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  Que faisiez-vous pendant ce temps ?

Chapitre XIX
CHAPITRE  XIX





Faut-il se haïr pour survivre
?
  

Car près de nous vivaient depuis toujours, des hommes de main ne pensant qu'à la mort.

Des hommes qui discutaient sans cesse entre eux, des choses de la vie, des choses que pourtant ils ne connaissaient pas vraiment (ils n’avaient jamais véritablement expérimenté les états dont ils s'entretenaient).

Tels des idiots, ils répétaient sans fin tout ce qu'on leur disait.

Tels des idiots, ils relayaient sans cesse tout ce qu'ils entendaient.

Tels de vulgaires crétins, ils transmettaient aux autres une histoire qu'ils n'avaient jamais réellement vécue.

Ils pensaient là tout simplement, tenir une forme de revanche contre le temps qui passe.

Il y a longtemps, dans les limbes de leurs premières lueurs d'intelligence, des lambeaux d’intellection s'étaient détachés un à un des zones grisâtres de leurs cerveaux déjà meurtris (ils avaient d’abord été des enfants battus puis plus tard, ils s'étaient battus eux-mêmes comme des chiffonniers et avaient peu à peu, perdu la notion relative du respect des autres). Ces lambeaux anodins et fugaces s'étaient échappés, pareils à de petits nuages vagabonds et vaporeux, sans qu'ils n'aient pu esquisser le moindre geste pour en retenir la substance ().

Vers le lointain, leurs songes enfantins s'étaient alors enfuis, les laissant là pantois au milieu des humains, sans le moindre recours. S'autorisant avec largesse, des prétentions inconnues, ils appliquaient la loi :

Si on leur demandait d’encercler, ils encerclaient derechef.

Si on leur demandait de frapper, ils se mettait à frapper comme des mules.

Si on leur demandait de tirer, ils tiraient aussitôt sur tout ce qui bougeait.

Nulle barrière mentale n'arrêtait leur soif tragique de puissance barbare. Leurs méthodes correspondaient simplement à un manque d'imagination flagrant sur le plan des rapports humains.

Ils se connaissaient des ennemis partout et se levaient même la nuit pour faire des tours de garde impromptus, emprisonnant l'espace nocturne sous la chape sombre de leurs noires idées. Leurs justificatifs primaires étaient toujours sous-tendus par l'idéal malsain de coller aux contraintes sociales, légales ou légalisées (une utopie de plus, mais cette fois-ci à leur actif !).

Souvent à la limite de la violence gratuite et à coups de taloches brutales, ils éduquaient leur progéniture (celle qui finit un jour dans les asiles) comme un digne continuum de leurs idéaux apocalyptiques. Plus que tout autre, ils étaient sûrs de leurs raisons. Plus que tout autre, ils étaient viscéralement liés à la force brutale comme ultime vision (comme ultime solution).

Catapultant leur être dans les chimères des nouvelles raisons politiques, ils étaient prêts à en défendre, baïonnette à la main, l'absurdité relative. Loin des panachages interethniques citadins, ils en haïssaient avec la même force que s’ils les avaient côtoyé quotidiennement, leurs saturations cosmopolites. Loin des problèmes cruciaux de cette fin de millénaire et entourés pas les vagues à l'eau de rose, ils en niaient jusqu'à la profondeur historique.

Ils en niaient aussi farouchement les certitudes et n'avaient qu'une seule hâte, celle de se caler chaque jour sur leur station de radio préférée ou leur chaîne de télé nationale pour savoir enfin ce qu'ils devraient penser, au jour le jour, de tel ou tel problème. Leur itinéraire culturel était alors rythmé par tous les schémas d'apocalypse qu'on leur présentait quotidiennement et il ne leur serait jamais venu à l'idée d'en contrôler ou d'en contester la valeur.

Se créant petit à petit un niveau adéquat de raisonnement, le cloisonnement des genres restait leur idéal.

D’une certaine manière et bien que dans l'ensemble assez inopérant, leur entêtement pouvait leur valoir de ci de là, certains succès et ceci, auprès de personnes moins politisées et moins engagées que nous ne l'étions nous-même. Mais faisant fi de toute cordialité humaine, ils poursuivaient uniquement leur but et telles des araignées profitant de leur toile, ils attendaient dans un recoin de leur tanière la nourriture obscène des faits divers, afin de s'en repaître inlassablement. A ces fins équivoques, ils tissaient patiemment un à un les fils de plus en plus serrés autour de leurs desseins et qu'importait alors, si un coup de vent ou un coup de balai arrachait leurs assises. Ils recommençaient immédiatement à tisser et étaient à nouveau prêts dès le lendemain à décharger leur dard, afin de satisfaire leurs appétits voraces.

