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  Que faisiez-vous pendant ce temps ?

Chapitre XXIV
CHAPITRE XXIV

Pour qu'un endroit devienne un lieu de pèlerinage, il faut que se soit perpétué au fil des temps, une légende ou un mythe sur ce lieu. Il faut aussi qu'il y ait eu croyance et identification à cette histoire. De quelle façon se transmet cette histoire ? Mystère.
  

Une journée ordinaire chez les communautaires se décompose comme suit: Le lever est en général tardif mais, par un tortueux hasard, aujourd'hui nous commencerons cette journée plus tôt que d'habitude, ayant déjà de bon matin, dissipé les brumes alcoolisées de la veille, des brumes évaporées dans les dédales de la nuit.

Ce matin, l'incendie du levant est au rendez vous. Nous en profitons. Nous profitons du silence. Nous profitons du premier chant des oiseaux. Ce sera évidemment une journée de printemps. Une de celles qui, par leur intensité, remplissent notre vie d'une quantité invraisemblable d'activités débordantes. Nous déjeunons assez rapidement : toasts, confitures maison, thé ou café (parfois, si l’on a un peu de temps devant nous, on parle de nos rêves). La journée de travail commence par la traite qui va durer un peu plus d'une demi heure. Les chèvres sont calmes et elles vont nous donner, comme tous les matins, une trentaine de litres de lait précieux. Nous revenons passer ce lait au tamis et l'ensemençons de présure. La propreté des ustensiles est de rigueur, ce qui fait, qu'une fois le lait passé, nous avons les seaux et les filtres à laver.

Ainsi commence la fonction essentielle de la maisonnée: nous faisons des fromages. Tout d'abord, il faut laver les moules sans produit chimique (beurk !). Puis c'est la distribution du caillé dans les faisselles, en évitant surtout de le briser. Il doit être lisse et exempt de bulles de fermentation. Le dosage de la présure, tout en n'étant pas calculé au milligramme, sera tout de même surveillé, car nous recherchons un produit assez régulier dans sa saveur. L'égouttage se fait en quelques heures, le fromage étant retourné le jour même dans son moule et salé une première fois. Il sera formé dès le lendemain. Entre temps, nous avons retourné et salé dans les cabanes, en vue de l'affinage, les autres fromages (environ cinq cent tous les jours). Parfois, nous arrivons, sans qu'il y ait de catastrophe, à en avoir deux ou trois mille d'avance (!). Il faut assurer leur transformation. Nous l'assurerons en général en recherchant la moisissure bleue, signe d'une bonne évolution du produit, plus rare étant en effet la moisissure blanche, celle qui nous donnera un fromage d'une douceur incomparable. Mais elle est très rare et les conditions de sa présence et de sa stabilité dans les locaux sont liées à trop de facteurs complexes pour que l'on puisse être assuré de son maintien, au cours de toute la saison. Pourtant nous l'aurons obtenue spontanément, parfois, pendant quelques semaines. Le plus simple, malgré tout, étant d'ensemencer le lait avec « Pénicillium Album ». Nous n'oublierons surtout pas de relaver les seaux de caillés, le lait et les fromages étant des matériaux très délicats, les moindres impairs sont sanctionnés. Il faut aussi laver les grilles et sortir quelques claies de séchage à l'extérieur pour l'affinage de fromages qui lui se fait de manière naturelle.

Tout ce travail est des plus fastidieux, mais aussi des plus agréables; car la maison vit essentiellement de cette activité et quelle joie que de réussir un produit sain et délicat, apprécié de tous pour la douceur de sa composition, le moelleux de sa texture et la légèreté de son goût. On en appréciera parfois le piquant, mais rarement l'amertume. Vieillissant, il pourra devenir fort, mais nous en arrêterons le processus, en le mettant dans de l'huile d'olive avec quelques plantes aromatiques. Nous en ferons aussi aux fines herbes, aux herbes de Provence, au poivre, au curry, au safran indien, à l'alcool, avec des œufs battus, au vin rouge, plus rarement au whisky. Nous en affinerons certains, dans des feuilles de châtaignier. Nous l'utiliserons dans les cakes, les yoghourts, les tartes, les salades, les apéricubes, frais avec du sucre, de la confiture, du miel, râpé et dans les spaghettis ou en accompagnement avec des asperges.

