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Chapitre XIV
CHAPITRE XIV




Les implications d'un geste pour une génération ou les processus d'identification à une cause.
  

Les utopies marginales, du fait qu'elles étaient parallèles et qu'elles représentaient trop de courants de pensées, en même temps qu'un trop grand nombre d'horizons culturels, ne purent être ni assimilées, ni canalisées par le fait historique social  ou par les structures ad hoc (haddock ?) existantes.

Elles s’exprimèrent dès lors par défaut, dans un espace rural déserté, un ancien espace idéel où les premiers éléments d’une mini société buissonnière commençaient à s’organiser dans la plus grande des confusions. Arrivaient là, dans ce lieu des éclatements, ceux qui après mille détours vagabonds avaient en désespoir de cause, emprunté la «trans'utopienne» qui les y conduisait. On veut parler ici, de ces milliers de transfuges qu’étaient devenus les éco-marginaux.

En effet, l’éco marginal (marginalocalibus) représentait bien pour la société de consommation, un transfuge idéal en même temps qu’il lui renvoyait de manière indécente, l’image de son possible échec, de son probable déclin aussi:

- Transfuge des horizons bornés communément admis par le clan familial, vers des horizons sociaux élargis et notamment vers ceux qui leurs étaient proposés au sein des nouvelles communautés rurales.

- Transfuge de son travail ou de sa formation professionnelle, vers les domaines de l'artisanat d'art ou vers une activité plus concrète de paysan ou de jardinier de l’espace. Une démarche encore perçue comme un archaïsme par le prolétariat, un prolétariat qui le plus souvent, était lui même le transfuge parfait d’un système rural anciennement et entièrement structuré autour de l’activité agricole.

- Transfuge de son milieu de camaraderie et d'amitiés conventionnelles, vers une recherche plus spontanée et plus sincère des rapports humains.

- Enfin, ce qui est bien plus grave, transfuge de ses propres notions culturelles et mettant donc potentiellement en danger l'ordre pré-établi.

De la même manière que furent marginalisés dans les pays de l'Est, tous les acteurs contestataires d'une idéologie programmée par des cerveaux malades – ceci, lors d'une étape historique de structuration sociale et industrielle insoutenable vis à vis du monde ancien - en « Occident » (sans développer ici une polémique ou un jugement sur les tenants et les aboutissants réels de cette position historique), les marginaux furent contraints par la force politique, militaire et judiciaire, d'accepter le développement de la société de consommation. Une société avide dont ils contestaient simplement les dérives de plus en plus visibles.

Dès lors, comme on l’a vu au chapitre VIII, tout le monde eut le droit de jeter l'anathème sur ces déviationnistes du consumérisme de masse et sur ces mécontents de l'ardeur d’aller au travail, dans la joie de payer les mensualités d'un crédit si facilement accordé.

Pas plus qu'au sujet des pays de l'Est, nous ne porterons ici, de jugement de valeur sur cette période de pseudo plein emploi (dans les années 70, la plupart des femmes n'étaient pas encore inscrites à l'ANPE), de « volant » organisé de chômeurs, de paupérisation intellectuelle et médiatique et de fuite en avant vers des lendemains qui déchantent.

De plus, si sur le plan idéologique, les relations sociales deviennent très vite Kafkaïennes à analyser, dans la pratique de la vie courante par contre, il ne faut pas chercher bien loin le pourquoi du comment. En effet, les motivations qui poussent les hommes sont parfois beaucoup plus pragmatiques et beaucoup plus prosaïques que ne le laisserait penser de prime abord, la complexité des situations ou des discours.

Malgré cette facilité d'approche (la complexité des rapports sociaux est un mythe entretenu par le pouvoir), il est quelques points particulièrement importants et particulièrement intéressants sur lesquels se penche l'analyste marginal. Ce sont ceux qui concernent les choix qui furent faits lors de la mise en place des grandes lignes de développement (les fameux plans quinquennaux).