Leur mesure était bornée par une forme de boulimie cupide ayant pour seul but de s'emparer de tout ce qui pouvait correspondre à une joie pour les autres, de s’emparer aussi de tout ce qui pourrait un jour, leur être d'une nécessité vitale. Lobotomisés par le salaire de la peur, ils ne défendaient pas une position, ils étaient là simplement pour servir leur destin.

Mais il ne faut pas croire, les pièges psychologiques qui leur étaient tendus ou les contraintes morales que nous leurs imposions quotidiennement, représentaient bien la justification d'une partie de leurs défenses. Mais les brumes de leurs cerveaux ou leur propre vision bornée du futur, les empêchaient complètement d'envisager des solutions civilisées. Pour résoudre demain, l'acte gratuit leur était tout simplement inconnu...

Leur brutalité notoire leur valait l'obéissance complète de leur famille et de leur cheptel. Mais l'insoutenable, c'était leur hypocrisie quotidienne, car sous des airs patelins et des odeurs d'eau de Cologne, ils poursuivaient en fait sans répit le même combat sans merci, pour une vie sans faille.

Toujours rapidement ramené à la réalité violente du contenu de leurs sens, ils s'interdisaient le moindre rêve, si ce n'est celui d'une éphémère navette spatiale (une navette qui a explosé deux fois en plein vol) ou celui des froides technologies militaires de pointe. La mécanique était leur seule véritable passion (ce que nous ne leur reprochons pas, du reste) et ils préféraient le plus souvent, reconnaître la beauté d'un boulon, à la finesse d'un trait d'esprit. Ce faisant, tel un « Saroumane » enfermé dans le château de ses sombres desseins, ils édifiaient alors d'invisibles barrières autour de leurs noires visions, bâtissant des empires sur les sables mouvants de leurs vaines chimères...

Dure réalité, trop dure réalité pour nos esprits féconds et, dans le dédale inextricable du rêve de notre vie, qui pouvait bien dans le fond nous en vouloir autant et pourquoi ? Qui pouvait bien nous en vouloir, au point même de désirer nous faire assassiner par ces hommes brutaux ? Nous ne le comprenions pas, mais forts de nos intuitions, nous nous étions tous réfugiés dans cette fragile maisonnette, essayant d'en bloquer vainement les accès à ce monde barbare.

Et c’est ainsi qu’un jour, comme par magie, deux de ces tristes personnages arrivèrent à pied devant notre pauvre masure. Ils firent dans un premier temps, semblant d'emprunter le passage qui longe le mur Est, mais changeant subitement de direction, ils montèrent rapidement les marches de notre perron et réussirent à passer à travers tout le monde et à planter un couteau dans le corps d'une amie (flanc arrière gauche).

Devant la rapidité de leur acte, pas un seul de nous n'avait pu faire quoique ce soit pour retenir leur geste. Fou de rage, quelqu'un s'empara de la table épaisse et bloqua un des agresseurs en demandant aux autres qu'ils lui enlèvent son arme. Après nous en être emparé, nous commençâmes à frapper de nos poings l'inconnu tout en essayant de l'écraser avec la table.

Pendant que nous luttions comme des bêtes, nous lui demandions en même temps, pourquoi il avait fait ce geste. Il nous répondit qu'il ne le savait pas, que quelqu'un les payaient discrètement pour accomplir ce travail et que cela ne leur posait d’ailleurs aucun problème de conscience d’accomplir leurs actes de folie. Il nous était impossible de lui faire plus mal car la table n'arrivait pas à l'écraser. Soudain l'idée nous vint, qu'ils représentaient une force psychique impossible à détruire et notre colère ne retomba qu'en ayant pris conscience de l’état de la blessée et de l’urgence qu'il y avait à appeler du secours, pour sauver notre amie. Mais nous la vîmes soudainement debout près de nous, comme si rien de tout cela ne s’était réellement passé.

Pendant ce temps, l'autre forme de racaille fasciste faisant allusion à l'attentat, nous dit à ce moment là, d'un air suffisant et presque débonnaire, qu'il aimait le travail bien fait et que cela ne lui faisait ni chaud ni froid d'employer ce type de méthode. Ils étaient en quelques sortes, tous deux, presque fiers de ce qu'ils accomplissaient pour le compte d’autrui. Plus tard, quelques heures après cet ignoble attentat, « Gandhie » notre première amie non-violente, mourut pourtant dans nos bras impuissants, des blessures infligées par ces bêtes sauvages.

