Comme tu le vois, ma chère poétesse citadine, cette maison qui fleurait
si
bon le passé, correspondait bien à l'asile parfait de nos recherches.
Mais reprenons au plus vite sa construction.
Tel le forgeant devenu forgeron, le marginal devint maçon, charpentier,
couvreur, carreleur, plombier, électricien, architecte, mécanicien,
agriculteur, éleveur, bûcheron (c'est en bûchant qu'on devient
bûcheron), écrivain (c’est en lisant qu’on devient liseron), etc. Une
polyvalence extraordinaire dont les connaissances se limitait, là où
commençait vraiment la spécialisation de chacun des corps de métiers.
C'était cependant une manière assez intéressante pour se valoriser et
les connaisseurs, tout en mesurant les limites du savoir, étaient bien
obligés de nous reconnaître une certaine envie de faire. Et puis, entre
nous, il faut bien passer son temps à faire quelque chose.
Petit à petit, la baraque se transforma de fond en comble.
Les chapes vinrent remplacer les planchers défaillants, les parquets
neufs remplacèrent les vieilles planches de bateaux, les carrelages
remplacèrent le gris des chapes, les murs ventrus et penchés se
redressèrent. Nous nous arrêterons un petit moment sur le toit
d'ardoises bleues, et, pour la hardiesse de sa réalisation, nous
compterons une canette de bière par ardoise posée. Ainsi, les
ethnologues futurs recherchant dans deux cent ans ou plus, la trace du
génie de l'homo-marginalicus (ex-marginalocalibus), et découvrant au
hasard des fouilles un nombre incalculable de canettes de « Kronenbourg
» enfouies sous les décombres d'un ancien toit de lauses, se feront-ils
une idée plus exacte des m½urs de ceux qu'ils considéreront peut être à
juste titre, comme les néandertaliens de l'écologie appliquée.
Nous-mêmes, nous avons retrouvé de vieux tessons de bouteille et dans
certains crépis, d'anciennes pièces de monnaie datant du XVI e siècle.
Jeu de hasard induit par les maçons ou présence historique avérée ?
Posons-nous la question ? Nous répondrons qu’ici la présence humaine
est attestée depuis le Haut Moyen Age, par la cession de terrain de la
part des « saigneurs » du crû Minervois.
De plus, nos propres sources historiques font remonter dans la région
la présence humaine bien avant 1062. Cela ne veut pas dire que la
maison fut construite à cette époque-là, ni d’ailleurs que ce lieu-dit
ait été déjà habité.
Toutefois, on doit pouvoir faire remonter sa
construction à cinq ou six cent ans. Ce qui dans le fond, n'est déjà
pas si mal pour un abri de fortune et de la même manière que dans un
site historique, l'archéologue joue sur la superposition des cultures
pour savoir combien il y a eu d'erreurs successives, nous pouvons nous
aussi de notre côté, nous amuser à remonter le temps et découvrir dans
la maison, d'après l'emploi des matériaux, le type de construction ou
la reprise des murs, les différents âges de la bâtisse, de même que sa
forme primitive.
Ainsi certains murs sont cimentés à l'argile et à la terre crue et
d'autres, plus récents, à la chaux et au sable pailleté. Tel type de
linteau correspond à une époque précise ainsi que la manière de
construire la cheminée. Si l'évier de marbre est taillé à la boucharde,
nous saurons qu'il n'a pas été posé avant la moitié du 19ème siècle,
sinon s'il est creusé de manière brute dans une lauze rouge il peut
être, dans ce cas-là, très antérieur. Le pavement des rues doit nous
parler d'une époque différente, la manière dont est construit le four
aussi; les pierres en ont été choisies dans des lieux très précis. Ce
sont des pierres réfractaires dont certains anciens connaissaient
encore il y a peu, l'emplacement des gisements.
Nous retrouverons
d'ailleurs, sur la commune, les traces de carrières où la pierre était
taillée sur place puis charroyée à travers toute la commune, à l'aide
de b½ufs attelés ou de chevaux harnachés.
Pour les étapes ultérieures de la construction, nous trouverons à
proximité du hameau des fours à chaux. La vie en ces temps reculés
devait être tout de même intéressante à définir. Nous trouverons aussi,
pas très loin de là, un moulin à eau avec les
vestiges de ses anciennes meules de pierre, taillées un peu plus loin
dans une carrière affectée à ce rôle. Il y a dans ce moulin un
mécanisme d'utilisation de la pression d'eau stockée dans des bassins
surélevés. Même par ici, la technique arrivait...
L'interdépendance devait être, à tout les instant, terriblement
présente et, dans cette quasi autarcie, les rapports humains étaient
certainement très forts.
Pendant qu’ils se fatiguaient les reins à
construire leurs propres cathédrales, ces murettes grises grimpant le
long des pentes abruptes, jusqu'en haut des bannières ventées, des
murettes jetées là, comme d'inamovibles drapeaux de pierres à la face
de dieu, vers des cieux devenant chaque jour plus inaccessibles et plus
silencieux; dans cette soumission désespérante à l’effort, dans cette
création de futurs enchantements inanimés, que pensaient donc les
hommes de la (leur) vie ? Comment ont-ils créé leur "Pays", leur « Réel
» ? De quelles informations ont-ils disposé pour produire leurs propres
représentations. Quels ont été les critères objectifs qui leur ont
permis de mettre en place leur propre Système de cohabitation et leur
propre Système de pensée ? En un mot, à quoi ressemblait par rapport à
aujourd’hui, leur communication et leur vie de groupe ?
La richesse de notre imagination peut, si on porte son regard sur ce
qui caractérise les activités humaines dans différents types de
systèmes, (ici, l’ancienne activité agraire d’une part et l’activité
agricole actuelle d’autre part), nous permettre de commencer à donner
une réponse ambiguë à cette problématique complexe qu’est l’approche
systémique. Pour nous, les nouveaux annalistes, il y a tout d'abord,
une correspondance historique étroite entre l'importance (la taille)
des supports productifs et les dynamiques sociétales autour d'un
Système de Production donné.
Pour argumenter ce débat, c'est à dire
pour expliquer les réalités locales et les mutations qui ont eu lieu au
sein de cet espace rural aujourd’hui en voie d’abandon, notre recherche
des correspondances s'appuiera donc, sur la démonstration du rôle du
parcellaire dans les échanges au sein et entre deux Systèmes de
production :
- Le Système de type Agro/Pastoral ((le
SAP), le SIII, page41) qui eut
son apogée à l’époque Médiévale et que l’on peut voir tout au long de
sa durée de vie comme une sorte de « Nouvel Espace de Liberté Locale
Intégré » (NELLI), un espace que découvraient les hommes et qu’ils
mettaient quotidiennement en valeur. C’est un Système dont le modèle a
perduré très tard dans certaines zones géographiques et qui a rempli
partout les campagnes d'une vie incroyable. Une espèce de matrice
générationnelle en quelque sorte, vouée à l’acclimatation locale des
espèces végétales cultivées et animales. Dans ce cadre, la survie de ce
Système dépendait avant tout de la réussite de l’activité agricole.
C’est cette forme d’adaptation qui a donné petit à petit les
caractéristiques des différents terroirs, une extraordinaire diversité
de terroirs que nous identifierons d’une manière plus large comme étant
plutôt des « Sous-Systèmes Agraires » de l’ancien Système Agro/Pastoral
global. Ces Sous-Systèmes sont eux-mêmes localement identifiables à
partir d’un certain nombre de variables. Par exemple dans tout le
Piémont méditerranéen existait le Sous-système Agraire de type «
Cévenol ».
