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  Que faisiez-vous pendant ce temps ?

Capitre XII
CHAPITRE XII




C'est une étude approfondie, de la manière d'utiliser sa culture par rapport à son milieu, ceci même d'une manière inconsciente.
  

Notre petit paradis, d'après tous les grands mystiques qui y séjournèrent longuement avant que d'intégrer par la suite rapidement les ordres, d'après aussi la plupart des astrologues des plus performants qui nous côtoient encore quotidiennement, fait partie de l'épine dorsale du monde. En y réfléchissant bien et en me référant à des connaissances plus actuelles, j'en déduisis que, puisque géologiquement ce lieu-dit est situé sur une des premières terres émergées, des lieux où l'on retrouve ces derniers affleurements cristallins précambriens, ou tout au moins primaires, ceci pouvait aisément expliquer cela.

Bien que transgressées plusieurs fois par une Mésogée en gestation perpétuelle, ces montagnes dites noires, avaient donc de droit, l'infortune de se considérer comme la fonction cérébro-spinale d'une partie de la planète. Pour mieux cerner l’endroit, les travaux effectués par d'experts géologues (de la confrérie des pierres ponces), ont donné de ce lieu, des cartes d'une étrange clarté et d'une telle richesse que nous restons encore pantois devant autant d'exactitude.

En effet, bien que nous considérant nous-mêmes comme les premiers habitants de ces contrées sauvages et ceci, depuis plus d'un demi siècle, force est de constater que les méthodes d'investigation les plus pointues ont réussi à en percer bien avant nous, tous les secrets naturels et que, nulle ressource ou composante de cet îlot de verdure perdu n'a pu échapper à la perspicacité de nos chercheurs, que ces derniers soient chauves ou chevelus.

On s'aperçoit dès lors, (ce qui tend à nous rendre modeste, mais parfois quelque peu hargneux), que dans le coin le plus reculé de la planète, le moindre caillou a été répertorié d'une manière systématique et que, finalement, il est vain de chercher un filon sans se faire ridiculiser par une de nos grosses têtes universitaires qui veut avoir le dernier mot.

En restant sur le pas de ma porte, j'ai pu vérifier maintes fois de la sorte que ce qui attire le plus un chercheur dans un endroit quelconque, ce n'est pas la beauté esthétique d'un site particulier, mais le nombre d'atomes qui le composent. C'est ainsi que pour une surface déterminée d'un kilomètre carré (qui prend en compte les courbes de niveau), nous avons pu leur faire calculer, à deux atomes près, le nombre exact de ces derniers structurant notre propre paysage géologique et ceci sur une profondeur qui atteint le magma; chiffre qui doit rester encore secret, en vertu d'un accord passé auparavant, entre les chercheurs et les militaires ceci, lors du trente deuxième congrès de la soumission des peuples à l'ordre établi.

Cambrien

Admonesté par les tournesols de tous bords, je me mis z’à la recherche du seul caillou restant non encore répertorié: je veux parler ici, de la pierre philosophale. Je découvris ainsi, que la seule façon d'exprimer la beauté unique d'un paysage demeurait la manière d'utiliser les mots qui servent à sa description et que la carte la plus parfaite qui soit, ne rendrait jamais compte de la véritable identité d'un lieu précis. Ainsi:

... ...Les courbes des montagnes qui nous entourent, érodées depuis la nuit des temps, forment des lignes douces que l'on peut (certains y tiennent vraiment ) comparer à des courbes féminines (surtout en zone d'affleurement précambrien et en présence de trilobites...).
Le dessin en est précis mais un peu irréel tout de même.
La somme des couleurs peut équivaloir à une structure.
Une structure fixe.
Un composé rivé et projeté de telle manière que la réalité (physique) n'a pas de prise.
Loin d'un épanouissement quelconque.
Loin d'une sérénité introuvable, l'équilibre en est extérieur.
La structure peut définir un paysage visionnaire dont les nécessités sont gommées.
Pourtant le dessin y domine encore la couleur.

