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  Que faisiez-vous pendant ce temps ?

Chapitre XXII
CHAPITRE XXII





Création d'un désert social face à la réaction.

  

"La pluie tombe et tu n'aurais pas pu mieux choisir que l'automne pour me faire partir. Cette saison nous unit par le temps qu'il fait et par le temps qu'elle me laisse pour mieux penser à toi. Les jours qui passent sont des jours presque sans tâches, presque purs qui accompagnent le cheminement intérieur de mon être vers le tien, de mon c½ur vers le tien, de mon corps vers le tien. La transparence de tout ce que je fais à un fond d'émeraude, c’est une transparence semblable à celle qu'a la mer entre les rochers, près d'Imperia. Tout est à toi, nuls efforts, nulle force (ou presque) ne m'empêchent d'avancer, tout va vers la fontaine où je m'abreuverai quand de soleils en soleils, de fleuves en fleuves, de pays en pays mon être sera saoul. Il n'y aura plus désormais qu'un long poème à lire, une fois que les ténèbres occultes qui m’habitent auront fait grandir en moi la fleur de l'espérance sur leurs noires envies.

Affectueusement" Jarry’V.

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Pendant que tu mourrais lentement dans nos bras, nous avons tout préparé pour partir une fois de plus en voyage, à Grenade, dans le sud de l'Espagne.

Avant de partir, j'ai assuré comme une bête et depuis la fin des dernières vendanges j'ai notoirement amélioré le confort intérieur de la maison. Aujourd'hui il peut geler au dehors, si la cuisinière à bois est bien entretenue, la bâtisse est maintenant correctement chauffée et on arrive à y vivre très agréablement. C'est ainsi, que de la place que je me suis faite pour écrire ces quelques lignes de vie, je n'ai plus jamais froid.

Tout est donc prêt pour que l’on puisse partir quelques jours et oublier enfin notre étrange destin de marginaux. Le foin est stocké à coté dans la grange, la chèvrerie a été nettoyée et tout le fumier enlevé. J'ai arrêté pratiquement tous les courants d'air dans la maison. A ces fins, j'ai remis une porte entre les pièces de devant et de derrière, fermé le conduit de la cheminée et la porte des lapins. J'ai aussi posé le carrelage de la salle de bains, fait les joints, nettoyé et ciré le tout. Nous avons traité les carreaux à l'huile de lin. Les pièces étant toutes carrelées, le travail à l'intérieur est presque fini et bien qu'il me reste encore tous les crépis de la grande pièce et la cheminée à refaire, je peux me le sentir pour le printemps prochain. C'est génial. J'ai aussi mastiqué les carreaux et colmaté presque tous les courants d'air aux fenêtres. Quand la maison sera crépie cela fera un bel ensemble. Je n'aurais jamais osé imaginer la fin de ces travaux. Car cette maison aura été avant tout, mon passe-temps unique et un gouffre sans fond où j'ai investi une folle énergie (l'énergie du désespoir ?).

Passe-temps incroyable car chacun de mes instants a été habité par la possibilité d'améliorer mon univers carcéral, ainsi que ce qui l'entourait. Passe-temps invraisemblable. Cette maison aura été aussi un gouffre insondable où j'ai passé mon temps à colmater les trous de chaque mur, les failles où l'on passait le bras. Un gouffre d'énergie dépensée à redresser ces murailles, toutes inclinées, à bâtir des contreforts, des toits, des bergeries, à retirer des tonnes de gravats, des tonnes et encore des tonnes de gravats ! A refaire des planchers en lattes, des escaliers en colimaçon, des carrelages et des chapes indestructibles, des ouvertures radieuses de jour, avides d'extérieur. Dans ce décor si misérable, si minable, si crasseux. Pour essayer d'en refaire un bijou. Sans aucun moyen. Sans savoir à peine planter un clou.

A essayer d'imaginer un monde agréable.

Alors qu'il faisait froid. Alors qu'il gelait dans toute la maison. Alors que sur le toit il ventait à plus de cent kilomètres heure. Alors qu'il neigeait et que la neige rentrait sous les ardoises et recouvrait nos lits d'un linceul blanc. Oui, nous avons dormi sous des couvertures de neige, et pas qu'une fois seulement. Faut-il y croire ! On a dormi alors que dehors il gelait à pierre fendre () On a dormi sous des gouttières avec des couvertures trempées. On a dormi presque grelottant. On n'a jamais eu faim.

On a vécu dans des conditions épouvantables, à rêver un monde, qui soit le moins égoïste possible. Avec comme table, une pierre sur deux bouts de bois. Avec un salon fait de sièges de voiture. Avec une table vermoulue donnée par Joël Avec des chaises dépareillées et à moitié cassées. Avec des planchers troués de toutes parts Avec des vieux chiffons pour colmater les courants d'air et de vieilles moquettes pour ne pas tomber dans les trous des planchers On a rêvé d'un monde écologique Dans une fumée noire à couper au couteau Une fumée refoulée par une cheminée détrempée

Avec notre feu de bois vert. Dans des matins de fin du monde où en se levant Il fallait écoper et nettoyer toute cette eau noircie de suie Avec nos fenêtres gonflées d'eau. Avec nos portes qui ne fermaient jamais. Avec nos saouleries et nos tabagies nocturnes. On a vécu des temps innommables. Transis comme des oiseaux en plein hiver...