- Le Sous-système Agricole (SSA) actuel
qui sera vu comme un espace de
contraintes (un espace de production) et dont l’évolution est fortement
liée à la réussite du Système Industriel Minier (Le SIM, (Le SIV de la
page 41)) global. Ici, la survie de l’espèce se joue ailleurs que dans
le pré. Cette survie se joue plutôt, dans le parcellaire très étroit
des zones industrielles et dans le péri urbain (le rurbain). Mais même
si ce type de Système ne s’est jamais vraiment imposé dans notre petit
coin de nature et ceci, pour des raisons que nous n’exposerons pas plus
longuement ici, on peut dire qu’il a vidé un peu partout les zones
rurales de leur véritable sens historique (Voir la carte et les
statistiques, pages 89-90). Pour nous,
depuis le début de la Révolution Industrielle, la mise en ½uvre de la
matrice cadastrale autour de l’ancien parcellaire équivaut de fait à
une privatisation constante de l’espace. Pour nous aussi, cette
privatisation borne définitivement, à l’aube du 19ème siècle, le sens
historique du projet rural (voir dans le SIII de la page 41 la zone
d’incertitude relative d’un système englobé).
Pour poursuivre cet exposé, nous dirons qu’avant le début effectif de
l'exode rural, la taille des parcelles était en général très petite car
les gens n’y vivaient que d’une activité agraire pratiquement non
mécanisée. De fait, l'espace vital était distribué entre deux types de
territoires distincts : « le Saltus » que se partageaient de manière
extensive l’homme, les animaux domestiques et les animaux sauvages et «
l’Ager » que cultivaient entre eux les hommes.
De nombreux habitants
s’éreintaient donc, de nuit comme de jour, à mettre en valeur une
partie de cet ensemble naturel, un ensemble depuis toujours resté
relativement « sauvage » (voir le modèle dynamique de la page 89). Dans
le parcellaire médiéval regroupé où l'homme avait encore peu mécanisé
son action envers la nature, on peut imaginer dès lors qu'il y avait
localement sur cet « Ager », beaucoup plus de communication directe
entre les gens qu'aujourd'hui (plus d'interdépendance réelle) car la
taille des parcelles et des « supports d’exploitations » était
nécessairement à la mesure de ceux qui quotidiennement les exploitaient
à la main. Dans ces lieux, isolés, les gens étaient donc physiquement
très proches les uns des autres.
On peut penser aussi que, décalée d'un
ailleurs rapidement vérifiable, cette promiscuité créait inévitablement
des points de rencontres et des frottements perpétuels, des tensions,
des dynamiques de développement, etc., vecteurs de sens et de réel bien
adaptés aux situations locales (créant cette adaptation, la générant
même (races locales, variétés de plantes cultivées, produits du
terroir, etc.).
Si on suit cette idée, on peut même concevoir que les principales
décisions du « Sujet Local » et les choix sociétaux qui s’en suivaient,
dépendaient avant tout du nombre d'individus capables de se mettre
d'accord sur un thème de réflexion donné ou sur la perspicacité d'une
information qui leur arrivait d‘ailleurs. De plus, peu de médias
permettaient alors une diffusion large et rapide des nouveautés, ce qui
avait pour effet d'en limiter la portée (de retarder l'Histoire), tout
en laissant aux gens le temps d'en adapter les usages. Dans le cadre
étroit de ces différentes formes de déterminismes, il est intéressant
tout d'abord de se poser une question sur la validité de l'information
transmise (colportée) lors de ces processus d’élaboration identitaires
et par delà, la question essentielle de la valeur historique d'un point
de vue construit.
A partir de cette interrogation lourde de sens : « Suis-je vraiment fou
de vouloir me construire une identité à partir des ressources locales ?
» et malgré (ou à cause de ?) la présence de nombreux Facteurs
Limitants (comme par exemple : la rigueur du climat, la nature plus ou
moins accidentée des terrains, etc.), on peut dire que cette volonté
d’adaptation locale des individus à un environnement donné, a généré (a
différencié ?) au fil du temps et dans toute zone géographiquement
distincte, un système de production (de survie) nettement identifiable.
Par exemple dans les Cévennes, « le Système Agraire de type Cévenol »
(le SAC). Un Système lui-même basé sur l’intensification de quelques
productions bien adaptées comme le Châtaignier, la Chèvre, etc.,
productions auxquelles il faut ajouter celles plus ou moins bien
adaptées du système agraire global (une polyculture et un polyélevage
extraordinairement diversifié qui permettaient en toutes circonstances
la survie primaire des populations présentes mais aussi, leur
développement différencié).
Aujourd'hui par contre, là où l'évolution historique des méthodes
culturales a pu s'exprimer grâce à la mécanisation (grâce à
l’industrialisation), la taille des parcelles et des exploitations
est devenue beaucoup plus grande qu’auparavant. Mais parallèlement,
l’ancienne communication de groupe qui existait dans le système
antérieur, est maintenant devenue quasi-nulle. Elle s’est déplacée
ailleurs vers les usines, les bureaux et par delà vers les villes. De
fait, on peut même dire que l’agriculture est devenue, là où elle a pu
muter, un simple Sous-Système de Production Intégré (SPI) au Système
Industriel Dominant Actif (SIDA).
Mais, dans cet univers rural en train
de se vider ou de se désertifier à tel point que par endroit seuls n’y
survivent plus que quelques tristes rescapés du système antérieur,
l'individu se retrouve maintenant très isolé et même solitaire car il
occupe, sans trop de frictions, un espace beaucoup plus important
qu'antérieurement.
On peut dès lors supposer que pour dépasser les nouveaux types de
contraintes psychiques que suppose un tel isolement, le producteur «
lambda » se sert des nouvelles formes de communications artificielles
que le Système de Production Actif (SPA) met à sa disposition, on veut
parler ici par exemple, de la radio, de la télé, de l’Internet, etc.,
(des mass média en général). Toutefois, dans son ultime tentative
d’adaptation agraire, la vérification de l'information globale lui
reste tout aussi impossible à réaliser qu’elle ne l’était pour son
prédécesseur… Pire ! On en arrive même à penser ici, qu'à l'inverse de
l'homme médiéval qui lui par le passé, adaptait à long terme son
comportement en fonctions des aléas, c'est aujourd’hui une sorte
d'abstraction du réel qui guide notre agro vers une forme insensée de
développement intemporel idéalisé. Une forme globale de développement
qui cherche à s’imposer un peu partout de la même manière et qui est
elle-même créatrice d'un réel décalé du local, puisque incapable de
s'adapter à la (bio)diversité de toutes les situations géophysiques (Et
encore moins très certainement, à celles de notre arrière pays).
Dans cette situation ambiguë (une situation qui hélas, nous montre trop
rapidement les limites historiques de chacun des systèmes ou sous
systèmes que l’Homme met en place au fil du temps) et pour mieux situer
les limites réelles de ces deux types de Systèmes (pour mieux les
identifier complètement), on se demandera ici :
- d'une part, si la communication
directe dans l'ancienne formule
agraire, entre les différents acteurs locaux, manipulait plus l'opinion
que ne la manipulent actuellement les mass médias modernes.
- d'autre part, vers quel type de folie (de déterminisme) peut aller un
individu isolé dans un groupe social médiatisé à l'extrême ? (ceci sans
vouloir réengager ici, un débat stérile sur la validité du traitement
des informations et de l’impact de ces dernières, quant à la prise de
décision créatrice de réel).
Sachant que la vie n’a été le plus souvent, que le produit d'une forme
de déterminisme local (et de la qualité de ce déterminisme), on peut
dès lors dans un deuxième temps, chercher à savoir, comment dans les
différents cas de figures, se réalise historiquement l'équilibre mental
des sociétés ainsi que la mise en ½uvre des décisions quotidiennes,
entre une information locale douteuse et une information globale
abstraite (peut'ête ben que c'est ça qui amène la guerre !).
L'information n’est-elle que le vecteur de la foi où forge-t-elle la
croyance en l'adaptant à un contexte ? Dans ce sens, peut-on aller
jusqu'à penser que l'Histoire des lieux ("le Pays") n'est faite que
d'erreurs ou de malentendus successifs (de connivences sur des
malentendus ?) ou encore qu'elle ne se construit qu’à partir de
croyances diffuses invérifiables ou plus ou moins bien (mal)
interprétées (digérées) ?
A partir de cette idée folle d’une l'Histoire qui ne serait en fait que
le produit réel des incertitudes passées et des erreurs successive,
imaginons donc ce paysage médiéval dans le contexte agraire concret de
l'arrière-pays languedocien (la Société Cévenole). Les villages et les
hameaux plus nombreux qu'à l'heure actuelle y sont reliés par un tissu
de communication (de relations) différent et beaucoup plus dense.
