«
- Salut
- Salut, ça va?
- Ouais et toi? On dirait que le temps se met au doux. Le printemps
va pas tarder à rappliquer, on dirait. Les sureaux ont déjà des petites
feuilles.
- Et moi j'ai vu depuis longtemps des fleurs sur les amandiers, plus
bas dans la plaine. Mais dans ce pays on ne sait jamais, le climat est
si changeant. Il faudrait pas qu'il nous pète une gelée tardive.
- C'est vrai que ça peut arriver, je me rappelle, il y a quelques
années, il avait même gelé au mois de mai, tout avait cramé. Pauvres
fruitiers.
- Je m'en rappelle, c'était dur. Pourtant juste avant, Il avait fait de
si belles journées en janvier, on avait même mangé dehors en
chemisette.
- Les chèvres vont bien ?
- Ouais! Les mise-bas ont commencé et il y a déjà six petits chevreaux.
Ils sont costauds et dégourdis.
- C'est normal, tes chèvres sont toujours dehors, elles bouffent toute
la journée. Des glands par ci, des châtaignes par là, les feuilles
sèches, l'herbe à volonté.
- Je les complémente presque pas, juste un peu de grain deux mois avant
les mises bas. Il paraît qu'elles stockent les minéraux qu'il leur
faut, deux mois avant leur transformation et leur assimilation totale.
- Ce que c'est que la techeunique quand même ! Elles font leur stock et
le rendent juste au bon moment pour le début de la saison du lait,
juste après la mise bas.
- Ouais, et c'est là qu'elles en ont le plus besoin, car l'hiver se
fait long, et peut traîner jusqu'à la fin mars, même qu'il peut neiger
en avril. Remarque, j'ai encore du foin, je ne risque rien. S'il fait
mauvais, je peux les garder encore un mois dedans sans problème.
- Tu l'as où ton foin ? T'as des terrains ?
- Non, mais le voisin n’a plus de bêtes, il est à la retraite et il me
refile tous ses prés, ça fait que je n'ai pas de problèmes. J'en
ramasse cinq à six tonnes tous les ans. En plus, c'est du foin de
montagne avec une variété incroyable de fleurs, tu verrais ça !
- C'est pas comme cette fétuque... Il paraît même qu'on en a maintenant
une avec des OGM.
- Je me demande ce qu'ils y ont modifié à cette pauvre plante, déjà
qu'elle était tétraploïde. Sans compter qu'on part peut être d'une
chimère. C'est sûr qu'elles vont aimer ça les chèvres, c'est tellement
naturel !
- Ça permet de produire plus, mais ça peut perturber la flore, à force !
- Ça vaut rien, c'est pour le rendement. Une fois, je me suis trouvé en
panne de foin, car j'avais des gouttières et le foin avait pourri, je
suis allé en chercher aux Encauses, tu sais pas qu'ils me l'ont fait
payer.
- ...! Et tu sais pas combien ?
- Non? Mais tu vas nous le dire.
- Soisante centimes le
kilo, faut
pas pousser quand même, et sais-tu ce qui s'est passé ? Et bé, les
chèvres n'en ont pas voulu. Elles ont commencé à faire les
difficiles, vas-y que je te trie par ci, que je te fous ça par terre
par là ! Ça m’éc½urait.
- Elles devaient chercher les fleurs.
- Ouais ! Mais y'en avait pas et heureusement qu'entre temps la neige
avait fondu et que j'ai pu les sortir. Sinon je crois qu'elles auraient
préféré crever de faim. C'est peut être ça la malbouffe ! Faudra que je
pense à inventer une chèvre OGM.
- Ça existe déjà. Il paraît qu'elles pissent des cordes d'araignées à
la place du lait.
- Remarque, ça dépanne toujours, ça ou la luzerne.
- Alors là c'est pas pareil, donne leur de la luzerne et elles te
restent dedans toute la journée. Les putes elles savent ce qui est bon
!
- Il paraît que c'est bon pour la Matière Azotée.
- Ah ! Ouais, tous ces trucs-là ! Je crois que c'est le pois le plus
riche, mais avant que les miennes aient des pois pour le petit
déjeuner, il pleuvra des pépites !