Et ce jour-là, tout ce sang versé à nos pieds, se transforma instantanément en mort livide. Depuis nous savons tous qu’à l'ombre du fascisme rampant qui nous entoure, se développe autour de nous un nouveau mur du pouvoir, un mur dont les assises sanglantes abreuveront dans le futur, les nouvelles générations, d'une cruauté inépuisable et sans égale.

L'évolution progressiste, intellectuellement si fascinante par ailleurs, a ouvert la porte à de démentielles visions (instrumentalisation de la foi progressiste), une porte à travers laquelle le pouvoir oppresseur a su s’insinuer de plus en plus tapageusement. Dans le fatras sanglant des informations médiatisées, jamais la mort d'un homme, d’un frère comme j’en ai un peu partout, n'avait paru si peu tragique. Jamais non plus, la pseudo complexité des institutions sociales ne s'étaient opposée aussi farouchement à l'individu.

Dans un monde où la simple acceptation, dans les deux sens du terme, d'une seule once de pouvoir, rend l'individu tributaire des autres et ceci, à autant de degrés qu'il le désire, le chemin qui tendrait vers une libération souhaitable des états, devient de plus en plus incertain à pratiquer. L'inconscience ou l'acceptation des uns fait toujours la puissance des autres, la puissance de ces êtres bornés qui finalement, sont bien contents de pouvoir aussi aisément se servir de leurs armes.

Car dans le fond, la bourgeoisie n'a jamais eu le pouvoir. Elle a simplement peur. Brusquez quelques uns de ses membres et vous la verrez se recroqueviller, toute veule, derrière la force policière téléguidée par le pouvoir dominateur en place.

Pourtant, l'homme n'a plus aujourd'hui besoin de maîtres ou de dieux. Mais la société, si ! Dans ce sens, la soumission de plus en plus rapide des individus aux croyances institutionnalisées, débouchera-t-elle sur une réaction générale et spontanée des êtres les plus sevrés de liberté ou la raison du plus fort triomphera t‘elle toujours aussi facilement ?

Dans ce monde, il n'y a plus aujourd'hui aucune remise en cause possible de la réalité, pas de compromis non plus à attendre, car la liberté que nous acquerrons à la naissance est aussitôt mise sous scellés. C’est dès lors, un vrai plaisir que d'énumérer, dès le premier cri du bébé, lorsque l’enfant parait, la somme des contraintes que nous impose continuellement la présence des autres...

- Qui sommes-nous dans le fond pour avoir sans arrêt besoin de ce duel ?

- Qui sommes-nous pour ainvoir de tels comportements de bêtes féroces ? Qui sommes-nous pour avoir sans arrêt besoin de cet autre af de combler l’immensité de sa propre solitude, pour vouloir parcourir à plusieurs ce vaste désert qui nous habite, cette plage sans fin sur laquelle nous marchons continuellement sans savoir, sans avoir d'autres horizons que la ligne morne de ce désert de sable ?

- Qui sommes-nous, pour nous permettre de défendre le point de vue de la vie avec autant d’âpreté, pied à pied, sans autres illusions que d'avoir à recommencer dès le lendemain cette forme de lutte ? Pourquoi cet accord tacite pour taire la Vérité ?

- Qui sommes-nous Bordel de dieu ?!

Et pour vous permettre de répondre le plus rationnellement possible à toutes ces questions bizarroïdes, c'est bien ici, le songe de ma vie que je vous offre en prime, il est ouvert à tous, car entre-temps j'ai réussi à épuiser la plupart de vos rêves (et en même temps, votre propre réalité). Je l'ai fait en partie, le jour où j'ai découvert, tout en cheminant près de chez moi après les funérailles de notre amie, un scarabée doré.

C'était un magnifique scarabée, le plus beau peut-être qu’il m’ait été donné de voir. Il était gros, énorme et il était caché dans le trou de mon totem sauvage, un totem que j'ai toujours considéré comme étant un peu ma propre pyramide. Ma première réaction fût de l'admirer et je poussais un "Oh ! Qu’il est beau !" d'émerveillement. Mais ma seconde réaction fût comme un idiot, d'essayer de le faire sortir des galeries dans lesquelles il se faufilait maladroitement. Il s'y refusait mais je le tarabustais tant et si bien qu'il abandonna sur place, sa si belle carapace. Comme brisée, celle ci tomba près de lui en miettes et laissa le scarabée nu comme un ver, comme une sorte de larve énorme et noire. Je le laissais là et essayais de rassembler rapidement autour de lui, les morceaux de chitine éparpillés, afin de lui redonner intacte sa merveilleuse parure. Mais je n'y parvins pas. J'étais gêné et me traitais d’idiot, d’avoir ainsi gâché la suite de ce rêve.