Splendeur totale de la nature qui nous inonde
- calme complet -
Paix de ce lac entouré de collines douces aux formes arrondies.
Plénitude des instants, plénitude du tout.
Silences.
Silence plein de cette vision qui empêche le silence, qui empêche le vide ou le néant.
Importance des yeux plus importante que tout.
Regards imprégnés de tous ces paysages et de tous ces visages.
Vision du Beau.
Nécessité de boire toutes ces eaux de source, toute cette limpidité.
Vision unique ou partagée ?
Passage ou réalité ?
Frontière franchie ou géologie fixe et éternelle ?

Comme vous le voyez, l'impact de ces lieux peut avoir une fonction de révélateur, utilisant les instruments d'une alchimie secrète qui distillerait dans la tête de chacun quelques gouttes de poésie secrète. Cependant, avant d'aller plus loin dans ce sens, nous allons situer géographiquement et stratégiquement ce lieu.

La commune du roncier ainsi que le village éponyme qui berce la mémoire collective des nouveaux anciens qui les fréquentent désormais, doivent tous deux leur nom moderne, à la présence d'une masse impénétrable de plantes de ce type qui ont envahi dernièrement les ultimes surfaces anciennement cultivées.

Située au nord/ouest du département de l'Eros, la commune fait partie des derniers contreforts de la Montagne Noire, au sud/est de celle ci. Elle se trouve donc, par le plus grand des hasards, sur une des premières terres émergées puisque, sur ce socle rugueux, des mesures d'âge absolues, ont fait remonter au Précambrien la présence de certains gneiss. Au sud se trouve la plaine des culs bronzés de l'Europe, un ancien bassin de sédimentation. Au nord/est les monts de l'Espionnite et plein nord, une vallée riante, surnommée depuis peu, "le Vallon des escoubilles". Au-delà, la ligne bleue de la Haute Occitanie.

On le voit, la commune se trouve donc en zone de demi montagne. Les altitudes varient de 400 à 800 mètres au dessus du niveau de la mer. Il y a deux versants, un méditerranéen au sud vers lequel nous penchons, et au nord, un versant plus arrosé, dit le "pissadou de Nostre Segné", en référence à d'anciennes latrines divines (d'autres plus modernes, l'appellent de leur coté, le "trou du cul de la vierge" certainement en référence à d'autres types de "cagadou", ou pour d'autres raisons, encore plus obscures. Sait-on jamais ce qui se passe dans la tête des gens !).

La différence de végétation y est bien marquée, puisque l'on passe sur quelques centaines de mètres du lavandin à la callune et de l'alaterne au coudrier. (Les éleveurs de lapins apprécieront). Au point de vue climatique, on bénéficie d'un coté de la maison, d'un bon ensoleillement et de pluies cévenoles de plus en plus abondantes au fil du temps et de l'autre coté, des dernières précipitations venant de l'atlantique. Les plus pessimistes disant qu'on subit tous les désavantages de ces deux types de climats. Le vent y est constant et assez violent. En hiver il peut y avoir de la neige sur nos points de vue les plus élevés alors qu'il pleut simplement une centaine de mètres plus bas, dans les bas-fonds ténébreux, dans l'antre de vos scènes (de ménage).

Les cours d'eau ont un débit irrégulier et fantasque. Ils s'enterrent souvent (pour jouer avec nos nerfs) pour ressortir quelques centaines de mètres plus loin (les petits coquins !), privant ainsi d'eau les derniers poissons-chats, issus d'un autre type de carnage (les chatons noyés se transforment régulièrement en poisson-chat). Privant aussi la race des vainqueurs de ce peu de fraîcheur estivale, entretenu par l'espoir de vivre perpétuellement, à l'intérieur d'une piscine.

La flore sera marquée par l'influence du climat, par l'exposition ainsi que par les dénivellations. On trouvera sur le versant méditerranéen, un maquis ou une garrigue formée de chênes verts ou Kermès(se) qui, en zone d'abandon des pratiques agricoles (c'est à dire un peu partout), prend le pas sur une lande formée d'herbes sèches de faible valeur alimentaire pour les derniers moutons de passage, une herbe fine mêlée au thym et à la lavande vipérine (quel joli nom !).