- Surtout qu'il pleut pas souvent par ici, bien qu'il y ait de belles
averses. T'imagines qu'il pleuve des pépites !
- Tu peux toujours attendre, c'est pas comme les subventions. Là on est
vraiment favorisé d'être dans une région défavorisée.
- Ouais, même que tu peux faire la demande tous les ans, t'auras jamais
rien.
- Je me demande quand même si c'est pas tous ces grands électeurs et
tous ces techniciens qui empochent le magot. Il paraît que dans la
profession,
il y a un agriculteur pour onze personnes du tertiaire, comme ils
disent.
- Ah ! Oui. Y'en a même qui font partie du quaternaire, y doit faire
froid par là bas, du coté du Würm. Dans quelle époque glaciaire
vivons-nous mon pauvre !
- Y paraît qu'on fait partie du primaire. Y z'osent pas dire qu'on est
des primates.
- L'homme descend du singe pourtant !
- Et le singe ?
- ...
-
Y descend de l'arbre, patate !
- Ah! Ah ! Ah ! Elle est bien bonne celle-là. Té ! Serge donne nous
trois demis.
- Trois demis, ça roule !
- C'est pas chez toi qu'ils sont le moins cher les demis.
- Moi, chuis là pour me faire des tunes, chuis pas un margi bouseux
comme vous.
- Même que tu pourrais être Formateur si tu le voulais.
- Ah! Tu sais que j'ai passé un concours !
- Ça a bien marché ?
- Ouais, je l'ai eu. On vend le fond de commerce aussi vite qu'on
peut, et on se tire. Y'en a marre de tous ces putains d'agriculteurs et
de viticulteurs. Le pinard, le pinard, ils se plaignent tout le temps.
Ils n'arrêtent pas de foutre des saloperies dans leurs vignes et leur
pinard il est même pas bon.
- C'est la vinification qui cloche, parce que du soleil, y z'en ont.
Ils n'ont pas besoin de chaptaliser comme en Alsace. Il fait toujours
du degré.
- Je comprends pas comment ils font du pinard aussi infect.
- Là, je t'arrête ! Y'en a qui font du bon. Regarde celui de truc et de
machin.
- Truc est un faf. J'aimerais pas bosser pour lui.
- Bah ! C'est pas le mauvais bougre, mais il a des opinions politiques
bien arrêtées et puis, il peut pas sentir les autres.
- C'est vrai qu'il est breton et que c'est pas des cadeaux en général.
- Ah ! Çà non ! Tu l'as dit. Je suis breton.
- Quelle couche ! Il paraît que c'est eux qui boivent le plus en
France.
- Ça m'étonne pas. Ils sont toujours bourrés, même qu'avec le chouchen,
quand ils sont cuits ils tombent en arrière.
- Le coup de barre. Mais avant qu'ils tombent, il en faut.
- Moi je suis corse...
- Ah bon ! T'es pas trop speedé pour un corse. En général ils sont
assez susceptibles les bandanas.
- Ouais, l'affaire se corse. Ils sont bons qu'à nous sortir des mecs
comme Pascualino ou comme Tino. Pourvu que Pascualino ne dure pas aussi
longtemps ! Il serait pas un peu fascho sur les bords ?
- C'est ce qu'on dit. Il paraît même que c'est le seul dans le pays
après qui le Péteur n'en aurait pas. Il doit y avoir une raison.
- Raison d'Etat. On se demande d'où ils les sortent quand même. Ah ! Si
les socialos avaient été moins cons.
- C'est pas qu'ils aient été cons, mais ils se sont mis comme les
autres à gérer le capital; pas plus. Parle-moi d'espoir et de
redistribution et je te mets mon poing sur la gueule...
- Le pouvoir c'est toujours pareil, c'est un truc que personne ne peut
assumer. Y'a trop de gens qui veulent des choses différentes. Y'en a
même qui veulent la lune.
- Ah ! Ah ! Ah ! La lune! Y'a que les chinois pour pas croire un truc
pareil.
- C'est normal y z'ont déjà des faces lunaires.
- Ah ! Si les socialistes avaient voulu. On était tous derrière quand
même !
- y z'ont pas z’osé. Il aurait fallu en mettre quelques-uns en cabane.
La terreur a été la seule période de liberté après la Révolution
Française. Il fallait en terroriser deux ou trois, juste pour rigoler.