Comment la seule matière grise de quelques technocrates a t’elle pu imposer à un si grand nombre d'individus un changement historique aussi rapide et aussi radical dans tous les compartiments de leur existence ? Comment eut-elle la puissance de décider à tous les niveaux du développement structurel de régions, grandes parfois comme le dixième de la France ? Comment si peu de cerveaux purent-ils organiser une si monstrueuse mutation et ceci aussi rapidement ?

En effet, afin d’avoir la chance de devenir un tant soit peu intelligent, l'homme ne doit-il pas assimiler au fur et à mesure les quelques connaissances qu’il acquiert si difficilement tout au long de sa vie ! Il  faudra à partir d'aujourd'hui, plusieurs siècles aux futurs annalistes, pour analyser réellement les délires qui se seront passés au cours du XXème siècle. (si c'est possible)

- De quelle manière par exemple, un seul bureau d'étude peut-il avoir eu la prétention et la folie de décider de l'aménagement de toute une région comme ce fut le cas pour la vallée de la Seine et de la Marne, ceci de Marne-la-coquette jusqu'au port duHavre ? Autre exemple, comment les habitants des zones concernées, ont-ils pu accepter le bétonnage démentiel de la côte méditerranéenne, sans ne rien dire ?

- Comment une agriculture, sous beaucoup de formes alors largement autosuffisante et même excédentaire, a t’elle pu muter de manière aussi radicale, jusqu'à l'industrialisation de ses propres méthodes de production, jusqu'à faire naître des animaux cubiques, afin de mieux les empiler au carré, sur des palettes serties de plastique transparent ?

- Comment le réseau routier a t’il pu se densifier à ce point, jusqu'à entretenir une ronde infernale et ininterrompue de camions dévidant inlassablement leurs cohortes intrépides, jusqu'à faire pâlir la ronde des étoiles ?

Comment si peu d'hommes, ont-ils pu décider en toute tranquillité d’esprit de cette évolution démente ? Quels idéaux malsains les poussèrent-ils à obliger un si grand nombre d'individus aux travaux forcés et ceci, avec la bénédiction de la plupart des syndicats ? Quelle force les pousse-t-ils encore pour que jamais ils ne se demandent le matin en se levant: "Ai-je toujours raison ou ai-je eu tort un jour ?".

Dites-nous maintenant, puisque vous avez été aussi « Fords », comment peut-on redescendre de là, puisqu'il n'y a pas de retour en arrière possible ?

Mai 68, quoi qu'en pensent les nouveaux  idiots du village intellectuel et scientifique, des idiots que, par prudence et par peur des représailles, je ne nommerai pas ici, représente vraiment le début de l'éclatement final de ce Système. Un système qui ne pouvait aller dès lors que vers une forme de romanisation marxiste de plus en plus poussée de ses structures internes, c'est-à-dire, aller vers une sorte de «Marx Aurélisation» larvée des rouages de l’état. (Exemple pris au hasard: Livre VIII; Pensée XXXIV. Je vous rassure, je n’ai pas été plus loin car dès la première pensée, j’étais déjà mort de rire !).

En même temps que cet éclatement fatalement irréversible, Mai 68, vu sous l'angle de l'historicité des fractures sociales, représente justement l'acte de naissance formel (même si on peut discuter d’une origine plus lointaine) de tous les mouvements considérés comme des mouvements « marginaux ». Dit de manière plus rationnelle, Mai 68 a représenté en premier lieu en France, le rejet total de la politique Gaullienne, une politique elle même miroir des aspirations de son heure (de son leurre). Mai 68 a représenté en même temps, l'aboutissement historique de tous les mouvements perçus auparavant par le pouvoir en place, comme "antisociaux"(?) et ce, depuis le début de l'ère industrielle. (A partir d’ici, l’histoire racontée dans ce livre a véritablement un sens).

Vous me direz : « Ce n'est pas peu ? ». Je vous répondrai : « Quoi de plus vrai ! ». En effet, si au dix-neuvième siècle ou pour la première moitié du vingtième siècle la question sur le «sens du progrès» ne fut jamais posée que par des visionnaires, la soi-disant crise sociale des années 70 représente bien, à un niveau global, l'éclatement le plus grave et le plus important au sein d'une société structurée et ceci, depuis peut être la Révolution Française.