L'habitat
peut y être groupé ou disséminé suivant les régions, mais la vie rurale
y est présente dans le moindre fond de vallée et sur le moindre coteau
ce qui, par rapport au paysage actuel, donne une image disons, plus
civilisée (plus cultivée).
Nulle partie de cet arrière-pays n'est en friche. Le moindre recoin y
est travaillé ou pâturé et là où ne va pas le cheval ou le mulet
attaché à son araire, l'homme s'y rend à pied avec son "bigos" à la
main, pour arracher à la terre le peu de subsistance qu’elle va lui
donner. C'est un pays aux maigres ressources, du moins sur le flanc des
montagnes. C'est un pays balayé par les vents qui sèchent rapidement la
terre. Le labeur y est dur, le rendement dérisoire par rapport à
l'effort. Nulle mécanisation ou presque aucune, ne vient soulager
l'Homme...
C'est dans ce contexte précis que vont se forger de nouvelles croyances
déphasées de l'ailleurs et c'est dans cet arrière pays que vont
s'élaborer de nouvelles mystiques. Sont-elles nées de l'isolement local
ou sont-elles le fruit de mouvances diffuses déjà plus largement
interconnectées: Romans, Cathares, Templiers, Occitanie en marche, etc.
? De quelles nécessités vitales sont issues ces croyances ? Ne
sont-elles en fait que le produit d'un rejet social instantané
(instinctif) de l’ailleurs ou sont-elles déjà l'expression d'autres
types de valeurs ? Quels nouveaux besoins ont donc poussé les hommes de
cette région à élaborer momentanément une gnose si différente des
croyances en place ? A-t-on le droit de mettre en perspective ce qui
est arrivé et ce qui aurait pu arriver ou ce qui pourrait arriver ? De
choisir un scénario ? De prévoir son « Système » ? Pour aller au bout
de cette idée ; a-t-on le droit de faire un parallèle avec ce qui se
passe actuellement entre les mouvements écologistes et le développement
de la société dite industrielle ?
Sans reprendre en détail ni l'étude de Montaillou, ni d’ailleurs les
très nombreux apports de l’équipe à Duby, (ce qui n’aurait ici que peu
d’intérêt dans notre problématique systémique), on retrouve bien
l'itinéraire et la forme des concepts qui guident désormais notre
démarche hasardeuse. Il nous est même facile, ne serait ce que par
transposition ou par simple connaissance des dernières visions de ce
monde ancien, d'imaginer un peu la vie de nos ancêtres, dans ces
maisons obscures et sur ces vastes étendues champêtres devenues
aujourd'hui désertiques de sens.
Mais plutôt que d’essayer d’en décrire
l’objet en vue d’explications formelles, nous en retirerons de
préférence une considération esthétique ou plutôt culturelle dont le
premier point sera de nature anthropomorphologique: l'Homme des temps
jadis était plus petit qu'à l'heure actuelle, car vu la hauteur des
plafonds, des portes et des placards, on ne peut que s'en apercevoir.
A
partir de là, Il n’est pas inintéressant, de se demander ici, si le
rehaussement entier des villages vers la moitié du 19ème siècle,
correspond à une anticipation de l'augmentation future de la taille de
ses habitants, ou bien s’il correspond à un secret espoir de voir
perdurer tout au long du siècle suivant les anciennes dynamiques
sociétales encore en ½uvre sur cette portion de territoire. Dans ce
cas, nous pourrions dire et cette fois ci avec sécurité, que ces
derniers, se seraient lourdement trompés sur leur proche avenir.
(!)(!)(!)
(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(!)(.)
Pourquoi Cévenol s’est-il alors entêté à vouloir rehausser ses maisons
d’un étage ? Pensait-il grandir encore un peu ou le faisait-il plutôt
pour une cause démographique ? Pour ce qui est de la taille c’est peu
probable, sauf à penser qu’il en avait vraiment marre d’avoir un
plafond aussi bas ! Pour ce qui est du nombre c’est plus problématique
car dès 1830, la courbe des populations commence déjà à fléchir assez
rapidement. A notre avis, il a simplement adapté à contretemps (à
contresens) les nouvelles techniques disponibles autour de la
maçonnerie en croyant bêtement que son ancien système était éternel et
qu’il le protégerait encore pendant très longtemps d’un ailleurs
incertain. Rien cependant à partir de cette époque-là n’empêchera plus
le mouvement enclenché lors de la Révolution Française de se réaliser.
Et cet exode massif, un exode que l'on peut qualifier dès lors de
sociologique, s'accentuera encore un peu plus, lorsqu’au début du 20ème
siècle, notre rat des champs entre apercevra véritablement son erreur
historique. Dès lors, tout ira beaucoup plus vite que prévu (Est-on
dans le basculement montré sur le schéma de la page 41, entre le
Système n° III et le Système n°IV (le SIII et le SIV), au niveau du
point d’indéterminisme maximal d’un système ?)
Nous tenons là, le début de nos trains de fantômes futurs, le début de
cette extraordinaire hébétude historique qui aura poussé les hommes
vers la ville (qui les aura poussé à changer de Système). Ces hommes
qui auront abandonné les nids d'hirondelles pour aller se vautrer dans
la boue des porcheries industrielles, pour finalement aller bouffer
ailleurs des aliments qui sentent de plus en plus la merde. Mais si !
Vous voyez bien que tout ceci recommence à avoir un arrière-goût de
merde !
Le deuxième point de cette considération est d'ordre plus mystique. Ces
hommes-là (et ces femmes par la même occasion), une fois à l'intérieur
de leurs maisons, craignaient soit la lumière, soit le froid. On est
frappé en effet, par l'obscurité des pièces et par l'étroitesse des
ouvertures (l'étroiture des ouvertesses). Vous me direz qu'à cette
époque-là, bien à l'abri de toute contagion citadine, ce n'est pas très
étonnant car on ne connaissait pas vraiment l’utilisation du verre pour
se préserver des courants d’air ! Je vous répondrai, c'est tout à fait
exact ! Et le froid pourrait bien être un facteur décisif, car les
fenêtres n'existaient pas vraiment. D’ailleurs, il ne faut pas remonter
très loin dans l’histoire pour ne trouver que des volets en guise de
paravent (de pare vent). Toutefois, si l'on considère les coins, les
recoins, les placards, les alcôves, les séparations des pièces dont
certaines étaient borgnes, ainsi que le manque de moyen d'éclairage qui
ne favorisaient qu’une maigre clarté, on est troublé disais-je, par
l’ambiance obscure (par la notion d’obscurité) qui régnait dans ces
maisons.
Alors, que de notre côté, nous sommes nous-même en général plutôt
avides de lumière de type californien, (grandes baies, vitres aux
portes, etc.), le Cévenol avait lui voté, depuis le Moyen-Âge et jusque
très tard dans l'Histoire, pour l'obscurité. On peut même dire que sa
maison le préparait peut-être à la noirceur de sa future tombe.
C'est
un point qui pourrait soulever bien des contradictions aux alentours,
mais à l’heure qu’il est, c’est la seule explication rationnelle que
j’ai pu produire.
A l’intérieur de ce concept de vie, nous sommes tout de même là, au
c½ur d’une réelle problématique existentielle : « Peut-on vivre quelque
part, sans tenter d’y définir une esthétique et/ou une croyance
historique équilibrante ? Sans opposer par exemple et au-delà du
système de survie ambiant, une « Esthétique de l’Obscurité » à une «
Esthétique de la Lumière » ? ». Non, on ne peut pas tenir plus d’un
quart d’heure ! Dans ce sens, il vaudrait peut-être mieux qu’on se
mette dès aujourd’hui à définir une esthétique et des croyances
vraiment dignes de ce nom plutôt que de continuer à travestir
l’Histoire à travers une ancienne religion de gueux puant le sacrifice.