La forme aurait voulu qu'on fasse des exemples. Pas la guillotine, mais
un peu de taule, ça pouvait pas leur faire de mal !
- T'as raison d'autant plus qu'ils ne se gênent pas pour porter plainte
contre nous, les salauds. Et tout ce qu'ont trouvé à faire les
socialos, c'est d'enfermer quelques bandits de plus, même qu'ils z'ont
jamais libéralisé le cannabis.
- Là, ils ont été un peu trop loin (ou, pour une fois pas assez !), ils
auraient pu faire ça au moins. A la place, ils ont fait tomber le P.C.,
des fois qu'on serait trop marxistes. Ils nous z'ont parlé de nouveaux
indices, les mêmes qu'avant, mais c'était pas pareil. La croissance, la
production, l'autel du travail, l’hôtel des impôts, des choses vraiment
importantes, quoi ! Le chômage, la lèpre des temps modernes... Qu'est
ce qui faut pas entendre !
- Moi, je crois quand même qui y'en a qui se sont enrichis.
- Enrichis les pauvres ! Ils ne pensent qu'à ça.
- C'est normal, y'a que les sous qui comptent. Comme ça, tu peux te
payer tout ce que tu veux et écraser les autres par la même occasion.
- Moi je dis qu'il y a des limites.
- Y'a pas de limites, il faut faire comme eux.
- Ça doit être fatigant à la fin de ne penser qu'au fric.
- C'est fatigant, mais ça rapporte. C'est ça qui compte.
- Ça doit créer des sikoses, à la fin.
- Moi quand j'y pense, je préfère être fauché parfois.
- Fauché, c'est plus permis ! T'en as pas marre de ta vieille
deux-chiotte
toute déglinguée. T'en as pas marre de ta baraque pourrie avec toutes
tes gouttières et tous tes courants d'air. T’en as pas marre de ta mine
d'insupportable affamé et de tes désirs d'amour insatisfaits.
- Faut bien rêver...
- Faut bien rêver, mais qui c'est qui a toujours les pieds dans la
merde ?
- Il vaut peut être mieux avoir les pieds dans la vraie merde, qu'avoir
la tête remplie de merde intellectuelle.
- Il paraît que ç'est ça qui favorise le fascisme.
- On y va tout droit. Il paraît que ce sera Tzarkon le ministre du
culte du Pénis.
- Ça ne m'étonnerait pas. Té ! Tu sais pas ce qu'ils devraient faire
les viticulteurs pour faire du meilleur pinard ?
- Le pouvoir c'est pas sérieux, c'est comme les épouvantails pour faire
peur aux moineaux. Quand les moineaux sont habitués, ils chient sur les
manches. Les viticulteurs c'est pareil, ils arrêtent pas de toucher des
subventions. Une prime pour l'arrachage, une prime pour la
replantation, vas-y comprendre quelque chose.
- Moi je te dis qu'y en a qui ont compris. La prime peut aller jusqu'à
10000 Euros par hectare. Ça t'éc½ure vite de travailler !
- Oui mais c'est pour l'arrachage définitif. Pour le travail, c'est
quand même pas toi qui cours après.
- Moi, j'ai fait ma prise de conscience y'a pas mal de temps grâce à
Georges et à Henri.
- C'est pas une vie de toujours vouloir gagner plus.
- C'est pas une vie, non ! C'est pas une vie non plus de crever la
dalle et de chercher toujours du boulot.
- Y'en a que ça amuse.
- Ouais, mais pas longtemps. Regarde Truc, il a trouvé la combine, il
fait travailler les autres.
- L'esploitation de l'homme par l'homme, camarade ! Et tu crois que je
vais être d'accord ? Et la ligne du parti qu'est ce que tu en fais ?
- La ligne du parti ? Je me la mets où tu le penses, j'ai toujours été
à la base, camarade.
- Et à la base tu resteras, comme on disait du temps de J.C.
- Y'a que la base de vraiment intègre. Soit parce qu'elle a encore une
morale ou qu'elle ne peut pas faire autrement.
- y'a plus de morale. A ce sujet, regarde Toto, on m'a dit qu'il était
bi.
- Y'a pas que lui que ça touche. C'est pour ça maintenant qu'on ne
parle plus que de M.S.T.
