.

Dans ce cadre restreint des réalités historiques possibles, nous ne pouvions dès lors que nous persuader, à un moment donné de la vie (de l'Histoire) et face à toutes les réelles injustices qui s’accumulaient devant nos yeux et à l'intérieur de nos têtes, qu’il n’y avait pas d’autre échappatoire que de chercher à affoler au maximum, le pouvoir en place (par la technique du toréador). Un pouvoir qui se moquait en définitive comme de sa première tétine, de toute forme de dialogue et qui pour nous, ne voulait finalement que protéger ses propres privilèges et ses propres intérêts. Dans ce sens, malgré l’idéologie basique qui caractérise le plus souvent le comportement des groupes humains contestataires, nous ne pouvions faire quotidiennement au sein de nos propres groupes de réflexion, que le constat des incessantes brimades que nous subissions et ceci simplement au nom d'un fumeux « consensus social ».

A partir de là, et bien que nous mettant à raisonner de notre coté, sur le bien-fondé de telle ou telle option subjective que nous développions au sein de nos communautés, nous savions pertinemment que l’on nous empêchait avant tout de faire passer la plupart de nos idées. Comment le pouvoir pouvait-il générer autant d’animosité autour de lui ? Comment se faisait-il que la radicalisation de nos points de vues, soit à ce point nécessaire ? Pour nous c’était pourtant simple, plus on s’élevait dans la compréhension des choses de l’Etat et des motivations profondes guidant le comportement des êtres politiques et plus on s’apercevait que la raison d’Etat, ne cachait en général, qu’une méconnaissance totale de certains types de problèmes ou qu’un aveuglement entêté à vouloir défendre des idées et des intérêts dépassés (Notion de cache sexe).

Nous nous trouvions ainsi assiégés dans une forme d’impasse sociale, face une paranoïa invraisemblable du pouvoir vis-à-vis des groupes marginaux potentiellement « terroristes ». Feinte ou véritable, cette paranoïa entraînait un processus global de détermination sociétale à l’encontre de tout ce qui pouvait être différent du modèle proposé. Ce déterminisme s’exprimait de fait soit par pure idéologie de type  productiviste ou progressiste, soit par faiblesse psychique des individus face au conditionnement en cours, soit par totale méconnaissance des problèmes sociaux et environnementaux.

Nous étions aussi dans une époque où jamais le pouvoir policier n’avait atteint une telle superbe. Jamais, parallèlement, il n’y avait eu autant de personnes ayant le droit au port d’arme: chasseurs, police, polices parallèles, gardiennage, transports de fonds, surveillants d’édifices publics ou privés, agents de la circulation, motards, CRS, GIGN, flics en civil, plus l’armée et les autres personnes admises au port d’arme. « A quand les gardiens de musées, nous demandions-nous en aparté ? ». De plus, jamais ces armes n’avaient été aussi sophistiquées.

Il faut dire enfin que jamais dans l’Histoire de l’Homme, la défense des aspects formels de l’Etat matérialiste ambiant n’avait atteint un tel délire et ceci à tous les niveaux: écoutes téléphoniques, transgressions incessantes de la loi informatique et liberté, interdiction des radios locales, détournement des fonds de la sécurité sociale, remise en cause incessante du droit du travail, racismes divers, droits à la différence, liberté d’expression muselée, paupérisation sociale, impositions démesurées, prisons surpeuplées, hargne et violence sociale (nervosité de la gâchette), canalisation de la violence créée artificiellement (séries policières). Jamais non plus en contrepoint, les ficelles du pouvoir n’avaient parues aussi grosses, aussi voyantes. Ceci, tout en exaspérant les uns, arrivait à faire encore rire cyniquement les autres.

Mais jusqu’où ce type de dialogue de sourds était-il donc possible ? Vers où pouvait aller cette incompréhension mutuelle et pourquoi penser qu’un changement de cap était en soi une marque de régression ? Etions-nous les générations montantes, rejetées au loin, sur les rivages du progrès et surtout sur les rivages du profit qui devaient revenir, afin que s’accomplisse le sortilège ? Mais de quelle manière ? Là était toute la question... Que faire devant cet entêtement absurde à vouloir défendre à ce point, les conceptions d’une société en pleine décadence ? Quel pouvoir de changement avait une génération sur l’autre ? Comment accepter par exemple, que l’on puisse nous parler à longueur de journée, des « droits de l’homme » et de « démocratie », tout en nous menaçant continuellement un fusil à la main ? Comment accepter que l’on nous parle de justice sociale devant les coffres-forts du profit pleins à craquer ? Devions-nous taire toutes les injustices ?

Car, même si dans le fond nous acceptions notre condition sociale (humaine et cosmique), ce que nous refusions avant tout, c’était le cynisme et la menace permanente de la nouvelle race de profiteurs qui émergeait dans les arrière-boutiques de la consommation. Ce que nous refusions c’était cette forme de militarisation du monde ouvrier. Devait-on défendre les usines avec (ou contre !) les compagnies de CRS ? Devait-on obliger les gens à aller à leur travail encadrés par une haie de policiers ? Dès lors dans notre tête, c’était donnant-donnant. Soit l’Etat par des mesures régulées acceptait une historique récession économique et nous acceptions de notre coté, une récession idéologique, soit nous sombrions dans le chaos (KO) d’un univers consumériste incontrôlable.

Dans nos esprits féconds et turbulents, la simplification des rapports entre les gens que nous envisagions, revenait simplement à créer plus de temps libre, à créer aussi des espaces tribaux différents de la norme, des espaces dans lesquels on aurait pu dès lors se dédier à donner une autre dimension à la vie. Nous étions donc loin d’un simple retour primitif à la terre face au monde merveilleux de la consommation citadine, nous étions seulement les prémices d’une tentative d'adaptation de l’espèce à de nouvelles réalités historiques (par exemple contre les allergies, qui partout commençaient à pointer le bout de leur nez). Ce faisant, en refusant en bloc le modèle économique en vigueur, nous acceptions aussi de faire l’impasse sur une partie des folies sociétales qui accompagnaient le délire consumériste. Etait-ce si grave que ça, docteur ?

Et pendant que la plupart des gens rêvaient tout haut à la radio ou devant leurs téléviseurs au monde de demain, nous avons commencé à déplacer tout doucement le problème entre les salons citadins surpeuplés et le désert rural français. Vers la proposition d’autres types de valeurs. Penses-tu mon ami, qu’un jour ils accepteront ce futur Etat qui émerge ?

Jarry-Valarez Cousses.
Ecrire, rectifier, donner sonistorique  avis