C’est ainsi qu’avant de vous proposer une nouvelle religion qui soit
vraiment digne de foi (un nouveau syncrétisme), je voudrais tout
d’abord soutenir, mon point de vue sur les processus de différenciation
locale. J'avancerai donc très rapidement ici, la thèse suivante: "Dans
les vieilles bâtisses (qui un jour ont été neuves) entrelacées des
hameaux retirés du Haut Languedoc, nous sommes là avant tout, à
l'intérieur d'un périmètre représentatif où se sont transmises et où
ont perduré les croyances cathares".
Pour moi, le rapport à l'obscurité est d'ordre rituel en même temps
qu’il est d’ordre métaphysique. En effet, rien de mieux que l'idée du
noir ne prépare l'homme à son éparpillement et à
son anéantissement final. Cet homme qui n'a pas la télé, qui n'a pas la
radio, vit à cette époque-là dans les limbes d'une histoire qui lui
semble éternelle. Depuis le temps qu'il anticipe son avenir, il n'a
d'information qu'orale. Il bâti sa maison bien sûr pour protéger les
siens du climat, des dangers, mais il les prépare aussi depuis
toujours, au passage final. A l'exil de ce monde. Pour lui, ces lieux
où la clarté nous isole de dieu, sont l'½uvre du Malin. Il en tire les
conséquences logiques et se mure dans l'obscurité de la maison. Est-ce
vraiment pour se confondre à jamais dans la nuit ou est-ce un coup de
canif dans la pensée du diable ?
Ces êtres qui se sont crus un jour de quelque part, ont pourtant
débarqués ici, déplacés lors d'une fuite hagarde. Je les vois arriver
lugubres, terrorisés par le chant des loups, et enfermés dans la tombe
de leurs sentiments (et de leurs ressentiments). Je les vois cloisonnés
dans les temples de leurs propres croyances, visionnant à travers leur
foi cathare des possibilités nouvelles d'évasion. Je les vois
pleurnichant plus tard, sur le corps du destin des pendus agglutinés
aux branches ; J’en vois même certains se sacrifier sur des bûchers de
haine attisés par le vent purulent de la Bêtise « Umhaine ». Oui, pour
eux (et pour moi) cette terre fut bien la terre sacrée d'un exode
posthume, la terre de ceux qui n’ont pas négocié dans le feu, la fureur
de leur dieu.
Et pour comprendre encore un peu mieux cet extraordinaire itinéraire de
marginaux de l’Histoire, je ne peux résister à l'envie de faire parler
les gens qui sont nés et morts dans cette maison qui maintenant est
devenue la notre. Je ne peux m’empêcher de marquer sur ma peau la
manière dont ils ont vécu et accepté leur propre martyre terrestre, je
ne peux m’empêcher d'accompagner leurs sentiments afin d'essayer de
comprendre ce qui, en dehors des aspects strictement reproductifs, les
poussaient à survivre dans des lieux si ingrats.
Pour moi, à cette époque là, Templiers, Romanciers et Cathares se sont
longuement côtoyés sur cette terre, les uns ensemençant les idées (les
idéaux) des autres et vice versa (tout comme aujourd'hui on pourrait
dire que se fécondent mutuellement les idéaux socialistes, capitaliste
et écologiques).
A partir de là, on peut se demander alors, comment "l'homo-catharicus"
percevait-il lui-même, le monde en train de se construire à l’orée de
sa porte ? Comment a-il perçu, cet extraordinaire élan de foi qui
montait de l'Eglise, cette puissante connivence autour de nefs irisées
de vitraux. Comment a t-il perçu la gestation (la gestion) de cette
nouvelle incompréhension divine ? Croit-on vraiment ce que l'on croit ?
Est-on manipulés à ce point par des cerveaux malades ? A t’on une
totale confiance en l’avenir, ou la défiance de l'autre est-elle si
vive qu'elle nous condamne à capituler devant cette forme de violence
et de déterminisme, qu’est le plus souvent la religion dominante ?
Qu'est-ce qui poussait l'homme du coin à vouloir transmettre des lois
si différentes ? Pourquoi essayait-il de tester le hasard de nouvelles
certitudes en tentant de vaincre les postures des horizons malsains ?
En courbant la cambrure, en s'éreintant à croire à autre chose, en
domptant ces lieux-dits, il faisait une Histoire, il faisait un "Pays",
un pays qui plus tard, s'enlisera dans les sables mouvants de sa
caricature.
Oui, nous étions bien là, à l'intérieur des morsures du
diable, un diable qui s'est fait loup des steppes, qui s'est fait
chevalier pour opprimer les âges à la lueur du glaive. Je comprends ce
hiatus, ce schisme désespéré, cette voie des miracles, ces miradors
éteints, ces volutes de nacre qui enseignaient aux autres une nouvelle
manière d'aimer (la vie). Il ne faut tout de même pas oublier que cette
maison était auparavant hantée de châteaux forts cathares, des châteaux
pointant vers les cieux silencieux, des nouvelles citadelles de spasmes
imprenables...
... Citadelles dressées face à un nord raciste poussant un sud
fasciste, quand le culte des uns fécondait le culte des autres aux fins
fonds de cauchemars
historiques sans nom. C'est bien à ce moment là que fut introduit ce
déterminisme dément qui aboutit plus tard au génocide des indiens
d'Amérique et à l'esclavagisme ? Qu'en pensaient donc ces hommes ? A
t’on le droit de dire rétrospectivement, pour expliquer leur
renoncement historique qu'il n'y a pas plus con dans la vie, que de
singer les prêtres au nom d'un quelconque idéal ?
Devant ces « aurispices » et pour ne pas nous ennuyer plus longtemps
ici-bas, nous revendiquons « ici et maintenant », le plaisir du néant
et les délices d'un passé qui n'a pas encore eu lieu. Ici, dans ce lieu
maudit par les barbares, nous étions en attente de nouvelles espérances
et notre inspiration reste bien le produit instantané de notre être
rationnel (). Les intuitions que nous avons eu, sont bien la traduction
de notre culture lumineuse et ancestrale (Ader et Ada furent cathares).
Proposition d'un nouveau drapeau occitan construit à partir de son
histoire réelle.
..................................................
Est-on à ce point-là, en marge du progrès social (en marge du destin ?)
ou cherche t’on à le devancer, en s'adaptant pour des raisons obscures
à d'autres circonstances ? That’s the question ?
Afin de répondre le
plus correctement possible à cette nouvelle question essentielle
(existentielle ?), nous avons tenu nous-mêmes, à vérifier physiquement
et psychiquement ce processus de détermination et pour cela, nous
sommes restés sept ans sans électricité. De ce fait, et ceci bien avant
que le maire pour des raisons encore plus obscures que les nôtres, ait
eu la bonté de nous amener le jus, nous avions pu largement constater,
que les jours de brouillard en hiver ressemblaient à des nuits.
Comment avez-vous fait pour supporter un tel inconfort me
demanderez-vous ? D'où venait un tel quiproquo historique ?
- Saturation des grandes villes ou
saturation de la consommation ?
- Saturation des contacts surfaits avec des hommes fades ?
- Trop plein
d'idéologies nouvelles ou marre de la défonce ?
- Besoin d'un refuge en se faisant oublier ou recherche de création
d'un monde nouveau et différent ?
- Redécouverte d'un univers oblitéré qui nous faisait renaître par la
beauté de son spectacle si riche en ce lieu ? Cela a du être un des
points forts de notre attachement à cet endroit, car après plus de
vingt cinq ans de balades quotidiennes, nous découvrons encore des
zones d'intérêt et de charme.
- Refus de tout ce qui ne viendrait pas de notre décision, après avoir
été trop conditionnés ?
- Refus de tout compromis, ou de toute compromission, dans cet univers
hystérique et violent ?
-Liberté d'avoir un espace suffisant pour pouvoir vivre sans
contraintes ce que nous désirions ?
- Recherches de contacts différents et d'une vie simple, ou simplifiée,
où l'on n'était plus à la merci d'un matérialisme exagéré ?
Pourtant, nous le verrons un peu plus loin, notre vie antérieure fut
assez épique et courageuse. Mais pour nous, à cet instant précis,
l'intérêt de cette situation, c'est à dire de la vie dans ces
conditions-là, n’avait d’autre but que de nous permettre de retrouver
ou d'approcher au plus près, l'époque la plus éloignée de nous, celle
où toute la gestation d'une mystique étrange s'effectua. Tout ceci,
afin de nous aider à comprendre le geste primitif que nous avions
accompli en nous installant ici, celui qui vous expliquerai aussi le
mieux, notre envie si soudaine de changer de Pays (de changer de
Système). Nous cherchions donc ici, à mettre tout simplement en
perspective, nos propres illusions.
