Le
minimum que l'on puisse demander et même revendiquer de la part de ses
voisins, quand ils sont les adeptes des évangélistes du 45ème sous-sol,
c'est qu’afin de nous convertir à leur foi, ces derniers fassent de
temps à autre quelques véritables miracles. Nous les mîmes au pied du
mur, un jour de grande discussion, en leur enjoignant de disparaître le
plus rapidement possible. Ils en restèrent bouche bée.
Le litige, une fois de plus, venait du fait que nos animaux domestiques
profitaient de tous les pacages et autres pâturages présents autour du
site (on se répète souvent à la campagne...) et que ces derniers «
destroyaient » trop fréquemment le toit de leur vieille maison; les
chevreaux il est vrai, ayant la désastreuse habitude d'escalader et de
se servir, à des fins ludiques, de tout ce qui peut ressembler à un
tremplin.
Bien que n'ayant pas l'intention de réparer leur propre toit en ruine,
ceci pour de sombres histoires d'indivision et faute de savoir par
ailleurs, à qui s'adresser vraiment, pour faire constater les outrages
du temps, ils se plaisaient à nous faire régulièrement constater les
dégâts que leurs occasionnaient nos petits animaux.
De plus, bien que
mangeant de la viande à tous les repas que leur permettait le bon dieu,
ils avaient une peur panique de tout ce qui allaient et venaient à
quatre pattes. Ils avaient pareillement peur de certains volatiles
(deux pattes, deux ailes, deux queues) que nous entretenions pour
l’exemple, des drôles d’oiseaux qui parfois il faut le reconnaître,
étaient assez belliqueux. Mais le coq n'est-il pas depuis bien
longtemps déjà, l'emblème de la Gaule et à ce titre, ne devrait-on pas
le protéger des malédictions évangélistes ? Ces derniers afin de se
défendre des puissants coups de bec du volatile, réussirent à porter
plainte auprès de certains juges, pour coups et blessures de la part du
gallinacé (les tribunaux sont compréhensifs pour ce genre d'affaire qui
les fait fonctionner). Cet animal eu momentanément la vie sauve mais
finit toutefois lamentablement sa vie de manière brutale, proprement «
escané » par un chien de chasse trop jeune encore, pour faire la
différence entre un poulet de grain et une bécasse. Mais revenons à nos
moutons.
Pour plus de précision, il faut dire que les relations quasi
sacerdotales que voulaient nous imposer les élus de service, supposait
un approfondissements intellectuels de la situation qui allait bien au
delà de nos propres capacités cérébrales. Pour nous montrer le b-a-ba
en matière d’hygiène, ils nous disaient par exemple, qu'afin de ne pas
laisser de traces visibles de leur passage, les hébreux, lors de leur
fuite d'Egypte, avaient fait leurs besoins naturels pendant plus de
quarante ans consécutifs, en creusant de petits trous dans le sable du
désert qu'ils traversaient. Façon habile de nous dire que nous
laissions traîner derrière nous, de trop nombreux morceaux de papier
hygiénique colorés. Il est vrai que quelques papiers roses emportés par
le vent, ça fait un peu désordre au sein de nos sociétés hyper
pasteurisées. Toutefois, ils n’allèrent pas ce jour-là, jusqu’à nous
dire si les hébreux de l'époque utilisaient du « Pampers » ou bien du «
Lotus » pour se nettoyer, lors de leurs ablutions intimes.
Situés bien trop loin des tout-à-l'égout citadins qui ailleurs, évitent
ce genre de diatribe, nous fûmes définitivement confondus par nos
traces. Mais faute de mieux, les bonnes répliques du genre: « Et vous,
comment faites-vous donc pour satisfaire vos besoins naturels puisque
par ici, il n'y a que du rocher et plus aucune vigne à l’horizon ? »,
fusaient alors de toutes parts et à partir de là, la discussion
devenait de plus en plus pénible à suivre pour quelques visiteurs
inattendus.
Malgré tout, cette discussion sommes toutes basique, s'élevait parfois
à des niveaux beaucoup plus intéressants et, une fois que nous avions
dépassé les notions primaires de Chiotte, de Dieu et de Diable (leur
CDD cosmique) que portaient en eux nos vénérables témoins, les
véritables motivations qui régissaient ces fils du ciel, parvenaient
parfois à nous
faire frémir (à cette époque-là, nous aimions frémir).
