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  Que faisiez-vous pendant ce temps ?

Chapitre XX
CHAPITRE XX

La chèvre dans l'univers pathologique contemporain.

Pour nous, les mouvements surréalistes ont sauvé de l'ennui la société Bourgeoise, tout comme les mouvements marginaux auront sauvé de l'ennui la société industrielle, société aussi grise que les complets veston cravate des gens qui la composent et aussi sombre que les faubourgs de ses grandes villes
  

Si la formule veut que le chien soit le meilleur ami de l'homme, le cheval sa meilleure conquête, la tortue sa meilleure carapace, etc. La chèvre elle, est depuis longtemps son plus grand divertissement.

Quoi de plus doux, quoi de plus têtu, quoi de plus affectueux, quoi de plus agile, quoi de plus facétieux, quoi de plus câlin, quoi de plus peureux, quoi de plus attachant, quoi de plus désobéissant, quoi de plus charmant, quoi de plus curieux, quoi de plus surprenant, en un mot, quoi de plus enchanteur qu'une chèvre.

Vêtue de sa robe blanche ou beige, de son poil long ou court, embellie par des cornes fières ou tire-bouchonnées, chaussée de sabots comme de talons aiguille, maquillée de faux cils et attifée de pampilles, elle se met à vous regarder de ses yeux si clairs et si doux, elle s'approche de vous d'une manière si câline que vous fondez déjà et, bien qu'elle soit venue uniquement pour brouter la fleur qui est dans le pot derrière votre dos et non pour des caresses, vous lui pardonnez déjà tout à l'avance, car, ce qu'elle fait est si subtil, si fin, si malicieux et si inattendu que vous ne pouvez qu'admirer son comportement démoniaque et entêté. Elle fera tout pour brouter cette fleur que vous avez eu tant de mal à soigner et que vous avez déjà sauvée cent fois de ses lèvres avides. Mais elle vous aura, elle reviendra autant de fois à la charge qu'il le faudra mais elle vous aura, et elle bouffera cette fleur.

La voilà qui galope, s'arrête tout à coup pour éviter une petite flaque d'eau ou un morceau de bois qui barrait le chemin, elle est aux aguets comme si elle avait vu un chien ou un loup, elle repart, s'attarde sur une touffe d'herbe dont elle ne cueillera que trois brins, trottine sur quelques mètres pour se rattacher au reste du troupeau, broute une fleur, corne une de ses voisines qui veut la même fleur, s'arrête et se bat à nouveau contre une autre voisine; mais ce n'est pas sérieux, pas aujourd'hui.

Puis elle s'approche de la haie, se lève sur les pattes de derrière, choisit la feuille la plus haute, retombe lourdement, recommence aussitôt pour enfin l'attraper. Elle fait plier la branche, l'amène jusqu'au sol, c'est là que ses compagnes lui chipent tout le reste. Nullement en colère, elle change d'endroit, va plus loin, glisse sa tête entre deux épineux afin d'atteindre le morceau de mousse le plus caché, le plus invisible de tous les morceaux de mousse.

La voilà maintenant en train de se gratter et de se faire les cornes sur un pauvre églantier, elle l'écorce, mange ses fruits et change de secteur; ses compagnes ont déjà dépassé la murette, elles sont dans le bois en train de manger des châtaignes. Dédaignant les bogues épineuses, du bout des lèvres elles en retirent le fruit, le malaxent, le mâchouillent, et l'ingurgitent enfin, satisfaites du goût; se déplacent un peu plus haut, piétinant au passage des champignons dont elles ne mangeront qu'un morceau. Quel gâchis !

Il y en a une qui est maintenant fatiguée. Elle se couche d'une manière confortable, mais déjà les autres sont à vingt mètres de là. Elle se relève, les suit docilement; Tout à coup, une légère brise fait bouger les feuillus, les chèvres s'arrêtent inquiètes, oreilles quillées, yeux exorbités, cous tendus, un éternuement du bouc et ça y est, c'est le signal, la cavalcade, jusqu'à ce que rassurées et ne voyant rien derrière elles, elles stoppent leur course quelques vingt mètres plus loin; font les bêcheuses, friment, se caressent l'une à l'autre, voient du lierre y foncent dessus. C'est la dispute, le dessert.