Sur les autres versants et suivant l'altitude, on trouvera comme arbre ou arbustes: le châtaignier, emblème de la région, le chêne pubescent(?), le hêtre car nous avons depuis longtemps déjà créé une association de défense des (h)êtres, le frêne qui roule doucement, trois types d'érables, dont l'érable champêtre et l'érable de Montpellier, et je tiens à me plaindre ici qu'il n'y en ait pas un seul qui pissât du sirop. Il y a aussi du buis, du houx pour le manche de ma pioche, quelques coudriers, des alisiers (il doit se tromper, ça doit être des alizés), du merisier vrai (le cerisier est un faux-cul), des noyers entre deux eaux, du prunier (on n’en a rien à secouer), du prunellier, de l'aubépine (uniquement si on a la forme et le matin de préférence), quelques robiniers en train de se poser des problèmes, de la bourdaine(?), du fusain d'Europe pour tailler les crayons, des genévriers à la merci des mouches. Il peut y avoir aussi des pommiers et des poiriers redevenus sauvages. L'amandier et l'abricotier y viendraient peut être, mais pas l'olivier, sauf à y transplanter des hybrides montagnards. C'est aussi la dernière limite pour le figuier. N'oublions pas quatre types de genêts dont un arborescent, l'églantier et le roncier. Le chêne d'Amérique et le séquoia y poussent avec succès, ainsi qu'une variété de marronniers géants. Quelques variétés de peupliers et de saules y trouvent également asile, sans parler de tous ces résineux transplantés par les soins de cerveaux estropiés: pins méditerranéens, douglas, mélèzes, cèdres pleurant leur pays d'origine, etc. Les pins sylvestres nous enchantent toutefois avec leurs formes biscornues. Le sureau y pousse agréablement dans les trous du nez des ruines avoisinantes ainsi que les lierres de tous poils qui auraient tendance à étouffer les ruines.

Du coté des plantes on trouve une très grande variété qui va jusqu'à former, sur les terrains encore entretenus, de petites prairies où l'herbe arrive à être assez grasse et assez riche. Sans vouloir dresser ici l'inventaire complet de toutes les espèces présentes, ce qui nous demanderait une étude de flore approfondie, nous nous pencherons tout de même sur la présence de la vesce, de la mauve, du plantain et de la marjolaine, du trèfle, de l'acanthe dans nos jardins et de l'anémone dans les bois. L'angélique y passe quelque fois, l'asperge s'y émeut, l'arum se fait des tâches, l'asaret est en arrêt, l'aspérule est odorante, la benoîte pas si commune et la berle montre ses larges feuilles. Le bleuet s'y fait rare de même que le baguenaudier. La bryone est dioïque, le bouillon blanc et la bourrache ont le même problème. La bourse à pasteur compte ses sous, la bugle rampe, la camomille se fait des tisanes, la capucine y donne ses câpres. La callune inspire nos tableaux, la fontaine des oiseaux à une fonction différente, les centaurées s'affrontent, le catarache s'enrhume. On y trouve aussi le chardon des bénis oui oui, le chèvrefeuille qui embaume, la chicorée si sauvage, le coquelicot qui s'énerve et la ciboulette qui perd la boule. La colchique cherche à nous empoisonner, le cresson cherche une fontaine, le chardon se marie, le chiendent attaque les pieds de cumins dans les prés, les dents de lion bouffent leurs racines, la digitale nous soutient de tout c½ur. La fumeterre s'y essouffle, la fritillaire se déguise en tulipe, les genêts font des balais ou vont chez le teinturier, le fusain croit à l'Europe, la marguerite joue à la grande dame, la giroflée sort ses flammèches. Il y a aussi des herbes qui servent à consoler les femmes battues, d'autres qui vivent chez robert, d'autres encore qui servent aux chats. Le hièble joue au sureau, la knautie fait le tour du champ, l'impatiente s'impatiente, la jonquille y émet du jaune, la joubarbe devient folle sur le toit, le lierre atterrit, le lavandin se parfume, la mauve se pastélise, la mélisse prépare son vin, le mouron se fait du mauvais sang, la menthe prépare le thé et le millefeuille épuise ses cahiers. Le millepertuis bouche ses trous, la mousse fait des tapis, les lichens ne se rasent plus, le muguet y est rare, le perce neige cherche ses skis, les orchidées se font recenser en vue des prochaines élections, l'oseille sort son fric, l'ortie sort ses piquants, les pensées deviennent sauvages, la petite centaurée cherche à grandir, la pâquerette se fait discrète, la pulmonaire est essoufflée, le plantain s'en sort bien, la prêle cherche l'eau, la primevère nous fait coucou, la renoncule est scélérate, le romarin, la sauge et le serpolet préparent nos plats en sauce, la saponaire se lave tôt, le séneçon c'est pour les lapins. La scolopendre joue les troubles fêtes, les soucis des champs s'y créent des problèmes, la verge d'or quelle utopie, le tussilage s'en prend au temps qui passe, la valériane et la véronique se font des cachotteries en douce, la violette nous enivre, l'aconit est dangereux, la buglosse nous tire sa langue de b½uf, la datura nous joue des tours, l'½illet se fait poète, la carline est accole, l'usnée se fait vieille et barbue, la pivoine et le lys martagon sont surveillés de près et la pervenche nous enchante. Voilà pour les plantes. Imaginez la qualité des fromaes !