Avant cette date et mis à part quelques personnes éclairées comme les utopistes par exemple, personne n'aurait voulu, ni pu d’ailleurs, contester la valeur incontournable de l'industrialisation. Après 68 cependant, la question de la vitesse excessive de cette évolution fut posée : comment pouvait-on continuer à faire croire aux gens que l'Homme avait plus évolué en cent cinquante ans que depuis le début de toute son histoire ? Cela aurait du rendre fou furieux le plus solide et le plus rationnel des cerveaux ! (N’en déplaise aux créationnistes, il faut bien respecter une certaine chronologie dans l’histoire de l’homme car les preuves sont formelles, elles s’empilent les unes au-dessus des autres !).

Pour contrarier la mise en ½uvre de cette nouvelle tautologie basée sur une idéalisation sans borne du système productiviste, que proposèrent de manière diffuse tous les mouvements considérés comme étant marginaux ?

Ils proposèrent, tout d'abord d'arrêter ce carnage insensé, basé sur une consommation absurde et sur une transformation abusive de toutes les matières premières (prédation totale des ressources disponibles). Ils proposèrent aussi, de retrouver quelques racines et d'arrêter une fuite en avant vers le « progrès » devenue complètement folle.

Pour cette raison même, ils furent les incompris du Système dominant.

- Incompris tout d’abord des tenants cyniques des travaux forcés qui voyaient là s’échapper une force de travail jusqu’ici facile à domestiquer.

- Incompris aussi des individus composant les couches des laissés pour compte (les ex-lumpens du marxisme) qui furent incapables de réagir devant une évolution aussi rapide et qui de ce fait, allaient devenir peu à peu les assistés du système.

- Incompris enfin, des couches sociales plus âgées qui voyaient là une intrusion dans ce qu'elles considéraient, peut être à juste titre, comme l'univers inadapté d'un nouveau misérabilisme social. Cet état d'esprit fut d'ailleurs très largement entretenu, comme on l’a vu au chapitre VIII, par les chiens de garde médiatiques et les positivistes de tout poil, des gens férus d’Histoire comparée et très certainement capables à partir de là, de se faire instantanément une idée précise et dynamique des situations historiques en cours.

A la lumière de cette démarche régulatrice, nous nous devons de faire, chacun où il le peut, la somme de toutes les tentatives de sauvegarde ou de compréhension des phénomènes "antisociaux", antérieurs à « Mai 68 ».

Par delà ce travail de mémoire et de régulation, nous devons essayer aussi de comprendre comment un pays ou une société donnée, ont pu subir une transformation aussi intolérable et ce, dans tous les domaines de la vie courante. Ceci bien sûr, sans tenir compte des points de vue bornés des nombreux rétrogrades, ces tenants attardés d’un productivisme totipotent, gaspillant toutes les énergies disponibles au fonctionnement sans faille de cette machine infernale, lancée à plein régime.

- Comment par exemple, une flopée de sénateurs qui ne savent pas comment fonctionne un ordinateur, ni écrire une seule ligne de programmation, peuvent-ils encore et toujours décider de cette marche forcée, une marche forcée qui intègre pourtant dès aujourd'hui à la nature démentielle de son développement des dimensions hautement stratégiques pour l'avenir des populations.

- Comment des « intellectuels » et des universitaires, eux-mêmes largement dépourvus de tout jugement autonome, peuvent-ils encore et toujours continuer à ensorceler les peuples par l'intermédiaire ou par la manipulation des médias (dans notre esprit, les médias sont uniquement en attente de distractions: et hop! petit carnage par ci, petit carnage par là, etc.) ?

- Comment des ministres, qui sont sous beaucoup d'aspects les tenants de la quatrième république (sinon de la troisième: la politique se fait à la corbeille !), peuvent-ils sans arrêt nous entretenir de la nécessité de produire encore plus, alors que parallèlement toutes les ressources sont en train de s'épuiser ?