De fait, dans cette maisonnette vétuste et mal éclairée, nous restâmes
sept ans sans électricité. La première année nous vécûmes à la bougie,
c'est à dire qu'il faut sept à huit bougies pour éclairer
convenablement une pièce, le reste de la maison demeurant dans
l'obscurité la plus totale. L'effet ainsi créé, est assez dantesque
certains soirs de débauche, mais assez poétique à d'autres moments de
l'existence où la lecture remplace la télévision.
Nous nous raccrochons
encore à ces états lointains, certains jours de déprime quand les
chasseurs de primes nous guettent du
fond de leur carcan.
Je ne vous parlerai pas plus en détail, des jours de vent violent et de
pluie battante où là, sous le souffle des courants d'air et sous la
douche des gouttières, il nous était quasiment impossible d'avoir le
moindre éclairage. Mais passons, Zola en aurait donné une description
naturaliste autrement plus saisissante. Il est toutefois, une vision
que j'ai toujours en tête: il y avait sans arrêt un pied qui traînait
ça et là et qui, immanquablement, renversait le verre de vin rouge que
nous placions toujours à portée de main, sur le plancher près de notre
"salon automobile".
En ces temps éloignés, nous vivions à six dans la maison (sans parler
des innombrables visites) dont quatre adultes et deux enfants assez
espiègles, enfants que nous avons choyés le plus possible suivant nos
maigres ressources: 170E par mois d'un coté et 60E d'aide publique de
l'autre. C'était dans les années 70 à une époque où le pouvoir d'achat
des Septimaniens voisins, correspondait déjà à un train de vie de
romains saturés, chez nos romains modernes.
Outre que nous levions nous-même pas mal le coude, le copain était un
alcoolique invétéré, qui s'enfilait ses cinq litres de pif par jour et
une cafetière de café pur chaque nuit et ceci, tout en lisant Bukowsky
dans le texte, c'est vous dire son état en général, navrant. Afin de se
désintoxiquer, il a ensuite donné avec sa compagne pour les «Oranges
People». Mais un peu d'amertume réfrénée n'engage à rien. Continuons
plutôt la modernisation de notre cadre de vie et de notre demeure.
La deuxième année fut l'année du gaz. Nous avions découvert, au hasard
d'une discussion passionnée, l'existence d'un mode d'éclairage qui
n'était pas du type camping gaz, avec ses petits réservoirs à changer
tous les quarts d’heure. Ici, nous avions un système qui fonctionnait
avec de grandes bouteilles, ce qui nous laissait une autonomie d'à peu
près deux mois pour le prix modique d'une bouteille de butane. Le seul
inconvénient était l'obligation que nous avions de changer de résille
assez souvent car, soit elle se détruisait d'elle même au bout de
quelques semaines d'utilisation et la lampe dans ce cas servait de
chalumeau, soit qu'on la touchât par inadvertance avec un objet
quelconque ou en l'allumant et là, elle tombait en poussière. Dans ce
cas il fallait, là aussi la changer. Le problème devint plus épineux
quand l'usine de fabrication de résilles ferma ses portes après avoir
fait faillite, cela disons-le après guère plus de trois ans
d'utilisation de l'objet. Nous nous repliâmes vers une solution
bâtarde, qui consistait à acheter des résilles de camping gaz, d'en
défaire la fine cordelette qui ferme l'un des deux orifices, de passer
un mince fil de cuivre à la place de la dite cordelette et de l'adapter
au bec de gaz de notre lampe à huile (Qu’est-ce qu'il ne faut pas faire
pour baiser dans le noir ! Tout en gardant bien sur, le secret espoir
de ne pas faire d'enfant...). C'était moins efficace que l'ancien
modèle de résille, qui lui était vendu avec une douille qui s'adaptait
au bec de gaz (comme celui d’une ampoule électrique) et qui n'était pas
troué à l'autre extrémité, mais cela satisfaisait notre curiosité. On
le voit tout de même, c'était là un système d'éclairage assez précaire
mais d'un érotisme puissant et il était vendu publicité à l’appui, pour
avoir la puissance de 200 bougies (de 200 candelas ?). Vous voyez le
progrès !
Cela dit, ce qu'il y a d'étonnant dans les techniques modernes, c'est
le point de perfection à laquelle elles sont parvenues en si peu de
temps et il m'est arrivé souvent de méditer sur ce type de matériau,
tissé avec des fils résistant à une telle température et ayant la vertu
de se rétracter autant. Que deviennent donc les hommes qui ont fait de
telles découvertes ? Face à cette complexité technologique croissante,
ne devrait-on pas plutôt croire, comme nos voisins, à la magie ambiante
?
Tout en nous posant ce type de questions hautement existentielles, nous
utilisâmes ce système pendant environ six ans et, si on y regarde bien,
six ans, c'est tout de même une bonne
tranche de vie.
Six ans, plus un à la bougie, ça fait bien sept.
Bien sûr, l'addiction électrique fut un progrès essentiel dans
l'éclairage de notre comportementalisme si excessif et, bien que
réfractaires par essence à une marche forcée du progrès vers des
lendemains féroces, nous découvrîmes le plaisir de nous servir d'une
perceuse à la place d'une vrille, d'un vieux mixeur à la place d'un
presse purée et d'une scie sauteuse à la place d'une égoïne. Toutefois,
ce fut au niveau de l'éclairage que la situation se transforma
radicalement. Mais j'ai oublié de vous dire que nous avions déjà le
téléphone depuis plus d'un an et qu’à cette époque là ça « espantait »
encore tout le monde, de savoir qu'on pouvait avoir le téléphone sans
avoir l'électricité. Heu !
Ainsi, au fur et à mesure de notre reconditionnement social, nous
prenions petit à petit connaissance de notre dépendance, de même que
nous découvrions les chemins du progrès et ce, disons-le, depuis,
l'aube du vingtième siècle. Nous nous évertuerons cependant à en
refuser les côtés les plus aliénants, ce qui pour nous, demeure une
bonne synthèse de l'utilisation des nouvelles techniques. En effet,
sans être les fervents d'un progressisme trop poussé, nous avions tout
de même participé à son élaboration dans une vie antérieure à celle
décrite ci dessus. Il ne fallait donc pas voir le refus de certains
côtés aliénants de la société, comme une négation totale de l'optique
sociale en place, mais plutôt comme une recherche et une
hiérarchisation des nécessités les plus élémentaires nous permettant
une survie décente. Ce que nous critiquions, ce n’était pas la notion
d’évolution en elle même, c’était tout simplement notre non
participation à l’élaboration et à la mise en place d’un changement
possible.
Ceci dit, sans occulter le coté de négation cathare qui nous
habitait depuis toujours, à cause peut être de facteurs génétiques
précis, nous n'en opérions pas moins dans nos consciences,
l'élaboration de visions futures. Mais surtout, chemin faisant, nous
nous préparions parallèlement aussi à la grande chute vers le néant et
vers l'oubli...
Ce point de vue fut structuré et rationalisé à l'extrême dans la mesure
ou nos êtres en prenaient chaque jour conscience d'une manière de plus
en plus aiguë et que le «Concept de l'angoisse» venait remplacer petit
à petit notre optimisme incontinent. Les vertus du cadre de vie
adéquat, ou en adéquation avec nos aspirations muettes, devinrent donc
la mesure et la réalité concrète de notre clairvoyance. Vous me
répondrez : « mais n'en est-il pas de même pour tout le monde ? » Je
vous répondrai : « bien sûr, et je suis avec vous ». Car nous n'avions
pas refusé la lumière. Elle n'y était pas, c'est tout !