A cet instant, comme si cet évènement fortuit avait décidé du sort de ce qui allait suivre, passa en trombe une jeune fille qui ressemblait à la vie (je me rappelle qu'elle était vive et fière comme l'eau des cascades). Elle avait un instant réussi à tromper la vigilance de son ennui en lui disant qu'elle allait téléphoner au bar du coin. En même temps, tout en passant devant moi, elle m'invitât à la suivre. Eblouis par nos miroirs réciproques, nous nous mîmes à courir vers un salon de thé, un salon de thé en tous points semblable à celui que nous connaissions tous les deux, au centre de Grenade (en bas à gauche de l'Alhambra).

En fait de salon de thé, la porte s'ouvrait tout d'abord sur une vague pissotière, puis on entrait dans une pièce simple et carrée où il y avait éparpillée au sol de la sciure pour empêcher que l’humidité ne fasse glisser quelqu’un.

Un moment interloqué par cet univers de banlieue, je ne retrouvais plus la jeune fille. Elle avait disparu par une porte dérobée, dans une des galeries souterraines de l'immeuble. J'essayais de la suivre et descendais quatre à quatre les escaliers de béton. En fait, tout en prenant cette direction, je descendais vers les sous-sols de ma mémoire, des sous-sols qui se seraient stratifiés en une sorte d'immeuble à étage inversé, où chacun des étages présents représentait une étape franchie et où chaque étage descendu était un retour en arrière vers une étape dépassée.

L'immeuble était sombre et cette impression de sombre et même de noir y prédominait. Je venais donc de l'air libre !

Tout en descendant, j'ouvris au hasard une porte et entendis quelqu'un me dire tout bas, "Oh ! Fais attention, tu l'as réveillé en sursaut ! Saches que depuis que tu es parti de chez nous, il pleure sans arrêt". Et tout à coup, ce fût comme si, par l’intermédiaire de cet enfant éploré, mon être se vidait dans cette pièce obscure, de toutes les larmes de son corps, en pleurant sur toute la misère du monde.

Je refermais tout doucement la porte des souvenirs d’enfance et descendis encore un peu, arrivant au plus bas, au fin fond des sous-sols. Tout le reste de l'immeuble était vide et désert et il aurait fallu ouvrir, une à une, chacune des portes pour retrouver à l'intérieur de chaque pièce, un peu de mon passé.

Tout en bas de l’immeuble, je trouvais enfin une autre pissotière et commençais à uriner abondamment. Près de moi, sur des sortes de quais encore plus sombres que le reste de l'immeuble et débouchant de tunnels comme dans un métro, je vis alors sortir des cortèges de gens déguenillés. Avec eux sur les quais, s'amusaient des enfants délurés. Je me dis en moi-même en regardant cela : "Mais ça existe encore ? Tout ça est là, toute cette misère noire existe donc vraiment, toutes ces manifestations ont encore lieu quotidiennement, pour déjouer et secouer le joug des oppresseurs".

Je voulus aussitôt me mêler à ce flot ininterrompu de personnes en colère, tout en me disant que j'avais de mon coté, la chance de connaître parfaitement les lieux. Mais la foule hurlante prenait la direction qu'elle désirait et de l'autre coté venait déjà une deuxième file, une file dans laquelle au bout d'un certain temps, je reconnu enfin mon double féminin. Mais un double miroir, comme navrée de me retrouver là.

Elle me prit doucement par le bras et m'amena à l'inverse de la direction prise par la foule. Nous nous retrouvâmes aussitôt à l'air libre en train de nous promener heureux et insouciants sur des chemins bordés d'arbres entièrement couverts de litchis et de mangues, sur des chemins indiens, beaux et poussiéreux. Soudain ma compagne me dit "Oh ! Regarde qui vient vers nous, ce sont-là nos amis de toujours !" et elle disparut une nouvelle fois, tout en allant à leur rencontre. Je pestais et courus derrière elle, mais elle était à nouveau déjà loin.

A la fin de ce songe d’une nuit de jeunesse, je me retrouvais seul auprès d'un kiosque à musique en train de chercher l'issue qu'il fallait donner à cette étrange histoire. C'est alors que me réveillant en sursaut j’entendis quelqu’un me chuchoter doucement à l’oreille qu'il était grand temps d'accepter ma folie. Qu’en définitive sur terre, tout n’était que folie pure et qu'il fallait, une bonne fois pour toutes, que chacun accepte cette folie de tous les jours.