Puis, elles repassent dans le pré y broutent une petite demi-heure et s'allongent au soleil dans l'attente d'une nouvelle alerte. S'il n'y a rien, elles restent là, se prélassant, elles se tournent le ventre à l'air, se dévissent la tête pour essayer de se gratter le dos, mais n'y arrivant pas, elles se relèvent tranquillement, font trois mètres de plus, se recouchent aussitôt, s'enivrent de l'air pur, tombent à la renverse. En voilà une qui se redresse, se lève, fonce sur sa voisine qui la feinte, change de direction, fait quelques pirouettes.

Enfin elles ont soif, passent devant nous comme si elles ne nous connaissaient pas, foncent vers l'abreuvoir. L'eau est trop froide, trop courante, il y a une paille, un moustique, c'est gênant; enfin, l’une d’elles se décide et s'abreuve longuement, s'ébroue, rattrape ses compagnes qui déjà sont à l'autre bout du hameau et disparaissent derrière un taillis de prunelliers. Images saines et rassurantes. Image d'un plaisir renouvelé depuis bien des années. Que serions-nous sans elles ? (sans ailes !)

Yeux révulsés, tête tendue en arrière, naseaux au vent, lèvres supérieures retroussées, voici le bouc. Il hume l'air dans une position qui rappelle celle des grands mystiques, recherchant dans le fin fond de leur mémoire, les causes profondes de l'existence. Puis aussitôt qu'il a fini cette forme de mantra, il s'asperge la tête d'urine et, réconforté par le parfum qu'il dégage, s'en va faire la cour à une de ses compagnes.

D'un bêlement aussi vindicatif qu'autoritaire, il se plante devant sa nouvelle conquête qui elle, se met à le caresser et à se frotter contre lui d'une manière aguicheuse. Lui la contourne, la serre, l'appelle, la pousse, la force, et finalement arrive à ses fins. L'idylle n'a duré que quelques petites minutes mais, ayant déjà des vues sur une autre femelle, notre bouc s'en va reprendre quelques forces en broutant un peu d'herbe. Il en profite aussi pour s'appliquer à nouveau un autre petit jet d'un de ses parfums secrets qui entretiennent dans l'air un musc inégalable.

Ce qui nous conduit à parler de la reproduction de cette race chérie du diable et, si vous ne savez pas comment cela se passe, je vais vous l'expliquer. Donc, nous en sommes à l'accouplement. Celui-ci induit une éjaculation rapide des spermatozoïdes qui avaient pris naissance par millions lors d'une gamétogenèse complexe à l'intérieur des testicules. Remontant par l'épididyme, puis par le canal déférent, ils se chargent des glaires que cette salope de prostate et que ces intenables glandes de cowper leur envoient en signe de ralliement. Nous tenons là, notre sperme.

Le chevauchement et l'introduction de la verge, permettent à ce petit cochon de bouc de vider son produit au fond du vagin de cette pauvre chèvre en train de prendre son pied d'une manière incontrôlable (et inénarrable). Les spermatozoïdes ayant perdu tout repère ainsi que toute attache, filent comme des fous le long de l'utérus, un utérus qu'ils ont vite fait de remonter tout en se flagellant le corps d'une manière déjà équivoque. Ils glissent sur les pentes visqueuses et vont se tapir dans la trompe espérant quelque ovule.

Comme par hasard, celles-ci se baladaient par là, faisant depuis une ou deux heures semblant de rien. Après s'être fait éjecter de la maison mère par les parois indignes des ovaires, livrées à elles mêmes et ne sachant que faire, elles prennent dès lors (rien que pour faire chier les parois) la décision irréversible de fusionner avec un grand gaillard de spermato qui n'attendait que ça. Et voilà, une bouche de plus à nourrir qui s'annonce et qu'il faudra bien supporter toute une vie durant. Car à partir de là, c'est la vie qui reprend le dessus sur des instants de plaisir qui n'ont finalement duré pas autant de temps que prévu (l'éternité est courte dans ce cas là !). On s'étonnera dès lors que le bouc soit frustré. Il essaye cent fois et tant qu'il y aura du sperme, il tentera de l'écouler. Heureusement que la nature l'a doté d'un harem, sinon il n'aurait pas supporté la vie et se serait peut être suicidé.