Pouvons nous ici, poser la question suivante: après le Train à Très Grande Vitesse (le TTGV), qu'y aura t’il de plus rapide ou qu'y aura t’il d'autre ? Encore plus de production électrique ? Encore plus de transport ? Encore plus de mécanique ? Encore plus de consommation ? Encore plus de poubelles ?

Encore plus, toujours plus ! Merci François de « Water-Closet », merci à tous les Duschnoks ou Pierre Jacques Marseille de ce genre, merci monsieur HélieCoehn, merci Mr Content. Merci à vous tous, de vous être attaqués avec autant de hargne (de haine ?) aux syndicats, des syndicats qui eux, retardaient tout. Merci de décomposer encore plus vite cette société. Merci de projeter votre nouvelle intelligentsia anti-prolétaire vers ce type de désastre annoncé ! Continuez à produire votre venin apocalyptique, ça sert nos objectifs ! (Voir en annexe le « Rapport Stern »)

Le point de non retour, fut tout de même atteint, lors des décisions unilatérales d'imposer à tous le tout nucléaire et ceci sans débat, simplement sous le couvert d'une évolution qui semblait être intemporelle et irréversible : « Comment pouvait-on passer à ce point-là, à coté du progrès ? » Pauvre tiers monde, comment vas-tu faire demain sans uranium ? Trop c'est trop ! Ne le voyez-vous pas, ou êtes-vous si faibles ?

Pour la plupart des « responsables », cette voie transcendantale du rejet global indiquée par les transfuges était bien trop dangereuse pour être empruntée. Ils eurent donc la vie belle ! D'une part, parce que certains de ces transfuges ne pensaient alors qu’à décomposer ou qu’à pervertir les structures sociales existantes (par la recréation festive et les plaisirs liés à l'utilisation de nouvelles drogues) et d'autre part, parce que certains autres tentaient d'imposer des directions diamétralement opposées à celles en vigueur: la lenteur face aux cadences infernales, l'oisiveté face à l'actionnariat, le sexe face au dogme, le don face au fric, le slowfood face à la malbouffe, etc.

Dans ce cadre relativement binaire, le transfuge est un peu le traître de la cause commune et à ce titre, il a droit à tous les coups de bâtons et aux commentaires les plus fertiles. Il est dans une réalité très dure à assumer car il est toujours en porte-à-faux par rapport à la moindre saute d'humeur des productivistes.

En effet, le marginal ne profite t’il pas, au même titre que les autres, du bien-être commun, de la défense, du progrès et de la justice sociale ? Ne se déplace t’il pas comme tout le monde en voiture ou sur une moto ? Que veut-il à la fin ? Qu'on le sache vite, avant qu'on ne le pende !

Toutefois, malgré la vindicte publique de la cohorte des esclaves modernes encensant leurs assassins et tourmentant nos activistes, la réflexion sur le rôle des transfuges aboutit pourtant à un questionnement équivoque mais fécond:

- Transfuges de leur milieu familial, bourgeois, prolétaire ou progressiste, dans le sens le plus large (le mieux admis), ils tentaient de réintégrer un ordre ancien en retournant à la campagne. Pourquoi ?

- Transfuges des valeurs familières les plus communément admises autour d’une volonté farouche de créer une pseudo identité nationale, elle même improbable, ils essayèrent de retrouver une identité culturelle plus proche de leurs racines, en défendant un régionalisme qui paraissait pourtant, être devenu archaïque. Pourquoi ?

- Transfuges des notions intellectuelles qu'on leur avait administré afin qu'ils se transforment en d’inamovibles piliers sociaux, ils en devinrent les détracteurs les plus farouches tout en essayant d'en rechercher l'essence non positiviste, à la lueur des mystiques. Pourquoi ?