Car on se trompe toujours, on est toujours trompé. On croît être là et on est peut être ailleurs, on pense exister et « peut’êt ben » qu’en définitive, on n’existe pas vraiment.

Et quand sur cette terre obscure et toute cabossée, je me suis enfin réellement éveillé à la vie des humains, j’ai vu alors des mecs pleurer un peu partout, devant une foule d’enfants dénudés, des enfants dépenaillés, qui leur tendaient la main en leur faisant l’aumône.

J’ai vu des trains entiers crouler sous le poids des minots et ployer sous leur charme.

J’ai lu des aventures dans leurs yeux de gamin, une envie folle d’aller voir ce que disent les autres, une envie d’échapper à cette vie fantôme.

J’ai vu des pieds en sang, marcher sur le corail.

J’ai vu au même endroit, de vieux seins décharnés, essayer de calmer les maigres inquiétudes de nouveaux-nés grelots.

J’ai vu de sombres sourires me cerner d’amertume, guider mes illusions dans d’ignobles réels, faire aller nos oublis là où il y a du risque.

J’ai vu des yeux hagards essayer de survivre en imposant aux autres des visions du passé.

J’ai vu dans cet écrin de verdure incendié, sombrer nos premiers compagnons, les animaux sauvages.

Sur les voies du désir, j’ai vu crever des anges, remonter des relents aux ternes certitudes.

J’ai engrangé aussi un peu partout, des tonnes de boniments velus, entendu des concerts de craquelures vides, testé les impostures, ignoré les ragots, suspecté les envieux. Le long des marigots, j’ai cru en ces désirs, j’ai cru ces souvenirs, emmagasinant continuellement avec les autres des objets affectifs, compilant avec eux les terribles épreuves.

J’ai vu pleurer l’espoir, s’effondrer nos regards. J’ai vu pourrir l’exode.

J’ai vu des échéances arriver en retard, se vautrer dans l’extase de nos tendres lieux dits, s’ouvrir des perspectives le long des habitudes, profiter des états où nous étions soumis pour exsuder l’histoire des remords de ce monde - Photographies de zooms aux allures défaites – J’ai désiré la mort pour aller de l’avant.

J’ai alors décidé de laisser mon âme sur le bord du chemin pour que les autres sachent qu’elle était en avance de deux heures et demie.

Je me suis enfoncé au plus profond du doute, ensemençant mes mots d’appels désespérés. J’ai essayé de dire que l’amour a un nom, que le charme nous cerne.

Le soir dans les embruns, j’ai assagi tes peines, lancé de vains regards au large de tes craintes, bercé tous nos soupirs de vagues liens difformes pour attendrir cette ode, aux odeurs d’immédiat.

J’ai résolu mon âge en soufrant avec eux. Porté mes oripeaux, déplacé mes erreurs. Et au bout du chemin, j’ai découvert l’étrave de ce bateau coulé par un destin étrange qui fait pousser la vie sur des tas d’excréments.

Dans d’étranges lueurs, j’ai glané mes acquis. Dans d’étranges atours j’ai puisé l’avenir. Dans des formes diffuses, j’ai inventé mon sort, cueilli des éphémères, attrapé des zébus pour prouver mon courage à contraindre demain.

J’ai soutiré du rêve, bu des litres d’extase, identifié mes tares à tout ce qui m’entoure – longues détentes aux repères absents – Ah ! La béatitude de l’amour religieux. Soutenir ces excès au nom d’une mer morte, faire la charité pour tenter de donner enfin un sens divin à cette pauvre épreuve qu’est la vie des rameurs.

J’ai alors suspecté mon être, d’être de leur coté, d’entretenir la vie, cette étole des gueux, ce nuage de ruines, cette amplitude folle qui nous dit au revoir à chacune des pauses que nous faisons pour taire ce qui va arriver.

Dans des relents de mort, j’ai étudié mon sort. Dans des relents de foi, j’ai pleuré mon absence, décousu le voyage pour enfanter l’espoir, tenté de colmater les brèches, absorbé le ciel bleu, fui sans arrêts ces haltes qui nous faisaient l’aumône, pour cerner de mes doigts le cou de l’injustice, écraser cette glotte qui criait des jurons contre les cimetières aveugles de leurs peurs.

Sur de puissants bateaux, j’ai essuyé au large des tempêtes terribles. Pourtant je n’ai jamais autant souffert qu’assis au fond de ce wagon.

Et cependant, mes amis, malgré toutes ces peines, c’est dans cette vallée perdue, près de cet océan de larmes, que j’aime encore aller flâner. Je dois être un peu maso dans le fond.
 Ecrire, rectifier, donner son avis