Car cette attente n'est pas que raison pure... Le reste du temps cependant, le bouc médite quelquefois sur la gestion des derniers instants de la vie, mais il n'en fait pas tout un plat, il attend là, en s'arrangeant avec la compagne de monsieur Seguin, ce vieil homme qui lui-même s'ennuyait comme un rat mort au fond de son jardin fleuri en attendant plus tard.

Le suicide du bouc est un acte de courage qui n'a jamais été observé par les scientifiques. Toutefois, on peut qualifier de pur suicide, une mort naturelle intervenue après un dur combat entre deux boucs. Ça n'arrive pas souvent et c'est pas très malin de leur part. Car rien ne vaut le plaisir de vivre sa vie, même en état d'inhibition prolongée (parce que je le veau bien !).

Pendant ce temps, la concurrence arrive. Cet ½uf fusionné, (Ah ! La fusion des gamètes !) redevenu tout à coup à 2n chromosomes, se met à se multiplier sauvagement, jusqu'à vouloir différencier ses tissus de manière programmée. Puis il commence (déjà !), à avoir des crises de nerfs. Phosphorant beaucoup trop pour son âge, il fait en retour naître ses os, se muscle aussitôt après, pour pouvoir se défendre et attend, en se laissant bercer que le monde se manifeste à lui. Dans ce cas là, il attendra cinq mois. Cinq mois d'impunité, cinq mois d'opportunisme, à apprendre à nager au bout d'un élastique...

Ensuite. Oh! Misère, c'est déjà la mise-bas. Ejecté de l’utérus comme un vulgaire fétus de paille voici notre ancien embryon qui cherche à voir le jour. La maman est nerveuse et après bien des contorsions s'épanche d'un timide chevreau que nous aimons déjà, tant il est vrai que la nature les a doté, dès leur naissance, de qualités secrètes. Au bout de cinq à six minutes le voici presque fringant, cherchant à gober un riche colostrum qui avait depuis quelques jours envahi tous les acini des glandes mammaires de la mère. La première tétée est une dure épreuve.

La mère affolée par ce qu'elle vient de faire, cherche à faire disparaître les traces du destin. Elle mange avec avidité les cotylédons du placenta afin qu'il ne reste plus rien de son aventure amoureuse, sinon ce misérable petit rebut qui commence à s'agiter entre ses pattes. Ce dernier, percevant déjà ses propres aptitudes à faire tout ce qui est interdit, s'aventure aussitôt sur le dos des copines. Ça promet. Un quart d'heure simplement après sa naissance, il est capable d'alimenter un débat contre les OGM, des OGM qui comme chacun le sait n'attendent que de naître pour se répandre d'une manière incontrôlable et inépuisable au c½ur de nos vallées.

Mais les OGM ne sont pas les seuls dangers codifiés qui guettent l'intrépide benêt qui cherche à « agricoler » dans un coin de nature discret. Voici donc ici pour votre information, la liste non exhaustive des principaux sigles, qu'un bon éleveur doit connaître par c½ur, afin de réaliser sa production en toute tranquillité d'esprit:

ACTA, INRA, ITCF, ITE, CETIOM, SOC, CIRVAL, OMC, GATT, CRDC, PA, PV, MSA, CA, MA, MAD, PDI, PDIA, PDIE, PDIN, PDIMN, PDIME, UF, UFL, UFV, UE(B), VEF, DEF, DER, CI, RB, PPRBC, PPRBNC, PL, CC, CP, CT, ANP, GNRH, FSH, LH, ABP, PGf2A, PMSG, IVV, IVSF, H², GMQ, MRLC, ADN, ARN, ARSOE, BLUP, CNAG, CRI, CTIG, DN, EDE, F1, F2, FIA, INEL, UPRA, MOET, EPUP, GPP, GPM, CODE IA, CR,CD, ICC,IMP, ITP, IMG, ITB, ILAIT, TB, TP, MG, ADP,ATP, ETM,ETP, KETP, ETR, RFU, RU, NADP, PAR, PEP, RUBP, PS, NI, MS, N, P, K, MO,(...), VL, VA, CEE, PAC, PH, PM, AA, AGV, CUD, CI, CO2, CH4, O2, EB, ED, EF, EG…