- Transfuges même des notions progressistes qui les avaient modelés, ils se heurtaient à l'incompréhension des tenants de ce modèle qui virent en eux un non sens historique alors qu’ils tentaient en fait tout simplement de retrouver une échelle authentique intellectuellement satisfaisante (par la connaissance des efforts du passé et de leurs propres efforts à construire l'avenir)

Et pourtant... Tout était là, à portée de la main. Il suffisait de la tendre pour avoir. Il suffisait d'obéir pour être remercié. Il suffisait de suivre pour être accompagné. Pourquoi comprendre, pourquoi vouloir comprendre ? Alors qu’il suffisait simplement de dire oui à tout, afin d'avoir le droit de mourir tranquillement de vieillesse dans son fauteuil en cuir tanné.

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Et, tout au long de ce renoncement idéologique, la vie résonne et vomit sans arrêt les humeurs d’une consommation effrénée, fascinant ces noctuelles, fatigant chaque jour un peu plus ces noctuelles idiotes, mais prolifiques. Un rai de lumière pour des milliers de déceptions, accueillant dans ses gares étincelantes des trains entiers de fantômes déçus, baissant la tête, marchant d’un pas si rapide qu’on les croirait pressés de se rendre à la morgue. Oui, et même loin de là, nous obéissons nous-même à cette misérable débauche consumériste, comme transis d’effroi au fond de nos échoppes, insouciants de l’Histoire qui ailleurs se charge des Tyrans, indifférents au long poème inachevé des atrocités dévidant leurs cohortes de morts.

Là où l’impuissance est désespérante.
Là où la mélancolie nous attend.

Dans ces nouveaux pays (dans cette nouvelle réalité) là où il n’y a plus maintenant que des accidents d’avions meurtriers, des Biafra faméliques, des Vietnam arrosés de défoliants, des longues marches suivies de terribles exodes, des guerres mondiales limitées par des barbelés concentrationnaires, des balles faisant gicler des milliers de cerveaux agenouillés, des révolutions avortées, des héros morts sur des bûchers modernes de kérosène, filmés par des cerveaux dévorés par le cancer de la ménopause scientifique, insatisfaits de tout, cherchant à nous montrer l’atrocité la plus horrible pour nous obliger à penser continuellement à la mort.

Pourtant, ce monde qu'on ne nous montre pas est fait aussi d’identités refoulées, de prisons inavouables, insoupçonnables, de barreaux et de murs indestructibles, de gardiens sodomisant des prisonniers abêtis, abrutis, frappés à mort, rendus au stade primaire de la survie bestiale. Il est fait d’armées entraînées à commettre toutes les horreurs possibles, pour soumettre le reflet de la liberté, le reflet pâle de cette volonté d’échapper aux contraintes; pour soumettre le reflet des rêves incertains et puérils d’armées sauvant parfois quelques ½illets.

Ce monde désertique où les roses des sables sont coagulées par le sang des libérateurs, où les garrottages existaient il y a peu de temps encore, tortures d’un Moyen-Âge inquisitoire infligées à d’autres esprits rebelles par la loi du moment, par l’instant historique, par la folie ambiante; lorsque les revendications étaient alors lèse-majesté ou lèse-papauté, au lieu de s’appeler E.T.A., Brigades Rouges ou Al Quaeda.

Ce monde est aussi un monde où l’on écrase l’intelligence polytechnicienne avec des tanks, où l’on fusille les poètes à l’aube, au milieu des oliviers (symbolique acharnée à nous démontrer le contraire), où les guerres de religion s’accompagnent de grèves de la faim insoutenables pour tout esprit sensé.

Oui, ce monde est fait de génocides et de révoltes avortées, de groupes armés vecteurs de fois nouvelles et de sauvageries coloniales tardives et attardées. Il est fait de stades remplis de prisonniers chantant les mains coupées et refoulant par leurs psaumes (par leurs spasmes) les brutalités bestiales des geôliers. Il est fait d’escadrons à la tête de mort; il est fait de chapes de silence noyées de peur, submergées par la peur, transgressées par une épaisseur inavouable de peur, et par des hommes désarticulés dans des chutes vertigineuses.

Ce monde de terreur nucléaire et médiatique est fait de génocides tus ou revendiqués et pour nous il s’appellera à jamais: «Monde des Minorités Opprimées». (MMO) (...)