- C'est la mode. Il faut dire qu'on nous tente de plus en plus de
toutes parts.
- Il paraîtrait que c'est un penchant naturel chez l'homme, il y en a
même qui parlent de refoulement de comportements homosexuels. Il paraît
que ce serait dans notre inconscient.
- Refoulement, peut-être ! Mais jusqu'où peut-on aller dans ce sens.
Y'a plus de morale.
- Remarque, en parlant de penchant, moi je préfère les nanas.
- Ça fait vieille France...
- Ça fait Ferreux...
- Ça fait Aragoneux...
- T'es plus dans le coup, maintenant si t'as pas chopé une chaude
pisse, t'es pas un homme.
- Les hommes, parlons en...
- Maintenant si t'as pas baisé une fois dans ta vie avec un mec, t'es
pas normal. Il paraît que c'est les siquiâtres qui décident de nos
refoulements.
- Pourtant les femmes sont si belles !
- Surtout les nôtres, y'a pas plus libérées.
- Y'a pas plus coincé qu'une bourgeoise.
- Y'en a quand même de moches...
- C'est pas leur faute, les pôvres. Il vaut mieux être moche et libérée
que belle et innocente.
- Y'en a qui sont belles et libérées.
- Ouais, mais y'a trop de mecs derrière. T'as vu comment t'es bâti ?
- Moi, je plais à toutes.
- Touche pas au grisby ! Té ! Tu sais pas ce qu'ils devraient faire les
viticulteurs ?
- Tu nous emmerdes avec tes viticulteurs, ils z’en ont rien à foutre de
toi !
- Ouais, mais c'est là où je vis; alors moi, à leur place, je foutrais
une poutre de chêne dans la citerne.
- Ça, ça parait pas con !
- Tu crois que je connais pas leurs combines, ça se fait pour
l'Armagnac depuis déjà pas mal de temps.
- C'est vraiment pas con. Comme quoi on en apprend tous les jours. Té !
Serge, file nous un demi.
- S'il en arrive encore deux ou trois, ça va commencer à bastonner et
on va tous encore remonter bourrés.
- Tiens voilà Mike qui s’amène.
- Tiens Serge, files- moi un demi. Salut les mecques, comment ça va ?
- Ça va et toi ?
- Ça va; Tiens il paraît que tu es allé en Inde.
- Oui.
- T'en as de la chance. Alors c'est comment ?
- Pas mal, ça change un peu du coin. Les gens nous ressemblent pas trop
et puis, ils sont assez nombreux dans la rue. Tu te croirais sans arrêt
dans une manif, tellement t'es cerné de toutes parts. C'est la chose la
plus incroyable. A part ça, ils ne vivent pas tout à fait pareil que
nous, bien qu'on déteigne déjà dans certains coins...
- (...) »
D'ailleurs, je vais de ce pas, toucher deux mots de tout ça
à ma psy préférée.
Oui madame, pourquoi était-ce donc à nous, de créer sans arrêt
l'événement, à nous de servir régulièrement de clown ? Nous n'étions
pourtant pas que des marchands de bonheur ! La vie nous angoisse de la
même façon qu'elle doit vous angoisser aussi de temps à autre. Si on
considère par exemple, la différence qu'il peut y avoir entre les gens,
entre les peuples, entre les sociétés ou encore entre la vision
purement intellectuelle d'un objet et la pratique de la vie courante
autour de cet objet, c'est un vrai abîme.
A ce titre, madame, votre
idéal psycho logique dans sa tentative d'explication formelle de tous
les phénomènes sociaux est parfois détestable (pourquoi n'avons-nous
donc jamais rien lu de notre coté qui ressemble à ce que nous observons
vraiment ici sur le terrain ?).
L'univers de Pagnol et l'univers de
Sartre.
La sagaie et la télé.
L’existence n'est-elle en fait pour vous, qu'un problème purement
idéologique ? Mais, ne vaut-il pas mieux au contraire, vivre une belle
insuffisance campagnarde plutôt que votre longue décadence citadine ?
Ne plus rien essayer pour comprendre ce monde ? Se limiter à être un
marchand de soupe, un paysan ou un vagabond plutôt qu’un intellectuel
casanier ?