Cependant comme vous le savez maintenant depuis longtemps, nos objectifs de développement n'avaient trait qu'à de pures notions d'esthétique. Et, avant que de sombrer dans le néant d'une aventure stéréotypée, nous n’avions donc de cure que d'alimenter notre bagage de poétique. Privilégiés que nous étions dans ce désert de verdure qui nous entourait de toutes parts, nous lâchions nos chèvres, après la traite du matin, afin qu'elles aillent se remplir à nouveau les mamelles. Abandonnées dans la montagne vers "dix heures du mat", elles en faisaient le tour en huit heures de marche et revenaient toutes seules au bercail aux environs de six heures de l'après-midi, pour la traite du soir. Mais nous ferons les fromages dans un autre chapitre.

Ce que je veux vous dire ici avant tout, c'est qu'une chèvre défriche et entretient à elle seule environ un hectare par an. Trente chèvres égale trente hectares. Hectares auxquels il faut ajouter les surfaces toujours en herbe (STH) fauchées tous les ans, pour les besoins de la cause hivernale. Trente plus cinq, égale trente cinq hectares entretenus autour des hameaux par ce petit troupeau. Ce n’est pas de l’idéologie çà au moins ! Ce travail de titan, évite qu'on ne payasse toute une flopée de matons à surveiller les sites contre les incendies qui ravagent nos contrées aussitôt que quelqu'un à quelque chose d'important à faire savoir aux autres. Mais nous réglerons nos comptes un peu plus tard. Car cette histoire est loin d'être finie. Et il nous manque encore, pour bien vivre ici, à exorciser le sortilège des anciens vainqueurs. Ces brutes endémiques.

Toutefois avant d’aller plus loin, relevons rapidement un peu le défi que nous pose de manière incessante la gestion d'un paysage libéré de ses anciennes obligations agricoles.

Projet

Proposition de transformation de l'ancien Système Agraire Croyant (SAC) vers une activité Agro-Touristique (AT)

1/ gîte d’étape et de séjour 4/ Châtaigneraie réhabilité et autres cultures
 2/ Jardin et culture de plantes médicinales 5/ Chèvrerie et parcours du troupeau
 3/ Aire de jeux dynamique et parcours de type « Panda» 6/ Rucher
 
Ce que je veux dire d’autre au sujet de nos activités agro-pastorales, c'est qu’il est déjà difficile de ne pas abandonner ce métier à cause des tracasseries locales ou administratives. Il est difficile aussi de ne pas l’abandonner, tout simplement parce que quand on est éleveur, il faut bien malheureusement se résoudre à tuer de temps à autres quelques unes de ces pauvres petites bêtes si innocentes. C'est déjà-là un facteur limitant très handicapant. Alors quand il faut se mettre de plus à lutter, le fusil à la main, pour obtenir quelques maigres pâtures, ça devient encore plus pénible à assumer.

Dans ce contexte pour nous si précarisant, la troisième erreur que fit le nouveau maire fut celle de penser que le pays lui appartenait par droit d'aînesse (par droit d'ânesse !) car sa propre généalogie lui permettait de remonter localement de trois générations. Contre vents et marées, il se mit donc à capitaliser tout autour de chez nous, des parcelles de terre jusqu'à nous interdire de cultiver un seul petit arpent de jardin. Les « Sans-terre » locaux étaient nés, dans un recoin d'opinion libérale.

Mais, que croyez-vous monsieur, que j’avais besoin de cultiver un jardin afin de me nourrir ? Non ! J'étais tout simplement là en train de m’enivrer d’espace et je le travaillais seulement pour garder encore un peu les pieds sur terre et me confronter encore, de temps à autres, à la douleur du travail physique. A ce propos, croyez-vous qu'on soit venu ici pour se faire emmerder du matin au soir par quelques hypocrites ou pour se crever au boulot comme avant dans les usines et ne gagner que quelques clopinettes. Est-ce que ça va bien dans votre petite tête ?! Nous sommes tout simplement le début d'un processus de décroissance qui aura lieu ou non. Comment voulez-vous que notre Nouvelle Economie Fraternelle (notre NEF), coïncide réellement avec la votre ? Non mais ça va pas ! Je peux vous certifier tout de même ici que si vous m’aviez laissé un petit peu de place, je ne serais jamais devenu parallèlement enseignant ou même un écrivain, je serais resté paysan à temps plein. Oui monsieur le maire, si vous m'aviez laissé tout simplement un petit bout de jardin à m'occuper, je n'aurais jamais cherché à ameuter la terre entière autour de cette triste condition !