D'ailleurs, voici deux ou trois recettes divines parues dans un petit livre intitulé: "Cuisine au fromage de chèvre" et paru aux éditions « Utovi ».

Cake aux olives vertes: Prenez deux fromages frais, 250 grammes de farine, un paquet de levure chimique (pour une fois !), quatre œufs, un verre d'huile d'arachide, un verre de vin blanc sec, 200 grammes de jambon de pays en tranches épaisses, 160 grammes d'olives vertes dénoyautées, du poivre (pas de sel), les olives et le jambon étant assez salés. Mettre à tremper les olives dans plusieurs eaux pour les dessaler un peu. Dans un grand saladier, mélanger la farine et la levure. Ajouter l'huile, battre avec un fouet électrique (!), ajouter le vin blanc (....) et battre encore au fouet électrique (!!) pour obtenir un mélange bien crémeux et bien lisse. Ajouter alors les olives et le jambon coupé en petits dés. Poivrez. Verser dans un moule à cake bien beurré (30 cm de long) et mettre à cuire à four chaud (thermostat 5-6) environ 1h10mm. Pour voir si le cake est cuit, y enfoncer une lame de couteau, il faut qu'elle ressorte sèche. Démoulez à chaud, sur une voilette à pâtisserie. Laissez refroidir. Servir en entrée avec un coulis de tomate.

Gâteau Russe (ce livre a été écrit en pleine guerre froide): 300 grammes de caillé frais pâte brisée, un citron non traité, 10 dl de crème fraîche, 100 grammes de fruits confis, 150 grammes de sucre semoule, 20 grammes de beurre, 30 grammes de farine, cinq œufs. Préparez une pâte brisée. Dans un saladier, mélangez bien le caillé avec le sel et le sucre, battre énergiquement; dans un bol, délayez la farine avec quatre œufs entiers et la crème fraîche. Incorporez les au fromage. Ajoutez le zeste de citron et les fruits confits hachés. Foncer un moule beurré avec la pâte brisée. Badigeonnez le bord de la tarte avec un œuf battu. Etalez le fromage. Décorez de croisillons de pâte dorée à l'œuf. Faites cuire à four moyen 40 mm environ.

Gâteau américain (bis repetita en ce qui concerne la guerre froide): 1,5 kg de caillé très frais, 375 grammes de sucre, quatre oranges non traitées au thiobendazole, un citron, 250 grammes de farine, 250 grammes de beurre, quatre œufs, un verre de lait (de chèvre), du sel. Dans une terrine, travaillez au fouet les jaunes d'œuf avec le sucre jusqu'à ce que le mélange blanchisse bien. Ajoutez alors peu à peu la farine tamisée en mélangeant bien, puis le beurre juste fondu et refroidi, et enfin, le caillé battu avec le lait. Râpez le zeste des oranges, pressez le jus de citron et ajoutez les au mélange. Battre les blancs d'œuf en neige très ferme avec une bonne pincée de sel, et incorporez-les tout doucement au reste de la pâte en soulevant la masse par dessous pour ne pas les briser. Beurrez et farinez légèrement un moule à manqué, de 28 cm de diamètre. Le remplir de pâte et faire cuire à four moyen pendant 45 mm environ. Si, en cours de cuisson, le gâteau se fendille un peu sur le dessus, sortez-le du four pendant 10mm puis reprenez la cuisson. Servez froid.

Voilà pour les recettes, il y en à 77. La liste n'étant pas exhaustive. Toutefois, malgré tous les apprêts possibles, nous l'apprécierons par dessus tout suffisamment affiné ou même un peu sec avec un bon canon de rouge du crû.