On sort des sentiers battus et hop ! Ça y est, plus un seul
touriste de la pensée, plus un seul individu capable d'affronter
ailleurs que dans son propre salon, cet inconnu, cette angoisse
possible de l’ailleurs. Tout se fait maintenant par procuration
médiatique. Sur quel plan moral ou plutôt à quel niveau mental se
placent donc les psy ? De plus en plus, ils nous donnent l'impression
d'avoir accepté leur propre folie (et en même temps, leur propre
solitude) mais surtout ce dont nous nous sommes aujourd’hui persuadés,
c’est que la simplicité de la vie de tous les jours ne les concernent
plus (quand on se déplace ici ou là, il faut dorénavant que la réalité
corresponde à ce que l’on a vu à la télé ou lu dans des journaux, sinon
on a un vrai problème de tête qui s'annonce (et alors pensent certains,
il vaut mieux ne pas aller voir)).
De notre coté, (même si nous nous considérons essentiellement comme
étant de simples visionnaires (mais pas des fous pour autant !)), nous
savons depuis longtemps que les valeurs basiques que vous défendez avec
autant d’acharnement thérapeutique, participent toutes d'un effort et
d’un souffle commun et ceci, depuis l'aube de l’humanité. Nous savons
aussi, que cela a été et reste vrai dans tout type de civilisation et
dans tout type de système (ce n’est pas moi tout de même qui ai inventé
Mathusalem !).
Mais en défendant avec autant d'obstination une société
génétiquement basée sur le confort, pour qu'elle vieillisse au mieux
(tandis que nous sommes nous-mêmes au contraire, les précurseurs de
notre future génétique « sauvage »), vous ne vous garantissez en rien
de quoi que ce soit. De plus, cet indécent entêtement "in vitro" à
reproduire des images, alors que le Système montre par ailleurs des
défaillances terribles, est révélateur du peu de réalisme qui porte vos
ardeurs. Vous puisez simplement
dans l'absurdité du clonage procréatif une source vaine d'immortalité.
Utopie des utopies. Cercle vicieux de votre ronde, devenue orpheline de
sens. Serpent ancestral se mordant la queue le leu.
Oui Madame, les logiques sociétales auxquelles vous avez trop
hâtivement adhéré, sont en train d’évoluer de manière définitive et
ceci dans un sens que vous n'aurez pas produit ! Quand accepterez-vous
donc de dire aux autres que vous vous êtes trompée ? Quand
accepterez-vous enfin de voir dans les « légers inconvénients
psychologiques » de certains, des voies de développement à privilégier
? Vous n'êtes ma chère, en aucun cas, détentrice (propriétaire) d'une
vision positiviste universelle !
Nous ne contestons pas d’ailleurs ici
votre labeur auprès de gens que vous avez vous-même peut-être contribué
un jour à rendre fous (que votre Système a contribué à rendre fous),
mais nous vous demandons simplement de considérer de nouvelles
positions : les nôtres.
Tout d’abord, nous ne voulons pas de la société hyper analytique de
type germanique dont vous nous concoctez les atours au fond de vos
cabinets. Une forme
de vivre ensemble en pleine dérive sécuritaire qui élabore des logiques
racistes sur la base de réactions binaires (le bien ou le mal) et/ou
psychotiques (la schizophrénie). Après la longue errance qu'a été la
leur, les allemands eux-mêmes, commencent à en revenir peu à peu.
Ensuite, nous ne voulons plus du monde que vous cherchez à nous imposer
petit à petit à travers les médias, un monde qui pour nous, ne
sédimente dans les esprits de chacun que des conceptions
hyper-conservatrices de la réalité. Des conceptions de vie qui se
limitent simplement à promouvoir, chaque jour un peu plus, les
tendances les plus dures en un mot, les tendances les plus
réactionnaires.