Partant de
l’idée que toute une partie de leur famille avait été massacrée par les
rouges au lendemain de la révolution russe (paroles que, sur le moment,
nous ne remîmes pas en doute) ils pensaient pour cette raison même et
en tant qu’exilés du système antérieur, avoir le droit de défendre
devant nous, les thèses les plus banales de l'extrême droite. Vaste
programme et thèmes de discussion porteurs, me direz vous ! Sans
l’avoir voulu, nous nous retrouvions de fait, face à l'une des formes
les plus conditionnées et les plus extrêmes d'anticommunisme primaire
et, bien que n'étant pas nous-mêmes pour l’essentiel que des Marxistes
inébranlables, nous fûmes pourtant momentanément ébranlés dans notre
foi dans l'autre.
Afin de sortir de ce véritable guêpier historique, nous leur répondions
derechef qu’il y a fort longtemps déjà, toute notre famille avait été
elle-même, exterminée par les inquisiteurs - Ceci au nom de je ne sais
plus qu'elle autre type de sanglante utopie– Nous leurs répétions sans
cesse que malgré toutes ces barbaries passées, rien ne nous avaient
jamais empêché depuis lors, de nous insurger contre les principales
thèses racistes et/ou antisémites, des thèses qui on ne sait pourquoi,
prenaient régulièrement corps autour de nous.
Pour les calmer, nous
leur parlions aussi, le plus souvent possible, des existentialistes et
de cette forme de pensée moderne dont ils n’avaient jamais rien su, ni
que faire, mais que dans le fond, ils haïssaient si fort…
Ainsi, nous
trouvions-nous dans une situation surréaliste au cours de laquelle, un
ex-prêcheur polonais converti au protestantisme américain, défendait
des thèses d'extrême droite auprès de potentiels bio-marxistes.
Suivez-vous l'itinéraire culturel de nos amis les hommes et y
comprenez-vous réellement quelque chose ?
Peut être me répondrez-vous ici que dans le fond l'Histoire se trompe
souvent de côté et qu'elle n'en est pas par ailleurs, à un quiproquo de
plus ou de moins afin de satisfaire ses exigences momentanées, faisant
régulièrement endosser aux uns ou aux autres, les lourds fardeaux de
destins ambigus aux finalités étranges.
Ainsi, nous qui à cette
époque-là, n'aurions jamais fait de mal à une mouche, de peur de créer
une injustice sociale, devenions-nous (peut être à cause de cela), les
détenteurs potentiels de secrets équivoques pouvant changer la face du
monde, par des voies maléfiques et malfamées (notamment par les voies
de la non-violence !). Eux-mêmes, de leur côté et avec toute la bonne
foi qui les transportait, auraient-ils détruit s'ils l'avaient pu, la
moitié de la planète à coup d'anathèmes viscéraux et poussiéreux. Ça
fait beaucoup de monde à abattre, me direz vous ?! Mais après avoir
longuement analysé leur folie ambiante, je peux vous certifier ici, que
dans leur inconscient, caché depuis on ne sait combien de temps, aurait
pu resurgir une vieille folie vengeresse, une folie au nom de laquelle
ils auraient alors tenté de nettoyer toute la moitié du globe de tous
ces vulgaires incroyants qui la peuplait et dont nous faisions
occasionnellement partie. Dans ce sens, leur (sainte ?) colère sortie
d'on ne sait où, restait bien le moteur inébranlable de leur foi en
jésus. Cependant, tout le monde le sait maintenant, « Jésus cri, la
caravane passe... »
Leur ambition suprême nous l’avons découvert, était qu'ils voulaient
dominer le monde au nom de «Géo va» (et vient). Folie extrêmement
dangereuse on a pu le constater tout au long de l'Histoire. Vous me
direz qu'il en faut quelques uns pour ne pas trop s'ennuyer sur terre,
mais nous qui avions été formés au sein des plus purs idéaux
libertaires, cela nous laissait tout de même légèrement songeurs...
Modifiant au fur et à mesure leurs manières d'être, jusqu'à en devenir
inutiles, ils entretenaient régulièrement envers nous, une sorte de
guéguerre débile, mais surtout, on le voyait un peu plus chaque jour,
ils conditionnaient leurs enfants à la perspective de cette nouvelle
guerre sainte. Ils les conditionnaient jusqu'à les rendre
schizophrènes, impropres
à la vie, quitte à les faire enfermer plus tard dans des asiles
d’aliénés. On voit mal la logique, ou peut-être celle-ci est-elle trop
limpide pour qu'on l'accepte telle quelle, tant il est vrai qu'elle
peut paraître débile et intolérable (intolérante). Nous leur savons
tout de même gré de nous avoir maintenus dans la position primitive qui
nous avait fait entrevoir, dès le départ de cette aventure, qu'aucune
guérison à la connerie humaine n'était réellement possible.