Ainsi, nous avons préféré vivre à l'intérieur d'une grotte sombre, dans
cette catacombe des premiers défenseurs de la nature en mal d'erreurs
et contre toutes les aspirations sordides d'une société de vaches
ruminantes, plutôt que d'avoir à subir quotidiennement le «
concentrationnisme » d’une vision si étriquée de la réalité historique,
une réalité qui nous imposait de force, le point de vue guerrier des
nouveaux chevaliers de l'apocalypse nucléaire. Pour nous, quelques
longues années après nos premiers émois écologistes, l'analyse nous dit
que monsieur l’ancien Maire (notre maire était alors Président
Départemental du Syndicat d’Electrification !) fit deux types d’erreurs
:
- Sa première erreur, fut de croire que
son modèle de pensée, modèle
dont il s'était persuadé en être le garant, lui survivrait parce qu'il
était bon et qu'il avait apporté le progrès à de nombreux humains.
Pourtant de notre coté, nous ne cherchions qu'à retarder l'Histoire en
nous mettant tout simplement à la recherche d'autres types de bonheurs.
Pour nous, retarder le temps, vivre dans le besoin, se cacher des
autres, c'était nous donner le pouvoir de mieux apprécier tous les
aspects de la vie, c'était aussi nous donner la possibilité de
conserver notre autonomie et nos formes de pensée. Je vous le demande
ici : "A quoi cela sert-il de mettre toute son énergie dans
un même processus de production ? A quoi cela sert-il de libérer toutes
les énergies dans cet unique but ?"
- La deuxième erreur qu'il fit, fut de ne pas avoir voulu nous écouter
quand nous lui demandions de nous subventionner une petite éolienne
familiale. C'est ainsi, monsieur, qu'après qu'on vous ait proposé notre
rêve, vous nous riâtes au nez en disant qu'il était utopique.
Aujourd'hui que voyons nous, bordel de dieu ? Des milliers d'éoliennes
géantes en train de couvrir et de polluer nos plus beaux paysages.
Damnation de l'enfer ! Y'en a marre de tous ces cons qui perturbent
l'espace de leurs débordements et tout ceci maintenant, au nom de leur
incontinence dénucléarisée.
Pour vous éclairer un peu plus et en attendant le futur TTGV, (un TTGV
auquel il faudra la puissance instantanée d'une centrale nucléaire par
ligne d’exploitation), voici l'état des lieux actuels et les
projections des délires futurs d'EDF.
Années
|
Conso/Brute
|
Conso/Nette
|
Pertes
|
1950
|
33,4
|
28,9
|
4,5
|
1970
|
140
|
130,1
|
9,9
|
1980
|
248,7
|
231,5
|
17,2
|
1989
|
341
|
315
|
26
|
1997
|
410,5
|
380,7
|
29,8
|
France: consommation en TW/h d’électricité brute totale (y compris
pertes dans le réseau) et, entre parenthèses, nette En 1997, les pertes
sur le réseau sont de même niveau (29,8) que la consommation totale
d’électricité en France en 1950 (28,9) !!!
Ces pertes sont actuellement
supérieures à la production mondiale d’électricité éolienne et
photovoltaïque cumulée. A noter aussi qu’une grande quantité de cette
électricité est produite pour soutenir les réseaux électriques
défaillants des pays voisins : Belgique, Allemagne, Suisse, Italie,
Espagne, Angleterre….
48435 Km de lignes HT et THT (le tour de la terre) |
10 Km de lignes THT enterrées (le tour du pâté de maison) |
|
|
+37% de lignes en 400 kW depuis 1977!!! |
Commentaire: pour EDF, la vie est belle!
|
Depuis, j’ai appris par l’association « Sortir du nucléaire » que la
production instantanée d’électricité potentielle était en fait de 1000
TeraWatts/h et non pas de 400, comme indiqué ci-dessus. Je vais donc de
ce pas, aller me suicider définitivement.
Les 2000 éoliennes que l'on voit arriver sur notre panorama à 700 m
d'altitude. Et on aurait tort de s'inquiéter!!
Le pire dans cette histoire, c'est qu'il n'y avait pas que monsieur le
maire qui dès le départ, avait eu tort. A partir de l’idée folle d'un
tout nucléaire lié à la force de frappe, se développa dans les hautes
sphères du pouvoir, la non moins folle idée que la France pourrait
devenir à terme, le système nerveux de l'Europe (son cerveau tant qu’on
y est !) tout ceci, en disposant sur son territoire un nombre de plus
en plus important de centrales nucléaires... Je vous remercie,
messieurs les ingénieurs de l’école des mines et du CEA, ce sont vos
propres limites qui me montrent le chemin ! Car plus nous serons allé
loin dans la structuration matérialiste de notre quotidien et plus il
nous sera difficile de revenir en arrière. (Outre le problème de
surconsommation énergétique, on pourrait aborder ici, tous les autres
problèmes liés à la surexploitation des ressources, problèmes qui se
traduisent par un phénomène global d’entropie. (Pour plus
d’informations, je vous renvoie donc, à la seule annexe de ce livre).
D'ailleurs, à l’intérieur de ce petit cercle de décision démentiel, les
députés aussi, les Conseillers Généraux, les dirigeants des Parcs, tous
étaient dépassés par les incessantes cohortes du progrès (les
incessantes colères du progrès), ces éternelles ribambelles de camions,
ces épaisses fumées, ces hauts fourneaux pantelants de fulmine, etc.
Alors qu’en fait, assis au fond de leurs bureaux, il aurait tout
simplement suffit à ces messieurs de repenser la société de manière
globale et de nous proposer enfin un véritable CDI (Contrat de
Décroissance infini)...
Ils avaient eu toute leur vie de bureaucrates pour réfléchir à cet état
des lieux (à l'Etat de ces Lieux) et malgré cela, ils n’avaient jamais
arrêté de prêcher ce désastre annoncé.
Il est vrai qu'ailleurs ils
avaient fort à faire, à ripailler loin des bûchers modernes (OGM, sans
papiers, sans terre, sans logis, « No Vox », etc.), continuellement
attablés qu'ils étaient aux banquets des réformes, dans les nouveaux
labyrinthes des couloirs de la
régionalisation et de l'Etat, dans les soupentes de la gloire. Ces
nouveaux réducteurs de têtes arrivaient même de temps à autres, par des
trappes aménagées à l'intérieur de circuits de refroidissement des
tourelles nucléaires afin de nous proposer leurs éoliennes.
Comme vous le voyez, nous arrivons bien nous aussi, petit à petit, à
nous resituer politiquement dans une mouvance de la résistance face au
pouvoir libéral néo-nazi montant des oppresseurs et des
technostructures. Merci Milan de nous avoir montré le premier, les
nouveaux chemins de cette abstraction sociale.
Savez-vous qu'à chaque charge de CRS qui s'empêtre dans la violence
pour nous empêcher d’avancer un petit peu sur le chemin du doute, nous
approchons chaque fois un peu plus de cette réalité. Les nazis n'ont
pas toujours perdu la face. Où sont donc passés aujourd'hui, les
intellectuels révoltés ? Ils sont partis en vacances, c'est sûr ? C’est
comme si l'engagement des écrivains contestataires, avait
définitivement sonné le glas d'une certaine idée de la littérature.
A ce sujet, quelle supercherie tout de même que la littérature (les
gens pensent de plus en plus que le contenu de leur vie est devenu un
roman !) ! Heureusement et une fois encore pour notre génération que
quelqu'un a bien voulu vendre la mèche. Merci mille fois Milan d'avoir
démonté pour nous cet "Art du roman" avec tant de méthode. A l’opposé,
contre cette transparence éclairée de tous les instants historiques,
Umberto restera bien pour nous, le dernier stratège de cet équivoque
qu’ont les sociétés judéo-chrétiennes à générer cyniquement leur propre
de mort (et à récupérer au fur et à mesure cette histoire morbide !).
Une histoire devenue pourtant sans objet, puisque sans métaphysique
nouvelle. Mais en même temps, on rejoint tout de même ici par nos
écrits et par nos points de vue rafraîchissants, les propres émois
d’Ecco ainsi que sa crainte, de voir révéler au grand jour un document
à l'humour potentiellement trop dévastateur pour être connu de tous.