Passons aux champignons. Nous allons trouver bien sûr l'amanite phalloïde, le cortinaire couleur de sang, le paxille enroulé, l'amanite panthère, le bolet de Satan, l'entolome livide, le clitocybe inversé (?), le clavaire doré, les pancoles, l'amanite tue-mouches, certains psilocybes, l'amanite des césars, l'amanite citrine, l'amanite épaisse, l'amanite vineuse, l'amanite vaginée (?), la lépiote élevée, la lépiote déguenillée, la lépiote pudique, la plutée couleur de cerf, le rosé des prés, le rosé des bois, la psalliote jaunissante, le strophaire vert-de-gris, le lacrimaire velouté, l'hypolome en touffes, le coprin noir d'encre, le cortinaire élévé, le cortinaire remarquable, les meuniers qui dorment, les mousserons qui moussent, le collybie à large feuille, le mycène pur, le clitocybe laqué, le clitocybe laqué améthyste, le clitocybe anisé, le clitocybe nébuleux, le tricholome nu qui a perdu son tricot, le tricholome de la Saint Georges, le tricholome prétentieux, le tricholome terreux, les pleurotes, les armillaires couleur de miel, la russule charbonnière, la russule verdoyante, la russule émétique, la russule jolie, la russule fétide, la russule à pied violet, le lactaire velouté, le lactaire délicieux, le lactaire brun, l'hygrophore écarlate, le gomphide glutineux, le cèpe de bordeaux, le bolet à beau pied, le bolet à pied rouge, le bolet à chair jaune, le bolet rude, la langue de b½uf, les pieds de mouton, les trompettes de la mort, la girolle, le satyre puant (?), la vesce de loup, les oreilles de judas, la pézize orangée, la morille blonde et bien sûr la truffe.

Pour les oiseaux la liste sera peut-être un peu moins longue. On y reconnaît pourtant certains rapaces tels les circaètes, les busards, les faucons et maintenant l'aigle de Bonelli. Il y a aussi, quelques alouettes qui s'admirent dans nos miroirs, les palombes en grand danger, une bécasse de temps en temps, trois types de bergeronnettes près du troupeau, des bouvreuils, des bruants qui jaunissent, quelques chardonnerets près des piquants. La chouette y est chevêche ou nous effraie, quelque fois elle nous hulotte la tête. On a vu passer des cigognes et très peu de courlis, quelques corbeaux y ont élu domicile de même, que le coucou. La fauvette y est douce, le geai jaillit, la grive est musicienne, le gros bec y hiberne, le hibou fait la gueule, l'hirondelle est de passage, la huppe est huppée, le martinet y crie, le merle nous surprend, la mésange est charbonnière, le pic est noir et parfois vert, la pie monte rarement jusque là, le pigeon vient ramer, le rossignol nous enchante, le rouge gorge et le rouge queue sont oranges, la sittelle s'aplatit, les troglodytes se font discrets...