Pendant cette digression, quelqu'un est allé faire un peu de jardin et a semé des haricots et repiqué quelques plants de tomates. Il est déjà onze heures ! Bon ! Nous sommes une dizaine aujourd'hui, il va falloir préparer la bouffe. Cela va nous prendre une bonne heure et pendant qu'elle mitonne, nous ferons la vaisselle de la veille et irons accompagner les chèvres jusqu'à leur pâturage, à environ un kilomètre de là.

Par chance, nous n'avons pas à les garder, car les ayant habituées depuis toutes petites à vivre en orphelines, elles restent dehors huit à dix heures, se gardant toutes seules et revenant tous les soirs, pour la traite. Braves bêtes ! Cela peut avoir comme conséquences quelques débordements. Mais comme nous l’avons vu plus haut, par ici il y a de plus en plus place et il est très rare qu'elles aillent chez les voisins. Elles connaissent parfaitement leur parcours et en apprécient la variété, circulant çà et là, au gré de leurs humeurs, à l’intérieur d’un périmètre englobant une centaine d'hectares, un périmètre au sein duquel elles trouvent, à leur convenance et suivant la saison, de quoi satisfaire la plupart de leurs caprices. Il est rare d'ailleurs qu'elles soient surprises par la nuit ou alors, c'est qu'un chien de chasse les aura perturbées. Sinon, la cause en sera due, à l'époque de la lutte, aux efforts du bouc qui les empêche de rentrer au bercail, leur barrant au besoin le passage de ses cornes puissantes. Dans ce cas, il faudra vite aller les chercher, bien sûr, contre sa volonté. Bon, nous avons encore perdu le fil !

En revenant de les accompagner, la table est mise et nous ripaillons païennement. C'est une fête continue... La tablée est en plein air et nous nous prélasserons tard dans l'après-midi, riant et discutant de mille choses. Nous sortirons ensuite jusqu'à la plus proche bourgade pour faire quelques courses et boire l'apéritif à notre terrasse préférée. A notre retour, il faut arroser le jardin et l'entretenir un peu, faire le repas du soir, aller à nouveau traire, retourner les fromages, les saler et faire cailler les 30 litres de lait de la traite du soir. Il est déjà très tard quand nous nous remettons à table, à la lueur cette fois-ci de quelques bougies, des bougies difficiles toutefois à conserver en fonction s'il y a un peu trop de vent à l'extérieur. Puis nous rentrons enfin boire le café et faire une longue partie de tarot, largement accompagnée de vin rouge. Ce n'est que très tard que nous irons donner un dernier coup d'œil aux étoiles qui maintenant nous accompagnent de leur clignotement amical.

Je vous l’ai déjà dit, ces temps délicieux suspendus aux cadres de nos rêves, resteront pour nous des temps inoubliables !

Cette journée familière a volontairement exclu des activités plus précises et pourtant toutes aussi importantes et/ou habituelles: je veux parler de la maçonnerie, des marchés, des foins, des vendanges ou du défrichage où là, le travail est en surplus et évite une sieste trop tentatrice. Nous agrémenterons parfois ces journées de longues promenades à la recherche de champignons ou d'une petite baignade dans la rivière toute proche, quand ce ne sera pas d'une fête spontanée ou prévisible, la fête étant pour nous comme pour vous je l’espère, le supplément gratuit de l'existence.

Nous la considérons de la manière suivante: une journée choisie, au hasard d'un calendrier toujours disponible qui nous laissera le choix d'une date propice à la cuisson d'un méchoui ou de toute autre forme de repas adéquat pour famille nombreuse. Cette journée festive commencera par la construction d'un feu, un sacré feu de bois, un feu que l'on entretiendra « moultes » et « moultes » heures afin d'avoir suffisamment de braises. Enfin, depuis Astérix et Obelix, tout le monde sait sur cette terre, faire cuire convenablement un sanglier ou encore un bison ou tout au moins un chevreau...

Cette cuisson qui demande parfois plusieurs heures sera largement arrosée de l'apéritif du coin, en l'occurrence, un muscat d'élevage biologique et le repas pourra commencer dans l'euphorie retrouvée.

Cheminée

Ecrire, rectifier, donner son avis