C'est comme si l'erreur historique des intellectuels contestataires vis
à vis des ex-régimes totalitaires, avait à jamais inhibé leur rôle
futur dans les grands choix de société à venir. Pourtant, Camarade, ce
n'est pas Staline ou Mao que tu as défendu avec tant de courage, mais
bien le passage d'une société archaïque, vers d'autres horizons.
Rassure-toi ! C'est bien à plus de quatre cents ans d'hégémonie
coloniale à laquelle tu mettais enfin un terme !
Mais nous pendant ce temps, nous avons fait par clairvoyance, un grand
pas de coté. Aujourd’hui, dans votre réalité, notre exil (notre goulag)
est devenu intérieur car nous avons fui le matérialisme d'une évolution
sociale idéalisée, vers les horizons de la mélancolie. Et
parallèlement, chemin faisant, pour nous détendre un peu et essayer de
mieux comprendre ce qui nous entourait, nous avons, à partir du passé,
découvert les chemins de l'espoir écologique.
Tout le reste, du coup,
n'est plus pour nous que passe temps intellectuel et écrits vains. Ce
sont d’anciens lieux communs, faits pour vanter un monde virtuel où
s'opposent encore les bons et les méchants. Mais tout ceci n'aura qu'un
temps...
Car une force sombre s'oppose désormais à vos futurs projets de lucre.
Quand l'Europe aura éclaté sous les coups de boutoirs d'une Amérique
devenue folle de puissance, nous serons enfin prêts à vivre tous les
dérapages issus des folies romantiques que l'écologie portera alors en
elle. La France et l'Allemagne en seront peut-être les moteurs. Dès
lors, pour ne pas sombrer dans le déclin d’un consumérisme décadent,
pour substituer quelques raisons épiques à ce manque d'idéal chronique
qui quotidiennement vous habite, je vous propose ici une aventure sans
stéréotype, l'aventure de l'Europe
Catharo-Incaïco-Bouddhistico-Libertaro-Ecologique (la CIBLE), celle qui
bâtira le monde de demain, car une fois que l'idéal productiviste sera
mort, que vous restera-t-il à faire ? Plus rien ! Le monde sera enfin à
nous (dans 1100 ans à peu près).
Et, puisque nous avons prédit qu'un jour la vie n'aurait plus de sens
(matériellement
parlant), nous allons donc dès aujourd'hui nous attacher à créer les
croyances futures. Oui, contre votre foi limitée nous sommes prêts dès
maintenant à jouer le rôle des anciens hérétiques car pour nous, le
Catharisme a autant fécondé l'Histoire du sens de ses négations que
l'Ecologie aura dans quelques années fécondé le monde de sa vision
anti-productiviste.
Ici, dans ce monde cévenol que nous avons instruit et égayé de notre
propre présence, nous avons montré ci-dessus que se sont perpétuées
dans ces contrées reculées et sauvages des formes identifiables de
convergences et de luttes (cathares, protestants, résistants, écolos,
alters, etc.).
Nous en ferons donc une première constante en certifiant
à tous que: "l'inaccessibilité et l'inhospitalité des sites
géographiques font des Cévennes un lieu privilégié de contestation qui
véhicule et perpétue un modèle fondé (un modèle dans lequel l'élevage
de la chèvre joue depuis toujours un grand rôle)". C'est tout d'abord
parce que je suis capable de vivre dans cet univers difficile, que j'y
reste. Ce faisant je commence à y produire du sens.
Ce sens y est historiquement entretenu par la venue et par la présence
d'étrangers de tous bords fuyant leurs anciennes certitudes
(servitudes, turpitudes, etc.): bretons, allemands, néerlandais,
anglais, espagnols, etc., des « estrangers » eux-mêmes en rupture de
ban. Un grand nombre de français en ayant visiblement soupé de leur
propre passé, nous tenons là, une deuxième constante qui nous met face
à une évidence multiethnique dans laquelle les européens du nord jouent
depuis longtemps, un grand rôle. Nous tenons là aussi et par delà cette
mixture, une forme de convergence entre l'Allemagne (les germons) et la
France (les francons). Deux pays que nous avons repérés comme formant
déjà un possible axe de contradiction, face au modèle américain tout
puissant qui s'annonce (nous sommes désormais les seuls à pouvoir
manipuler l’extraordinaire ego qui fonde leur Système).
Dans ce sens,
l'arrivée dans ce pays, aux confins des Cévennes, de toute une flopée
de « renonçants » étrangers, est révélatrice du fait que nous devons
tous croire dès maintenant, à des logiques historiques objectives et
incontournables. Nous devons nous apercevoir par la même occasion que
ces dernières sont en train de se mettre en place sous nos yeux. A
partir de là, tout devient beaucoup plus simple et beaucoup plus aisé à
comprendre et à construire. Il nous devient notamment beaucoup plus
facile de construire, en marge des cités, le nouveau "Pays des
écologistes", un pays que nous nommerons dorénavant "Utopicland" ou
encore "Jardin des Utopies" et ceci, en mémoire à ses anciens adeptes.
Cette érection qui aura lieu dans le PNRHL (ou en Corse), génèrera et
véhiculera en même temps, de nouvelles croyances infondées (un nouveau
type de religion), vecteurs comme nous l’avons déjà dit, d'un futur
romantisme dément.
Ce pays ancrera ses convictions dans le refus du tout nucléaire et dans
la conservation des ressources naturelles à des fins éco-dynamiques
comme par exemple, l'élaboration d'une nouvelle structuration de
l'espace par les voies d'une agriculture dite agrobiologique. Nous
pourrons aussi ailleurs, redevenir bateleurs et remplir les canaux de
milliers de péniches sans que personne n'y voit plus d’inconvénients,
renaître en cosaques mais maintenant sans objectifs guerriers, refaire
surgir les cendres des ancêtres pour qu'enfin on comprenne ce qui a usé
les gens, garder nos étangs d'or afin d'imaginer la vie de nos aïeux
dans les cités lacustres et construire des hordes d'avenir capables de
s'affranchir des distances cosmiques.
Se développeront dès lors des mystiques étranges, faites de nouvelles
incohérences mystérieuses, car nous avons vu que les horizons culturels
des adeptes sont très (trop ?) variés donc impossible à fédérer pour en
faire un outil de développement et de croyance rationnel.
Nous regrettons déjà cette dérive locale, car pour nous au départ,
c'est bien la science qui aurait du servir de catalyseur et devenir
notre prochaine étape de développement compréhension d'un nouveau monde
enfin dé déifié. Il fallait
savoir avant tout, comment tuer nos anciens dieux, avant d’arriver à
vaincre les ténèbres. Mais il faut bien reconnaître ici, que certains
scientifiques sont devenus depuis peu nos ennemis mortels en ce qu'ils
véhiculent déjà un comportement irrationnel auprès de certaines voies
de développement (Mr Seed et le clonage reproductif, les OGM, les
cellules souche, etc.).
Pour nous, comme nous l'avons montré plus haut
dans le chapitre VI, le monde scientifique à venir sera tout aussi
barbare et intolérant que l'ancienne morale.
Mais désormais, ce monde hyper rationnel et statistique se heurtera
continuellement à de futurs actes incompris, des actes accomplis par
des hommes lucides, des hommes logiquement à la recherche de nouvelles
incompréhensions métaphysiques. C’est ainsi que dorénavant, de plus en
plus d’humains, vont s’opposer à la formule plus que banale d'une
recherche scientifique uniquement basée sur une satisfaction spontanée
des besoins matériels. Seront-ils alors perçus comme de réels
opportunistes façonnant de nouveaux horizons ou comme les cathares
modernes de la science infuse ?
C'est pourquoi, avant que tout cela ne dérape une nouvelle fois, ceci à
cause peut-être de vos humeurs devenues entre-temps massacrantes, je
veux créer ici, par cet acte de foi, le cadre d'un nouveau féodalisme
dans lequel vous serez devenus, avant tout, les vassaux (les vaisseaux)
de la nature. Par ce travail, je fonde « l'Ordre Des Ecologistes
Convaincu du Contraire » (l’ODECC), un « Ordre Religieux » dans lequel
toutes les nouvelles idioties autour de l'environnement, pourront se
diffuser et ceci, bien à l'abri du retard atterrant des scientifiques
de renom. Par la présente, je tiens à créer aussi - avant que le pape,
dans sa candeur sénile, porté par ses lacunes, aux tendres amertumes,
ne me précède et n'émette lui-même une nouvelle bulle à ce sujet – « la
secte des baleineaux orphelins » et je vous supplie d'intercéder dès
aujourd'hui auprès de son dieu, pour sauvegarder ce qui nous reste
encore à observer de leur chant si lointain.