Chez les autres types d'animaux nous trouverons: Le renard, le blaireau et la belette, le lièvre, le garenne, la tortue dans un bocal, la genette, la fouine, la biche, la couleuvre, la vipère, le lézard vert, le sanglier, le mulot, la musaraigne, la taupe, le rat des champs, deux pipistrelles, l'écureuil, le loir, la salamandre, la grenouille, le crapaud, le taupin, le taon, l'araignée, le sphinx, le scolopendre, le scarabée, le bousier, la courtilière, le puceron, la fourmi, la piéride, le phalène, le phasme, l'écrevisse, l'escargot commun, d'autres moins communs, quelques moustiques, la luciole, la libellule, l'abeille, la guêpe, le grillon, le frelon, le mille-pattes, l'épeire, le doryphore, la sauterelle verte, grise, bleue, jaune et noire, bleue et grise, rouge et grise, la grande sauterelle, le criquet, la chenille arpenteuse, le bourdon (qui ne l'a pas!), la fourmi volante, la blatte, la mouche bleue, verte, grise, brillante, marron, noire, commune, à merde. J'arrête là cette énumération débile.

« Et c'est tout cela que vous voulez détruire ? Non mais ça va pas ! Avec vos bulldozers, vos résineux, vos pesticides, vos fongicides, avec vos bottes ferrées, vos niveleuses, vos rouleaux compresseurs, Et votre mauvaise humeur. Par pitié, arrêtez ! »

Pour expliquer peut-être cette mauvaise humeur récurrente, il faut dire que l’idéal jamais atteint (sauf peut-être par les Amérindiens ?) des relations Homme/Nature (la nature est en général, indifférente à l’homme), a facilité chez les Humains (certainement par horreur des contraintes que leur imposait continuellement cette même Nature), la création de représentations toujours plus défavorables à cette dernière.

C’est ainsi que dépassé depuis toujours par l’immensité et la complexité de tout ce qui l’entoure, l’Homme n’a jamais su faire dès lors autre chose qu’à se mettre à gérer des espaces de plus en plus restreints, des espaces aujourd’hui confinés qu’il se transmet par acte notarié. Pour tenter de comprendre cet itinéraire définitivement borné, pour tenter de comprendre cet étrange cloisonnement des sens et du cerveau, imaginons un instant, lors de sa genèse hagarde, cet être vagabond cherchant à se désengluer des glaises de son passé bestial. Regardons-le surgir ou plutôt s’extirper de la gangue des aubes apocalyptiques de sa naissance et observons-le attentivement poser un à un ses jalons, premières barrières défensives contre une nature qui l'empêche infatigablement de s'exprimer complètement. Toutes ses facultés créatrices sont alors mises au service de cet unique but. En même temps qu’il intériorise les dangers (par)courus, il les vainc à coups de barrières et chacune d’elles restera à jamais, inscrite dans un des recoins de sa mémoire. Puis, petit à petit, il perfectionne ses différents systèmes, il les peaufine. Pourtant, il est resté poilu, hirsute, il est dégueulasse, il ressemble encore à une bête et il gardera désormais en mémoire qu’il ressemblait à une bête, jadis..., quand il faisait également partie de la nature.

Puis, ses barrières délimitent un espace de plus en plus précis et il le fait savoir de vive voix, il le claironne, il se met à revendiquer sa possession terrestre et cela le rend fier. Ensuite il commence à le faire noter, il institutionnalise son os. D’ailleurs, la plupart du temps, il se contente maintenant de cet os, il le ronge, il en est jaloux. Cet ancien cannibale est peu à peu devenu une sorte de rongeur nécrophage et ce long chemin métaphysique soulève alors en nous, le voile de l’enfer, le dénude à nos yeux.