Sujets intéressants à analyser en ces temps de luxure. D’ailleurs,
avant de poursuivre plus avant cette vaste considération sociologique,
je vous y laisse penser un court instant en solo. Mis à part, les
différents existentiels, voici à peu près ce qu'ils avaient localement
à nous reprocher:
- d'être des adeptes des libres penseurs ce qui pour eux, entraîne la
disgrâce.
- de semer des orties dans leurs jardins ou ailleurs devant leur porte,
ce que les gendarmes n’ont jamais pu prouver.
- de nous promener à poil, les jours de grand soleil.
- de recevoir des gens de toutes parts et de tous horizons (rasta,
babas, bobos, bibis, bibus, babis, bilbos, etc.).
- de ne pas être les adeptes de la secte des adventistes du 45ième
sous-sol.
- de dégrader tous les sites par notre seule présence.
- de manger leurs noix à leur insu.
- de ne pas leur signer de chèques en blanc, quand ils étaient fauchés.
- de ne faire et de n’écouter que de la musique de barbares.
- d'attirer avec nos petits animaux, toutes les mouches de la création.
- de les gêner avec nos tas de sable.
- de les empêcher de passer avec nos véhicules décatis...
- etc.
Alors que finalement, nous ne leur demandions que la reconnaissance de
la genèse de notre pensée alternative et ceci tout simplement, afin que
les thèmes existentiels que nous leur proposions régulièrement leurs
deviennent enfin, un peu plus familiers...
(...)
Implications idéologiques de chacun dans la vie de tous les jours
Décisions individuelles et collectives
Intérêt des découvertes ou de
l'inconnu
Interdépendance des idéaux
Choix humains
Dépendance sexuelle
Instinct de mort
Dépassement du moi
Survie et Survivances
Moyens de survies
Intérêt d'une chronologie
Recherche de ses racines
Création d'un
univers idéal
Rencontres
Univers de l'homme
Univers de la femme
Défense des acquis par rapport à toute nouvelle
idéologie
Création du sectarisme
Recherche des structures
(...)
Mais tous ces thèmes de réflexion, ne faisaient alors malheureusement
partie pour eux que de l'illusion et que de la magie ambiante.
Finalement, on le voit ci-dessus, la nouvelle école « antisociale » que
nous projetions de fonder n'avait pourtant de dangereuses que ses
propres utopies existentielles, des utopies qui ne s’opposaient pas
uniquement à la folie des religions en cours, mais qui s’opposaient
historiquement aussi à nos anciens horizons marxistes. Les propos qui
vont suivre, vous en convaincront aisément. Oui camarades ! Le temps
est venu de vous dire ici, toute la vérité.
Car dans le cycle éternel des idéologies nouvelles, nous nous sommes
promenés.
Tels de petits écureuils discrets, nous nous sommes amusés çà
et là,
dans toute cette Europe industrieuse et même ailleurs,
à déjouer
continuellement les pièges de la vie.
Nous avons participé de tout c½ur à toutes les visions et ce n'est pas
peu dire !
Travailleurs acharnés et compagnons de lutte,
nous avons donné le meilleur de nous-même,
d'abord à nos patrons, ensuite à vos idées.
Mais notre fantaisie a fait de nous des êtres sans attaches,
compagnons
attardés de tous les combats voués à l'échec.
Nous avons pourtant été
de tous.
Nous avons participé à toutes vos beuveries joyeuses,
nous avons dilapidé notre temps à vous aimer (et surtout à vous
attendre !).
Mais l'attirance était autre, plus lointaine, autre part, dans d'autres
ports,
sous d'autres cieux ou sous des cieux différents.
Pourtant, les
horizons politiques auxquels nous avions auparavant participés,
n'étaient faits que d'idéaux antifascistes. Mais était-ce bien là, un
véritable idéal de vie ou le rejet perpétuel d'une hydre
intériorisée et sans cesse renaissante ? Le bien comme exutoire du mal
ou bien l'inverse ?