Libérant les entrailles de futures batailles faites pour tromper l'ennui, les nouveaux latifundistes locaux, se lançaient à l'assaut de ce qui restait de l'ancienne dépouille. Sachant que la vie est tout, sauf éternelle, on pourrait penser qu'il soit juste que les gens perdent alors patience. Mais tout viendra à temps, car la concentration de la propriété privée, va bientôt générer une nouvelle guerre civile. Cela aurait été pourtant si simple que d'affecter un bout de terrain vague, à celui qui vous le demandait si poliment. Dès lors, je vous le dis bien haut, si dans cette vie il faut être méchant, sachez que nous saurons le devenir.

Car au fond des nouveaux terrains vagues de l'Europe sociale, dans le creux des massifs faits pour tromper l'asphalte, se passent bien des choses surprenantes et équivoques. La terre est un bien aux origines incertaines et l'abusus des élus et des petits coquins est un centre de haine qui polarise toutes les inquiétudes, afin de nous narguer le temps de l'aventure. Quoi de plus inquiétant en effet que de laisser aux autres une parcelle d'espoir en forme de jardin. Ici, pourraient bien naître quelques formes nouvelles d'expression qui rendraient caduques les anciennes chimères que portaient vos visions.

Vagabond de l'ennui aux formules amères, que penses-tu de ça, au creux de tes îlots citadins aux certitudes vaines ? Penses-tu que nous devrions combattre la race des odieux, afin que nulle trace ne puisse subsister de leur passé glorieux (et du notre par la même occasion !) ? Penses-tu au hasard qui commande le monde et qui fait trébucher à chaque pas la ronde des soudards ? Nous espérions l'aurore ou tamisé par des tanks de verdure sinistre, ce combat des titans envahirait vos mémoires caduques. Toutefois, vous ne sortirez pas indemnes de la lutte sans merci que mène la nature contre vos processus d'influence, ces mesquineries locales qui hantent nos regards, ces tremblements nocturnes à l'affût des renards qui peuplent nos destins cadenassés de haine.

Aux tréfonds de l'oubli vous activez les peines de ceux dont le souci réel était de vous aider à reconstruire un monde que vous aviez quitté. Fantômes accrochés aux affres des sapins, accompagnés du stress des retards citadins, faites-nous grâce de vos discours opaques, qui salissent l'espace au nom de nulle part et qu'une certitude vaine a placé dans vos c½urs de matelots aigris de la lutte finale. Dans nos coins de verdure, loin de toute aventure, vos désirs sont abscons, vos rêves dérisoires, face à cette oppression qui avance le voile d'un irréversible oubli historique.

Rêves d'écomusées, rêves d'artisanats tous deux battus en brèche par les techniques industrielles. Orphelins de vos deuils innombrables qui, un à un, ponctionnent le sens de vos ébats pour les conduire en croix au milieu de vos tombes, au sein d'un autre monde ravagé de périls, au sein d'un nulle part que vous aviez conquis à force de bravoure. Mais ce n'était plus vous qui vaquiez en ces lieux. Vous aviez désertés les combats de ce monde bien avant que ne se dressent les nouveaux orpailleurs de vos rives banales. Là où nous trouvions de l'air, nous le transformions en or. Mais cette transmutation essentialiste était la résultante d'une dialectique à laquelle vous n'entraviez que Tchi ! Le cercle des croyances, nouveaux goulags des pauvres, vous hantait beaucoup trop, pour que vous puissiez même envisager demain comme une dynamique. Espèce de salauds ! J'envahirais le monde de trésors incertains, pour que vive la ronde des destins enfantins.