Nous venons aux côtés de ces instincts primaires et pendant quelques trop courts instants de vérité secrète, de survoler tout un pan d’une Histoire humaine restée continuellement escamotée, une Histoire avec ses zones obscures, ses boyaux sombres, ses dédales d’abstractions inextricables, ses buts irraisonnés, entremêlés de doutes et d’angoisses, des buts entremêlés de projets d’angoisse. Avec lui, nous nous sommes arrêtés quelquefois stupéfaits en voyant les extraordinaires possibilités d’une compréhension totale des choses; devant cette évidence matinale, devant ces bouquets de chants d’oiseaux.

Heureux d’être aussi parfois près de ces rossignols quêtant l’oubli dans un absolu total, guettant simplement la compagne future de leur chant solitaire – un chant non pas émis pour accompagner cette étrange solitude hébétée qui nous fait trébucher les soirs de deuils – mais un chant solitaire intégral. Un chant dédaigneux d’autres chants. Ruisseaux de notes dans un corps si frêle, dans une gorge si menue, enchantant pourtant nuits et jours de roucoulades joyeuses à donner le vertige. Ce vertige qui désormais nous manque...

Et, avec la clairvoyance rationnelle et la dureté d’esprit qui nous caractérise tous, prostrés dans des états mentaux qui la plupart du temps, vont à l'encontre de toutes nos options les plus subjectives, nous avons fermé les yeux, parfois en sanglotant, puis nous avons tourné la tête et poursuivi notre chemin, pour nous retrouver un peu plus loin dans le tumulte de la multitude. Là où l'on ne trouve jamais la moindre main tendue, des yeux limpides ou un sourire pur. Là où l'ironie des contacts humains se traduit tout à coup, par des coups de klaxon qui remplacent dorénavant les salutations distinguées; là où les bousculades tiennent lieu d’amicale bienvenue et là où l’état de siège policier a remplacé peu à peu l’attention bénévole des infirmières... Là où les raclements de gorge des matins besogneux, vomis par des toux salies de crachats tentent de s’accorder avec le chant des pinsons mis en cage; là où les rêves d’ambition accompagnent pas à pas les hommes tout au long de leurs chemins d’acceptation - humilité suprême confortant perpétuellement ce non-sens historique, confortant depuis toujours, cette hégémonie de quelques-uns sur des milliers de cerveaux - Labeur insensé qui perturbe tout sens critique et qui soumet à un va-et-vient incessant des personnes pour qui l’intérêt de l’argent a désormais remplacé l’intérêt de la vie, des personnes parfois prématurément usées qui agonisent au jour le jour, dans les derniers soubresauts d’une culture décadente.

Ce gué pour les rêveurs. Ce passage entre deux mondes, l’un fait d’abstraction cosmique, l’autre d’un linceul lacté; ce passage il faut le dire, est terriblement sale, et bien que les intempéries s’acharnent régulièrement à tout laver, la trace reste nette. Qu’avons-nous voulu vivre ? Qu’avons-nous donc rêvé pour qu’une telle épreuve nous soit finalement léguée ? Sommes-nous uniquement les légataires universels d’un rêve inachevé, souillant le plus souvent la nitescence de crachats et de sperme, cautionnant l’unique solution, pavant l’enfer, soumettant continuellement aux regards des autres, des images irréfléchies ?