D'ailleurs à ce titre, ce qu'il y a d'extraordinaire
dans votre putain de monde tordu, c'est de penser que les sociétés
occidentales génèrent médiatiquement leurs propres monstres sacrés
(Hitler, Saddam, etc.) et que par la suite, elles nous demandent, au
nom d’une morale indécente, de les combattre de toutes nos forces. Tout
ceci bien sûr, uniquement en fonction de la très haute idée qu'elles se
font elles-mêmes, de leur propre réalité. Comme si la « Pensée Unique
Contemporaine Elémentaire» (La PUCE) qui les préoccupe, représentait le
summum de la compréhension et de l'explication du monde. On crée des
fauves, on les libère par-ci par-là au sein des masses confuses et plus
tard, on cherche à s'en défaire à tout prix. Quelles sortes d’angoisses
subjectives vous habitent-elles donc, pour que vous ayez de tels
fantasmes qui remontent aussi régulièrement à la surface ?
Avant qu’il ne soit trop tard, réalisez Madame, votre erreur historique
et surtout, pensez qu’à la marge de vos différents types d’angoisses,
d'autres que vous sont à même de définir les voies de l'avenir (et ceci
même de manière inconsciente). Songez aussi que l'image la plus forte
de ce refus, ce sont les allemands eux-mêmes qui l'ont donnée, lors des
anciens procès de « terroristes » présumés. Pour cette simple raison
(vous nous faites vraiment chier à la fin, avec vos balivernes !), nous
nous permettons de vous dire ici que les principes et que la morale que
vous cherchez à incarner au plus haut niveau, ne sont respectables que
dans la limite de leurs attributions. Et, a contrario de ce que vous
imaginez peut-être, ce n'est pas ici, une idée de la mort qui nous
habite, mais une idée de la survie des minorités. C'est simplement
parce que la vie s'échappe lentement de notre corps psychique que nous
cherchons à idéaliser ailleurs que dans les villes, notre propre
rapport à l'espace. A le sacraliser différemment...
Pourtant, il y a déjà fort longtemps et afin de vérifier l'erreur ou
l'impasse dans laquelle vous vous trouviez alors, de grand penseurs
vous avaient conseillé d'aller faire un petit tour sous les tropiques.
Ils vous y avaient poussé afin que vous admettiez définitivement la
notion de biodiversité. Et c'est pourtant nous qui pour pouvoir en
parler,
sommes obligés d'y aller à votre place, d’y aller à nos risques et
périls, parce que vous n’osez pas vous-même faire ce type de voyage au
c½ur de l'inconnu ! D’y aller avec nos petits budgets et nos vaines
chimères. Si vous connaissiez cette réalité, vous réagiriez
intellectuellement en tant que personnes humaines, c'est à dire
humainement, aux difficultés matérielles ou existentielles des autres.
Mais, vous vous êtes désormais murée au sommet de votre psychodrame (de
votre « psychodrome » ?) et pour rien au monde vous n'en redescendriez.
Auriez-vous donc oublié votre condition de simple mortelle !
Les symboles démodés dont vous défendez, madame, avec autant de
détermination, les aspects les plus prosaïques, ne sont cependant pas
éternels (qu'est ce qu'un totem pour vous, l’idée passéiste que papa
Freud s’en faisait ?), certains participent déjà des mythes anciens et
chaque génération a le droit et a le devoir d'élaborer son propre
symbolisme (chaque génération doit avoir le pouvoir de produire sa
propre symbolique (ici, dans notre monde, l'écologie produit déjà ses
propres valeurs et ses propres symboles (la Loire, le nucléaire, la
protection des espèces, etc.))). Il peut donc y avoir confusion et même
contradiction autour de la notion même de symbole.
A ce titre, vous
n'êtes dans ce domaine de définition, détentrice d’aucun pouvoir absolu
ni d’ailleurs d’aucun savoir absolu, car ainsi que les êtres meurent et
naissent cycliquement, vos critères font partie de la grande roue et
les clivages sociaux qu'ils tendent à définir actuellement peuvent être
interprétés différemment, suivant l'appréhension que l'on a des
problèmes ou suivant la place d'où l’on observe les événements. Dans ce
sens par exemple, la notion de misère n'a pas du tout la même valeur
pour tout le monde et partout dans le monde, c'est à dire que cette
dernière n'est pas une valeur absolue de référence (suivant par exemple
qu'on la regarde de l'extérieur ou qu'on la vive de l'intérieur).