Guernica
Sabra et Chatilla
Tall al Zaatar
Liban
Afrique du Sud
Afghanistan
Cambodge
Kurdistan
Ouganda
Amérindiens
Katin
Auschwitz
Juifs soviétiques
Arménies
Chilis
Zaïres
Rwanda
Irak
Tchétchénie
Guaranis
Lapons
Tibet
Twin-Towers
Mazâr-e charif
Darfour
Ossétie...
(...)

Et il est soutenu depuis toujours par le regard des filles pubères, celles qui déjà admirent dans le secret de leurs fantasmes, l’homme qui va naître en leur sein. Celui qui sortira de leur éprouvette.

Malgré des réactions qui sont encore floues, elles savent pourtant qui va s'extraire de cet antre et de quelle manière s’émanciperont les possibilités données; prévoyant les combats, sauvant les apparences, servant ces inepties en leur donnant un sens - Sens qui s’appelle gloire ou oubli - adaptant ce bordel, reléguant toute conquête à un jeu de marionnettes déchues, transformant la spirale en attente, soumettant, enfin, d’un seul regard, toute équivalence, toute velléité de sursaut et valorisant l’effort, quel qu’il soit.

Mais déjà soumises à ce tiraillement continuel, à ce déchirement des volontés, à cette douceur qui n’est autre, qu’une forme indifférente de violence, à ces jeux qui deviendront bientôt indécents et cruels, les soutenant jusqu'à la guerre. L’amour n’étant dans ce cas-là, qu’une compensation infime à cette guerre, un peu de repos pour cet éternel soldat, un dérivatif à l’ennui qui pourrait naître, mais aussi un terrible combat entre les idéaux qui s'émanciperont de cette chimie des corps et des idées. Qui s’émanciperont aussi de cette forme de rêve... qu’est la réalité.

Car le rêve fait tout de même partie de la vie et le plus fréquemment nous ne vivons que des rêves, rêvant les réveils brutaux et sordides, rêvant ces chambres dégueulasses salies par le passé, souillées d’excréments, dégoulinantes d’urine et de crachats. Rêves ressemblant à cette trajectoire si peureuse, la retraçant continuellement. Adrénaline acheminée vers les pores par des couteaux salis de sang humain ou de b½uf. Urée transmise à la vessie par une trouille terrible, une trouille organisée par des niveaux conceptuels primaires, n’ayant plus aucun sens du bonheur, de la vie même, n’ayant pour but qu’une survie bestiale et avinée. Ammoniaque indignant les narines, soulevant le c½ur. Usure de ces poumons par d’abominables mégots qui maculent le sol et les murs d’une rage nihiliste incroyable.

Jusqu’au jour où en désespoir de rêve, quand tous les autres prétextes auront été condamnés d’office, quand pour ainsi dire, il n'y aura plus d'issue pour convaincre l'Histoire, on entendra alors près de nous le bruit des bottes ferrées déchirer à nouveau le silence nocturne et on verra comme à la parade, de nouvelles silhouettes de fer se figer dans un garde-à-vous impeccable, dans l’attente des prochaines hécatombes.

Quand on se remettra ici ou là à cacher l’homme qui doit naître, que l’on recommencera à castrer ses érections et à organiser sa discipline au fond de quartiers belliqueux; quand on fera renaître les premières passions au sein d’une promiscuité préfabriquée, quand on redonnera à quelques-uns le pouvoir de nier la vie, le pouvoir de détruire cette perfection, d’arrêter le transit de cette palpitation. Quand on traquera la bête au son d’une trompette, à l’ombre de drapeaux inusables et d’institutions véhiculées par d’admirables héros morts sous le régime de la peur.

Oui, dans ce coma social, on sentira profondément que les hommes sont soudainement à nouveau prêts à tout pour survivre, prêts à tout pour réaménager leur asile terrestre.

Virilité latente. Morsures de loups. Acharnements despotiques. Bestiaire sanglant. Patries des cinq sens.
Ecrire, rectifier, donner son avis