La quatrième erreur que fit le nouveau maire (paix à son âme), fut celle de ne pas prendre parti pour ce qui n'était en fait qu'une fuite du temps. Il assassina ainsi au fond des bois toutes traces de vie, laissant à ses enfants le soin de méditer plus tard sur les actes accomplis par sa rage tenace. Contredisant l'Histoire, il pensait que « plus tard » se chargerait « d'ailleurs », simplement en invoquant les mânes pervertis de ses ancêtres. Sur ces bases mouvantes, il pensait aussi « qu'autrefois » pourrait être à nouveau décrété. Alors que nous l’avons vu, la vie n'est faite en fait que de chimères. Il pensait aussi qu'après avoir fait l'impasse de sa jeunesse au fond de vieux grimoires (la bible, le Capital, etc.), il pourrait à sa guise décréter le temps des festivités. Mais la fête ça ne se commande pas, sinon ça se saurait. Il pensait donc que l'oubli ressortirait un jour de terre, au nom de son grand-père, autre orphelin des lieux, dans ces lieux de misère quand subsister voulait encore dire quelque chose.

Ce nouveau train des inepties sociales, en route vers une « statuïfication » des épreuves anciennes, n'avait plus aucun sens historique (les russes l'avaient mené bien avant nous). Ce combat acharné n'avait plus de raison. Pourtant, le cercle des touristes entretenait le doute sur ces nouveaux délires. Connaître la nature sans l'avoir pratiquée, renaître de ses cendres, voilà une utopie malsaine à laquelle nous n'avions point pensé ! Historiciser les charmes des anciens sans avoir le modèle, les clés de l'aventure ! Polluer les nouveaux rivages du possible par des incantations qui demeuraient muettes de réponses, tandis que la verdure continuait son ½uvre. Oxygène bâtarde de vos élans marqués du sceau de l'amertume, d'avoir compris trop tard que notre route irrigue des voies de communication vers de nouveaux systèmes aux accès verrouillés par votre propre incapacité d'en percevoir les codes.

La lumière est en nous, elle n'est pas hostile mais simplement indifférente à vos lointains émois. Ces routes intrépides conduiront vos enfants, vers de nouvelles sources, des sources faites pour abreuver le sens de leurs émotions, et ces routes sont construites sur votre retard mental à apprécier l'espace-temps. A dépasser l'aubade.

Nos plantes transgéniques seront dorénavant le fruit de nos concerts nocturnes à écouter pousser les choux, émus par le silence qui tombe des étoiles. Cette obscure clarté qui fait naître en nos c½urs des possibilités d'inassouvis modernes. Loin des statues de marbre de vos derniers enchantements, nous construisons nos mondes de nouvelles raisons, des raisons aliénées par le sens de nos valeurs fécondes. Nous enfantons en même temps, des traces d'opprimés à la face d'un monde, tout occupé encore à vaquer par ailleurs à d'autres artifices.

Monde de travestis, erreur de vos ovules, vos femmes étaient là pour épuiser vos rêves. Nos femmes seront là, pour équiper nos livres. Lieux de tous les hasards où déjà s'entremêlent nos gènes impatients d'avenir, impatients de montrer qu'au bout du tunnel noir, se précisent des aubes aux nuances mortelles pour votre condition. Echiquier noir des sables, palettes d'avenir où nous saurons trouver des bleus autrefois inconnus, des qualités de rouge sacrifiant vos rancunes, des qualités de jaunes approchant le soleil. Tout est là sous vos yeux, mais vous ne pouvez voir l'impossible, car il faut le construire avec ses propres mains. Nul besoin de mitraille pour vaincre vos retards, il suffit de penser que vous êtes coincés derrière des barreaux en croix, à contempler la mort qui se dessine dans les méandres de votre propre vie. Vous compterez-vous alors au nombre des élus perspicaces, ces mystiques de l'ordre qui encensaient vos actes à chacun de vos crimes, des crimes accomplis uniquement pour souder l'enclume de nos ressentiments.

Cohortes vagabondes, faméliques témoins du manque de réserve, du manque d'utopies, des utopies que nous avons conquises à force de nous croire au dessus de vos têtes encapuchonnées de morve. Traces des temps anciens ayant servi nos crânes à proférer demain (ce nouvel espace-temps), à construire des ponts plutôt qu'à les détruire à l'aide du venin des outrages quotidiens ou dans les aléas des crottes de sangliers ou de biches, dans ces empilements ignobles d'immondices, faits pour véhiculer la peur des précipices, faits pour que vos enfants n'aillent pas voir chez nous, ce qu'il y a de trouble.