Gouffre d'énergie dépensée à porter des poutres énormes et des tonnes de bois de chauffe. A déplacer des troncs d'arbres et refaire des clôtures, à débarrasser la terre de ses arbres, de ses racines, de ses mauvaises herbes pour en faire un jardin que l'on laboure avec la main. Gouffre d'énergie dépensée à déplacer des tonnes de pierres dans les ruines avoisinantes, à raser cette fin du monde pour en faire des jardins suspendus. Des jardins suspendus ! Rêves, rêves, rêves. Rêves de jardins suspendus. Incroyable ! Sans une goutte d'eau Rêver de jardins suspendus ! Rêver d'un univers débarrassé de ses friches Et réussir à défricher un endroit aussi sauvage Refaire naître la vie Dans un univers pouvant être aussi hostile

Traire les chèvres, les sortir, faire les foins, rentrer la paille, sortir le fumier Faire du ciment, du ciment et encore du ciment en ayant mal aux reins, sans oublier une seule seconde ce mal de rein atroce qui me taraudait le dos.

Gouffre insensé d'énergie à nettoyer les poutres à la hache, à les changer de place, à remonter les linteaux, les niveaux, à consolider cette bâtisse. Pour quelle reste debout ! Pour expliquer l’Histoire !

Puis, un jour, j'ai rêvé de ponts chinois en bois de pin Reliant les estampes à mon destin. J'ai rêvé une petite mare à l'entrée et des vergers d'amandiers, dix hectares d'amandiers Avec au bas de la colline, des oliviers et des cyprès. Une grande serre et une verrière tout autour de la maison.

On a vécu des idéaux très élevés. On a vécu des saloperies très basses. Des espoirs insensés ! Des matins inondés du rouge du levant Inondés de lumière - Inondés de bleu Inondés de lumière - inondés de clarté

Et vous trouvez ça drôle ? de vouloir donner un sens à cet effort.

Et pour ne rien oublier, alors que j'étais déjà en train de renier ma jeunesse, au fond de vieux wagons, j’ai quand même eu le courage et pris le temps d’écrire ces quelques lignes de confessions intimes.

- J'ai écris ce livre face à l'Alhambra de Grenade. C'est ce décor qui m'a inspiré, tant il est vrai que si on veut vraiment dire quelque chose, il faut s'en donner un jour les moyens.

- J'ai écris ce livre sur les Back Waters du Kerala et je t'écris aussi parfois de là.

- J'ai écris ce livre sur le sommet des Andes, près de mes frères les indiens.

- J'ai écris ce livre au pied du Kilimandjaro... Auprès de mes ancêtres.

Comme vous le voyez, l'écriture pour moi, est de la cohérence. Ce que vous avez oublié, m'appartient désormais, j'en fais ce que je veux, j'en use à ma guise. L'écriture est aussi un véhicule spatial démuni d'habitacle qui me permet d'aller vagabonder bien au delà des combats qui peuplent vos ténèbres galactiques. Et c'est pour toutes ces raisons que finalement j'emmerde vos actes inaccomplis, inassouvis, vos déraisons funèbres. Et avant que vous ne vous échappiez un jour de cette terre, je vous aurai montré comment on façonne le monde, comment on le cisèle.

Car pendant que vous vous éreintiez à croire en votre propre avenir, j’ai de mon coté patiemment appris à rester près de vous, à vous accompagner le long de vos émois, à me contenter de cette poussière d'étoile qui obstrue sans arrêt mon horizon secret. Pour pouvoir enfin un jour me permettre de vous dire la part de vos erreurs et tout le mal que je pense de tous les malotrus qui peuplent ma mémoire.
La Bombe Humaine 
Et si pour terminer notre travail sur terre, il faut donner un sens à notre action, un sens métaphysique même. Oui, c'était bien là une quête de l'absolu, mais avec un peu de réflexion, à laquelle on avait affaire. Pendant que vous vous échiniez à gagner des millions de dollars (« millions $ » en amerloque), nous avons sereinement déplacé la ligne de la dialectique (de quelques nanomètres sur l'histoire du temps).

Par la même occasion, on vous a tous faits un peu cocus, car nous avons emporté en même temps, la part de ce rêve qui désormais vous manque. Nous avons encensé l'avenir de nos pleurs, arpenté cette terre en long en large et en travers, enchanté notre ronde de lépreux surprenant l'aube de nos ennuis.

Chers amis disparus, c'est pour vous finalement que j'ai retranscrit toutes les lettres, les poèmes, les cartes postales, les rencontres qui composent l’ensemble de ce livre.
Ecrire, rectifier, donner son avis