La prise de conscience globale autour de cette forme de « Shoah
quantique » qu’aura été le massacre historique de tous les grands
mammifères, l’exploitation génétique sans borne des animaux domestiques
à des fins carnivores et la destruction totale de toutes les espèces
végétales précieuses, forgera le début d’une nouvelle religion où les
martyrs ne seront plus directement les hommes, mais bien les centaines
de millions d’animaux abattus au nom de la survie ou de l’amusement
décadent de l’espèce des vainqueurs. Cette conscientisation
métaphysique autour des espèces animales et végétales en voie de
disparition sera aussi le point de départ d’un nouveau système de
valeurs que l’on nommera : «Ere de l’Alter Sur Mondialisation
Ecologique» (ERASME) et ceci, en référence à la volonté des anciens,
des anciens qui comme on le sait, auront passé leur vie à défendre
cette thèse ou qui auront fait le début de cet inventaire macabre (par
décence envers eux, nous ne ferons pas ici le point sur ce nouvel
holocauste).
C’est ainsi que dans ce mode de vie post-industriel, la raison du plus
fort ne sera plus enfin donnée comme dans l’ancienne bible, aux
agriculteurs menaçant de leur bêtise primaire le retour du loup ou des
oursons sous nos latitudes barbares, mais à ceux qui auront montré que
la coexistence pacifique des Etres autour d’une symbolique animale «
retotémisée » est tout aussi importante pour l’équilibre mental de
l’Homme que la compagnie malthusienne de congénères si féconds.
Vous les nouveaux réducteurs de têtes ! Comment avez-vous pu considérer
les indiens sans leurs plumes ? Comme des utopistes ? Pourtant vous
vous servez encore de leurs fioles, des fioles qui avaient bien mille
ans ou peut-être dix mille. On copie la nature et ce n'est pas peu
dire, on se remet à encenser l'histoire des vaincus, pour oublier que
nous avons déjà détruit la plupart de leurs pas (et que nous continuons
à le faire), pour oublier que nous avons souillé
leurs traces vagabondes, faites de libations sur le pourtour des
tombes, que nous avons déjà massacré leur hasard fugitif, cette épopée
sans nom aux confins de l'oubli et, aux frontières des mondes,
cadenassé leur route de nomades.
Appels des au-delà certifiant la
rancune d'une ténacité faite d'acier trempé dans le sang chaud des
tigres. Ô ! musées des horreurs, auberge des maudits, ta craquelure
hante le fond de ces puits insondables, aux eaux troubles amenées par
le vent et entretenues de manière incessantes des pleurs de notre
temps, des pleurs pleins de colibacilles empoisonnant la merde de vos
étrons dorés auréolés de flammes ! Bouse permettant de garnir vos
trônes, d'excréments ! Vergogne des mystères, vestiges d'autrefois,
faits pour entretenir le rêve des mollusques ! Ici nous avons dépassé
tout ce qui est certain, tout ce qui nous a forcé à vivre en orphelin
de nos frères anciens. Et pour nous, une des plus grandes erreurs
historiques, serait de voir encore perdurer cette mythomanie qui un
jour prochain, va tous nous rendre fous (s’il vous plait, dites chiche
!).
Après ce déluge de mots et afin de devenir enfin réellement
intelligent, il vous suffit maintenant d'accompagner les nouvelles
dynamiques. Vous vous êtes trompé d'espace, vous vous êtes trompé
d'histoire. On ne peut plus revenir en arrière, recommencer le monde.
La Révolution Verte aura lieu. Elle aménagera une nouvelle terre d'où
vous serez absents. C'est tant pis ou plutôt c’est tant mieux, car vos
« oripailles » et vos épouvantails avaient déjà sabordé le Globe bien
avant que ne s'annonce la lueur des Lumières.
Alors, je vous en prie,
messieurs les mandarins, ne remettez pas en selle d'anciennes
turpitudes, faites de croix gammées aux horizons damnés. Oui ! Face à
ces deux mondes possibles: le monde des prédateurs et le monde qui
limite l'action de ces derniers, nous faisons bien partie du second
monde. Non ! Nous ne sommes pas non plus, comme nous le serinent
certains alter mondialistes qui dérivent déjà, pour le partage des
richesses, nous sommes avant tout, pour la protection des ressources
génétiques et minérales disponibles. Oui, messieurs les nantis, devant
vos actions prédatrices ce n’est plus le principe de précaution que
nous invoquons, mais bien une idée de Schisme qui nous anime. A partir
d’ici, notre propre système écologique de survie a définitivement
divergé.
Et en attendant le pire, ce que je peux vous dire de plus à ce sujet,
c'est que je vous méprise, car actuellement, vous n'avez plus aucune
autre ambition, que celle de trouver les moyens les plus abominables de
vous remplir les poches. Jamais il n'y a eu autant d'argent qui
circule. Cet argent qui vous permet de continuer à circuler librement
dans ce monde hébété. L'épaisseur de la couche de billets sur laquelle
vous êtes affalés, est simplement relative à votre propre opportunisme
par rapport au fonctionnement du Système en place. Alors que de notre
coté, réfutant par avance tout compromis avec l'histoire de vos peurs,
nous refusons nous-même, d'abonder à vos fonds de pensions, sachant par
là que nous nous mettons peut-être économiquement en danger pour le
proche futur. Pourtant, croyez-moi, il était assez facile de se hisser
à votre niveau de définition et à votre niveau d'opportunisme !
Ce que je veux vous dire de plus, messieurs les cannibales, et ce avant
que vous ne salissiez définitivement, de vos ventres avides, les restes
de nos rêves, c'est que, notre espace fonctionnel est avant tout
esthétique et que nous voulons garder encore un peu nos arbres, nos
rochers, nos ruisseaux, nos animaux sauvages et enfin nos idées.
Nous voulons garder aussi nos maisons délabrées, des maisons qui
tiendront bien debout, encore trois ou quatre cent ans de plus, bien
plus longtemps certainement que les tours géantes de vos modèles de
béton armé, bien plus longtemps aussi que vos milliers d’éoliennes
industrielles et tout ceci, afin de témoigner de ce qui s’est
réellement passé au début de «l’Ere Ecologique»:
- Quand nous tentions de nous coltiner
la sordide réalité politique de
tous les jours.
- Quand appliquer sur le terrain les thèses écologiques, revenait à
découvrir les logiques fonctionnelles d'une société en plein désarroi
consumériste.
- Quand aller au contact des prédateurs, révélait notre faiblesse
numérique.
- Quand l'appel au combat se heurtait aux murs de l'incompréhension et
de l'indifférence.
Mais pendant que nous manifestions sans fin nos émois contre les
débordements incessants de votre putain de Système de production,
partout ailleurs les gens, tête baissée, la gardaient sur le guidon.
Ici de plus, au sein du PNRHL, l'organisation des loisirs autour de nos
nouvelles cathédrales naturelles, butait aussi sur des limites
structurelles et sociologiques. C’est pour cela que nous pensions que
la défense de notre territoire devait tout d'abord passer par une
intégration à une seule idée forte: « l'entretien continuel de notre
esthétique volage (volatil) », une esthétique qui pour l'instant ne
prévoyait que de simples possibilités d’évasion. Et je vous parle ici
d’une certaine relation au monde et à la vie que vous n'avez pas encore
les moyens intellectuels de mettre en ½uvre.
Dans cette optique, avant de concevoir une nouvelle architecture
religieuse autour de ces mêmes cathédrales, il nous fallait savoir
momentanément faire le deuil de nos trop nombreuses utopies et tourner
le dos à la réalité rêveuse que nous cherchions désormais à mettre en
route, puis au jour le jour, assumer nos choix afin qu'un jour peut
être, cette réalité existe pour de vrai.