Espèces de racistes, espèces de fascistes, votre tour est passé ! La main sera à nous. Sinistres dromadaires acculés au comptoir des illusions perdues, dans les mares de sang que vous faites gicler au seuil des firmaments, pour empêcher vos propres têtes de sombrer dans le vide de notre opportunisme à dépasser le temps, de notre clairvoyance à empêcher l'Histoire, à envahir l'espace que le temps a fait nôtre, pour combler vos regards.

Oui, nous sommes bien les transfuges de votre folie noire à empêcher les trains de nos trêves bavardes, à empêcher l'oubli dans de nouveaux ébats, en marge de vos sens cernés de turpitudes. Les événements à venir seront à notre charge, car c'est nous qui présentement construisons l'histoire de ces lieux, pour les charger d'un rôle que nos sens aiguisés aiguillonnent de rêves. Pour peupler l'aventure de destins facétieux, de clowneries nouvelles, d'absence d'au-delà, afin qu'il n'y ait pas (plus) d'équivoques sur le sens du mot attente.

Nous avons inventé les nouveaux trains de l'exode, des trains qui finiront peut être incendiés par de futurs malades mentaux, une fois de plus irrémédiablement marqués du sceau de l'infamie. Loin des raz de marées, nous construisons les quais pour pouvoir accoster en marge du Système, fabriquant de nos mains les futures escales de vos c½urs dépourvus d'avenir. Décousant le harnais de nos tentes dorées. Affaiblissant l'espoir de pouvoir reculer. Stoppant l'ode des rois pour vous emprisonner.

Au lieu de nous aimer, nous nous sommes sentis, nous nous sommes léchés. Au lieu de nous haïr, nous nous sommes penchés sur l'inconstance folle (l'incontournable folie) de nos actes charnels et au loin des flaveurs obscures de buissons enflammés (aux crèches de vos sens), quitté notre amour propre, fait de pâles reflets, encensés nos destins imprécis le long de travellings vidés de sens..., ces prisons de vos superbes plans accrochés à la toile de nos rêves tordus. Le cinéma nous hante beaucoup plus qu'il ne faudrait. Je vous propose pourtant ici, le scénario d'un autre âge, sans turpitudes célestes, sans divines raisons là, où la préhistoire nous attend dans des limbes (les laves) incandescentes de baisers assoiffés d'avenir.

Nous pourrons dès lors mettre en route une pensée réellement automatique, dépasser la comptine aux beuveries tactiques, stratifier nos encens en couches susceptibles de se désagréger au moindre effleurement de microscope à balayage électronique, pervertir vos gâteaux, ensemencer de larmes le coulis de vos observations lacunaires pour ne pas dire vacantes.

Redresser vos épaules pour mieux vous faire porter le poids (le deuil) de votre connerie, ensanglanter l'espace de destins anonymes, accrochés aux wagons de la sainte famille des croyants affamés.  Ces destinées tâchées d'horreurs posthumes, cernées par tous les corps qui n'ont su exister autrement, qu'en faisant le sens de vos décors (et de vos marchés!). Nous vivons dans un système marchand dont nous voulons maintenant maîtriser les contours.

Nous survivrons par delà les combats, les terribles attentes, les retours saccagés, les allées et venues entre vos choix si ternes, les remparts démodés de vos superbes fermes, aloi de nos désirs, cernés de vie nocturne.

Mais il est temps de revenir vers toi, rond point de nos recherches. D'ailleurs, il n'est pas de bon ou de mauvais sort, ce sont les gens qui ne vivent pas très bien ce que les autres leur proposent occasionnellement. Mais si nous arrivons précisément déjà à aller au-delà de vos rêves actuels, c’est que nous avons déjà créé d'autres mondes, c'est qu'il y en a peut-être encore d'autres à découvrir.

Pour nous, votre société élitiste ne donnera plus rien car elle n'a déjà plus d'objet et le seul niveau intéressant qu’il vous reste à vivre, c’est celui d'observer les cercles de notre poésie en train de se refaire une santé au milieu de ces bois, car tant que vous n'arriverez pas à notre degré de révolte, vous resterez éternellement les croyants infantiles de vos propres réalités.
Ecrire, rectifier, donner son avis