Pourtant, pour nous accompagner le long des évasions secrètes, le théorème printanier a toujours été là. Il était là d’ailleurs bien avant nous, pollinisant inlassablement les séquelles, introduisant ça et là le bordel dans cet ordre fictif, induisant des inflorescences fécales, distribuant de nouveaux rôles, s’aidant de tous les artifices pour toujours mieux prouver la réussite de cette extraordinaire alchimie - banals et ternes reflets des frondaisons fleuries - Il était là, pour s'enorgueillir de réussites postérieures, des réussites anticipées par des poussières odorantes allergiques depuis toujours à l’odeur des poumons encrassés, des poussières de fleurs sempiternellement amenées par des brises flatteuses ou par des vents contraires, mais le plus souvent transportées par d’accablantes tourmentes, des tourmentes, elles mêmes accompagnées de gros nuages noirs échappés de leur maison mère… et parfois aussi associées à de mystérieuses raisons de vivre.

Création de matière. Géotropisme infernal. Géométrie vagabonde. Et ces fleurs sont faites pour nous !...

Désinence printanière.

Comparaison imparfaite.

Ce qu'il y a d'extraordinaire, dans cette vie isolée, dans ces lieux qui nous semblent maintenant être éloignés de tout progrès, c'est que l'on pourrait montrer qu'ici, la baisse de la biodiversité relative des espèces animales et végétales encore présentes (sans parler de cette nouvelle mythologie qu’est la perte de l'esthétique rural), n'est pas liée à un rapport défavorable causé par une population humaine qui prendrait définitivement le dessus sur ces mêmes populations animales et végétales. Non, cette baisse de la biodiversité est directement dérivée des pratiques de prédation de plus en plus actives ou simplement à relier aux logiques de développement mono-factorielles qu’imposent les hommes à ce même milieu (et qu’ils nous imposent par la même occasion).

Les quelques données statistiques qui suivent et qui sont tirées d'une monographie locale 1, situent la présence des êtres humains et des animaux domestiques depuis leur plus forte concentration, c'est à dire aux alentours du début du 19ème siècle, à nos jours. Ces chiffres sont localement exemplaires du phénomène d'abandon des pratiques agricoles, phénomène dont on peut visualiser l'ampleur sur le tableau et le graphique suivant et qui se traduit comme on l’a vu dans le chapitre VII (pages 62-63), par une évolution inexorable des Surfaces Toujours en Herbes (STH) vers des couverts arborés.

Stat 1850-1980

Toutefois, on dira ici, le peu de confiance que nous devons faire aux chiffres, car il faut en général prendre en compte que les personnes recensées ne déclarent jamais l'entière vérité et que de leur coté, les enquêteurs sont parfois fatigués.

Malgré ces deux types de biais, on peut considérer que la faillite du Système Agricole (SA) met en évidence l'impossibilité qu’a eu l’homme, dans les zones où la mécanisation n'a pas été possible, de lutter, sans l'aide des animaux domestiques, contre ce type d'évolution. Dans ce sens, par ici le mythe du Surhomme a quand même reçu, au passage, un peu de plomb dans l'aile. Pour nous d’ailleurs, ce mythe sera toujours le fait d'une collectivité.

Déprise

De plus, si on lie cette variable (la présence des herbivores) à l'évolution de la totalité des surfaces vers des surfaces boisées, on remarquera aussi que par la même occasion la biodiversité locale en prend historiquement un sacré coup derrière les oreilles. Elle en prend aujourd’hui un autre coup, si on considère que les populations actuelles, qui ont capté au fur et à mesure, les principaux cours d’eau afin de satisfaire leurs besoins ménagers et « jardinesques », arrivent pratiquement en été à assécher ces pauvres ruisseaux (ceux que nous avions repéré ci-dessus comme ayant une fonction esthétique et psychique potentielle sur notre inconscient (et peut-être aussi, sur celui des pêcheurs)).

Tant pis pour le murmure des petites cascades, tant pis pour nos oreilles et tant pis aussi, pour la vie des écrevisses et des truites, ou autres habitants secrets de ces parages humides: «Ils n'avaient qu'à pas se trouver là !». « D'ailleurs’s ces rivières étaient braconnées sans arrêt depuis déjà longtemps, « alors’s » pour ce que ça change... »

On appelle ce type de société, une société minière de pillards. Quand il n'y a plus de ressources dans un endroit, elle va se faire voir ailleurs.
 Ecrire, rectifier, donner son avis