Oui, l'appel sans cesse nous attirait ailleurs. Nous vous accompagnions
par déférence presque, parfois par politesse. Car ce qui nous attirait
finalement le plus c'était la mer jaune, c'était le désert bleu,
c'était le vent dans la forêt ou dans les herbes folles.
C'était la liberté.
Et, dans cette chronique plus ou moins absurde de la lutte sociale,
nous aurons pourtant été sur tous les fronts. Sautant des mois de mai
parisiens, aux rues de Barcelone empestées par l'odeur de cadavre des
fascistes en train d'agoniser. Nous bousculant aux portes des
boulevards Athéniens pour sauver tout un peuple des dangers de l'armée.
Faisant battre sur le Larzac, les c½urs d'une gauche en marge du
destin. Claudiquant sur un pied après les charges immondes de mains
gantées de fer. Atterrés par les assassinats perpétrés auprès des
tourelles des poubelles nucléaires. Revenant à Paris enfin pour vous
surprendre une dernière fois. Nous essoufflant sans cesse à poursuivre
le temps. Vous connaissez le reste.
Il faut dire, en exergue de cette relation complexe à l'autre, que ce
n'est pas si facile que de s'intégrer dans une lutte sociale, ce n’est
pas si facile que de nier les évidences si évidentes pour tous,
d'anticiper les étapes à venir, de participer le moment venu aux
évènements importants, de ne pas se tromper de combat, etc., tout en
sachant qu'au bout de cette ligne existe la misère des processus de
récupération... ou le rejet social.
Car depuis la nuit des temps, c'est de sentir la peur qui monte en vous
qui nous hante vraiment, cette peur des ténèbres noires qui peuple les
angoisses de l'Histoire, peur de ces espace troubles ceints d'incendies
volontaires, peur du vide des sens. Vous subissez la vie, opprimant vos
désirs, jusqu'à en devenir les piètres importuns; jusqu'à ce que
l'ordre règne; jusqu'à ce que l'onde vous noie sous les lames sans fond
d'une mer sociale assoiffée de dégâts. Pourtant nous avons depuis
toujours, aiguillonnés l’espace de nos rêves, sans trêve ni repos. Ô !
Monde taciturne, qu'as-tu fait de nos joies ?
Oui, nous avons été les vecteurs de la gauche bavarde, de cette
nouvelle foi sociale engloutie dans les marigots d'un capitalisme
triomphant. Toutefois, pour ne pas tomber de trop haut en redescendant
de l'estrade (en fait, pour ne pas nous casser la gueule), nous avons
en même temps déplacé la ligne de la dialectique. Et, nous sommes
toujours là, ailleurs, improvisant des scènes où les nouveaux attributs
(les nouveaux décors) sont faits de plumes d'oie. Car pour nous, la
liberté se gagne avant tout sur le front des intempéries.
Usant de nos valises pour confondre l'espace, au sein des traquenards
que nous tendaient des hommes claquemurés jusques aux dents dans leurs
idoles de béton armé, nous avons cherché à donner un nouveau sens à la
vie, autre que cette guéguerre infâme que vous nous procuriez.
Au loin des temps immondes que vous passiez continuellement à gagner
cet argent, médium de vos pouvoirs, le long de firmaments plus rouges
que le sang, nous avons essaimés.
Terres des équivoques, labours incandescents, ravages d'autrefois,
trains de la mort blindés de certitudes, angoisse des perdants,
vieilles lunes atrophiées de rayures, espoir des ventricules, rondes
des assassins, monde des orphelins, rage immense perdue à pousser
devant soi une boule de merde. Voyez la cohorte des non mutants, ces
non-voyants des idéologies orphelines. Et tous ces gens ont encore pour
la plupart des croix cachées dans les placards de leur mémoire
collective ! Mais ça leur sert à quoi ? A vaincre les ténèbres ?
Après enquête nous pouvons statistiquement affirmer que depuis très
longtemps déjà, cela ne leur sert plus à rien...
Ô ! Gardiens de la nuit fécondant nos encens, peuples de moribonds
entremêlant l'Histoire de vils états de nuire, mon enveloppe craque,
cette enveloppe me gène. A moi, Monsieur Hulk ! Oui, c’était bien là
une quête de l’absolu que nous vous proposions, mais avec un peu de
réflexion et j'ai vécu tout cela comme d'autres
vécurent les tranchées en 14/18. Il y a eu des morts sur ce champ de
bataille, afin que ces utopies minables, vous montrent le chemin.