Pourtant, l’idéologie ambiante que vous maintenez à coup d’anathèmes
poussiéreux, surfe encore sur cette bêtise insane qu'avec les biens de
consommation courants et du travail, on résout tous les problèmes
humains. Vous ne voyez maintenant ou imaginez la misère des autres que
par le truchement de vos médias bien portants ou obèses. De plus, cette
réalité est faussée par le miroir déformant de vos pseudo connaissances
scientifiques. Bientôt nous irons peut-être en prison pour avoir brûlé
un feu rouge. - C½urs impurs et traumatisés - Au point où nous en
sommes, voulez-vous que je stigmatise à mon tour, votre propre misère
(matérialiste, collectiviste, sexiste, relationnellistique,
économistique, culturalistique, etceteraïstique) ?
Si vous ne vous êtes pas encore rendu compte de tout cela, sortez donc
un peu de votre bureau, ce n'est pas la presse qui vous informera...
Car de fait, l’étroitesse d'esprit qui vous habite, mène droit au vide
intellectuel et le néant devant lequel vous vous trouvez est maintenant
insondable. Il nous laisse définitivement inconsolable de ne pouvoir
changer quoi que ce soit à l'intérieur de votre c½ur aigri. Les limites
que vous nous avez momentanément imposées ou que vous nous imposez
encore tous les jours, révèlent simplement les frontières qui vous
habitent, des frontières bétonnées qui ne sont faites que pour protéger
l’organisation de vos petits soucis journaliers et matériels,
l’organisation de vos petits projets de luxe.
Parallèlement à vos nombreux émois, nous avons opté pour des solutions
qui vous sembleront toujours plus étrangères, tellement les conceptions
et les idéaux qui nous habitent sont maintenant éloignés de votre
quotidien. Vous nous privez de quelque chose, uniquement par souci de
préserver votre réalité, mais cette réalité est devenue banale.
Loin de
vous, nous avons connu une vie qui a toujours voulu se libérer de votre
conditionnement matériel. Votre salaire mensuel ou celui que vous offre
l'état sur les impôts de la communauté, représente le salaire annuel ou
bisannuel d'une personne en Inde ou ailleurs dans le monde
(en pouvoir d'achat, certainement beaucoup plus). Les chemisiers dont
vous changez chaque jour la couleur, feraient ici le bonheur d'une vie.
Combien de temps aurons-nous perdu à vous convaincre de tout cela ?
Plusieurs années qui auront correspondu à l'avènement et à la mise en
place des courants d'anticulture et d'anticonformisme les plus variés.
La clef de voûte de votre appareil sanitaire, cette psychiatrie
délirante dont vos analystes-mâtons ont sans cesse réaménagée les
atours (et les alentours !), vous a sans arrêt empêché de considérer
correctement ce nouvel aspect des problèmes relationnels.
Ceci étant,
nous pensons simplement que vous avez été continuellement débordée par
le flot des idées. Il est vrai que nous ne vous avons jamais laissé le
moindre répit et que dans le fond, vous nous l'avez bien rendu. Mais le
simple fait de se demander tout à coup, « à quoi pouvait bien
correspondre la réalité ? », comme l'ont fait un jour les
constructivistes, a rendu votre discours lacanien définitivement
obsolète, tant il est vrai que l’avenir n'est plus aujourd’hui, comme
vous semblez encore le penser, dans le cerveau des masses, il est déjà
depuis bien longtemps, simplement dans le cerveau des utopistes.
Notre univers poétique sera désormais de plus en plus éloigné de votre
métaphysique rationnelle qui éjacule sans arrêt de nouveaux codes de
conduite, des codes de conduite toujours plus restrictifs. Vos
technocraties conquérantes nous ont laissé de marbre, car elles n’ont
jamais intégré le rôle de la nature dans leurs finalités dynamiques.
Dans ce sens, la vue d'une fleur ne doit pas contenter votre c½ur comme
elle enchante le nôtre: il vous faut de la rose hybridée n° tant, il
nous suffit d'une pâquerette car pour nous, le monde entier est cette
pâquerette. Le narcisse qui vous habite en est resté un jour baba, à
regarder dans son miroir les rides qui avancent.
Ici pourtant, chez
nous, toutes les religions et tous les idéaux se fondent au fur et à
mesure qu'ils se côtoient, dans le creuset millénaire de la simplicité.
Quelle leçon de choses, face à vos savoirs désorientés et à vos
idéologies moribondes !